Il y a un
mot, non, pas un mot un concept en vogue au Cameroun qui m’énerve : la
responsabilité. Pour le camerounais, être responsable c’est être un Homme, c’est
avoir un job, une femme, les enfants qui vont avec, c’est sortir seulement le
samedi soir et rentrer à 22h, c’est aller le dimanche à la tontine des
ressortissants du village, c’est avoir les cheveux blancs chaque rentrée
scolaire, c’est parler du terrain à acheter à Nomayos, c’est se renseigner sur
le prix des parpaings, c’est s’intéresser au prix du bétail en vue de la dot de
madame etc.
Quand une
fille me sort la phrase «Ngimbis, il faut te responsabiliser hein ?», d’habitude
je ramasse mes fringues je me rhabille en vitesse et je fuis. J’ai appris à
reconnaître les vampires. Pourtant se marier n’est pas chose facile hein ?
Quand un homme ici au Pays des Crevettes décide de se marier, c’est ce jour qu’il
apprend qu’il a une famille. Il y a quelque temps, un cousin a décidé de se
marier. Pas avec une inconnue hein ? Avec une fille qui sa vie depuis cinq
longues années (je me demande comment ils font) dans un violent « viens on
reste » la version camerounaise du compagnonnage amoureux.
Je ne sais
pas ce qu’elle lui a fait au lit une certaine nuit, le voilà le lendemain avec à
la bouche un mot : mariage. Aujourd’hui il y a le portable hein ? En quelques
heures toute la famille est au courant. Le week-end suivant, voilà un oncle
maternel, le patriarche de la famille qui débarque du village. J’ai assisté à l’interrogatoire
en règle qu’il a fait subir à mon cousin et j’ai eu froid dans le dos. Je précise
(vous comprendrez pourquoi) que la fille est de Yabassi, cadre, trentenaire, et
mère d’un adorable gosse.
Oubliez l’amour
hein ? Oubliez les envolées lyriques sur les sentiments. Quand un camerounais
présente sa future femme à ses parents, rien de tout cela ne compte. Leurs critères
sont ailleurs.
L’ORIGINE
On a beau
jouer au jeu hypocrite de l’amour, la tribu est le critère majeur. Une fille d’une
tribu étrangère perd beaucoup de points. Le camerounais fait des affaires avec
ses concitoyens, mange et boit avec eux, mais quand il s’agit d’union, c’est
autre chose. Certaines unions meurent à l’énoncé de la tribu de la compagne.
Une bamiléké ? Mon fils ! Tu vas seulement marcher sur mon corps avant de l’épouser.
Tu ignores que les bamilékés nous ont trahis pendant le maquis ?
On ressort
des clichés endormis, des lieux communs, des inepties : Une Yabassi? Est-ce que
tu sais qu’avec leur sorcellerie, les Yabassi ont fait tomber la chéchia du président
Ahidjo lors d’une visite chez eux ? Idioties parfois proférées, parfois tues
car en réalité le rejet au nom du tribalisme ne s’assume pas. Il n’a pas de
fondement logique. Donc on sort une sentence sans appel : Une nkwa ? Jamais !
LE STATUT SOCIAL
Curieusement,
une femme qui ne travaille pas a plus de chances. Elle est jugée plus malléable,
moins indépendante. La femme qui s’assume fait peur. Tu sais comment elle a eu
son argent ? Tu sais qui lui a trouvé le travail ? Le genre-ci tu vas lui dire
quoi ? Mon oncle ayant vu une photo de la dulcinée de mon cousin s’est exclamée
: elle met la chaine au pied ! J’ai failli éclater de rire
L’âGE
Par ici la
femme vieillit vite hein ? Passé la barre des vingt-cinq ans, la camerounaise
entre dans la zone rouge. Chaque année qui s’ajoute fait baisser son prix sur
le marché. A trente ans, c’est carrément mission impossible, elle est considérée
comme une orange qui a libéré tout son jus, et forcément, ce sont les autres
qui l’ont sucée Par ailleurs avoir une femme du même âge que soi n’est pas jugé
politiquement correct. L’écart idéal est un minimum de cinq ans.
LES ENFANTS
Ils ne sont pas les bienvenus, surtout qu’ils
sont ceux de l’Autre. Un proverbe (de mon oncle) dit : la bouche qui a goûté au
miel n’oublie pas sa saveur. Comprenez qu’un jour, elle rentrera forniquer avec
le type qui lui a fait un enfant. Je me suis juste demandé ce qu’était mon
cousin dans l’histoire. Un citron ou une kola ? Voilà! Chaque jour, je vois des
drames autour de moi. Des gens qui s’aiment mais se séparent pour contracter
des unions de convenance question de satisfaire une famille arriérée. Des
phrases étranges : « il m’a perdu le temps «, « ses parents ne m’aiment pas «, «
ma mère l’a refusée « !
On a créé
une classe de femmes, belles, fortes, entreprenantes, qui ont très souvent réussi,
mais que la société machiste et conservatrice fragilise et regarde de haut au
seul énoncé de la phrase maudite : elle n’est pas mariée [et vu son âge, il y a
peu chances que ça arrive...]. Des noms d’oiseaux : « Grillée «, « rococo «, «
produit fini «. Chacun se cache derrière des prétextes : la culture, le lien
familial, la tradition, la parole de la mère, la pression familiale, mon oeil !
Quand on croit en quelque chose on se bat pour. Si tu es une femme et qu’à la
lecture de tout ceci tu paniques, je te rassure : Si tu es blanche, on va t’accepter.
Munis-toi
juste d’un passeport valide. Si tu es la soeur de Samuel Eto’o (et de son
compte bancaire) on va fermer les yeux sur ta ribambelle de bâtards. Si tu n’es
ni l’une ni l’autre, hum ! J’ai peur pour toi. A mon cousin, mon oncle a proposé
une vierge de dix-sept ans qu’il dit garder en réserve pour lui au village. J’ai
levé la main : « heutonton, moi aussi je suis dans le be «. Le regard qu’il m’a
lancé m’a empêché de terminer. La vie est injuste hein ? Je me tais. Peace !
kongossa.mondoblog.org : Florian Ngimbis
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