Le 16 Novembre 2014, je publiais sur ma
page Facebook et aussi sur le réseau LCLC, un article proposant l’arrêt
définitif de l’Opération Epervier et l’instauration d’un Comité
Vérité-Restitution-Reconversion-Réconciliation en abrégé CV3R. Je réitère ici
avec plus d’arguments justificatifs, la même proposition à la fois à l’endroit
des Autorités investies du pouvoir de décision, et du peuple Camerounais qui
est la principale victime des atteintes à la fortune publique.
En effet plusieurs années après son
lancement, l’opération « EPERVIER » adoptée par le
pouvoir pour assainir par la répression, la morale publique si gravement
polluée par la corruption et le détournement des fonds publics, a
démontré suffisamment ses limites. La corruption continue à gangréner la
république; les gestionnaires des fonds publics continuent à détourner et les
arrestations, à compte - goûtes et parfois à tête chercheuse, n’ont finalement
pas pu stopper la saignée. Même les organes créés et chargés d’accompagner
l’Etat dans cette lutte somme tout salutaire, n’ont finalement pas échappé à ce
phénomène devenu la règle dominante dans le système gouvernant. Regardons ce
que le CONSUPE a constaté quand il est allé fouiner dans les poubelles de la
CONAC! Soyons rassurés que c’aurait été le même constat au CONSUPE ou à l’ANIF
si un autre organe compétent, (pour quoi pas la CONAC aussi à son tour) partait
contrôler la gestion de ces deux autres organes institutionnels de lutte contre
la corruption et le détournement.
Il me semble que l’Etat devrait prévoir
toute une ville entière pour accueillir les pénitenciers de l’opération
Epervier si on reste dans l’optique finalement stérile des arrestations
intempestives des personnalités comme moyen de lutte contre la corruption. Tout
un gouvernement en prison avec en prime, des décès cumulés des personnalités
publiques en état d’incarcération ; des milliards dépensés pour le
fonctionnement des multiples institutions créées et pour l’entretien de «
l’Epervier » et autres missions d’investigations dans le monde ; mais
finalement presque rien dans la gibecière en terme des espèces recouvrées et
reversées dans les caisses de l’Etat.
L’opération Epervier a plutôt contribué à
appauvrir l’Etat car on a dépensé mille fois plus que ce qu’on a pu recouvrer
jusqu’ici. Et que dire de l’image du pays si gravement dégradée aussi
bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Aujourd’hui, pour recruter un jeune
camerounais à l’Extérieur du Pays, on torche au moins cent fois sur son dossier
parce que notre nation est désormais fichée comme étant un peuple corrompu.
Imaginez aussi la situation d’un Etudiant Camerounais qui veut s’inscrire en
agrégation quelque part à l’extérieur et dont la thèse de doctorat a été
dirigée par le Pr Gervais MENDO ZE.
Aura - t-il encore le courage de dire
« ma thèse de doctorat a été dirigée par le Pr Gervais Mendo Zé » au
risque de se voir « rétorquer » ; Ah oui, celui-là qui est en prison
pour détournement de deniers publics ? ». A l’intérieur du pays, nos
jeunes n’ont plus d’idoles ou de personnalités publiques modèles ; ils ont de
la peine à trouver dans notre société, des personnalités pouvant encore leur
servir de référence. Non ! il est temps qu’on repense la stratégie de lutte
contre la corruption dans ce pays.
Lorsque la dérive publique atteint des
proportions aussi alarmantes, la faute n’incombe plus exclusivement aux
personnes physiques concernées ; il faut interroger bien plus le système mis en
place qui doit sans nul doute avoir des nombreuses défaillances qui facilitent
la réalisation des forfaitures décriées. La vraie lutte anticorruption aurait
dû être préventive si la volonté politique était sincèrement exprimée. Ne
perdons pas de vue que l’article 66 de la Constitution qui stipule que : « Le
Président de la République, le Premier Ministre, les Membres du Gouvernement et
assimilés, le Président et Membres du Bureau de l’Assemblée Nationale, le
Président et Membres du Bureau du Sénat, les Députés, les Sénateurs, tout
détenteur d’un mandat électif, les Secrétaires Généraux des ministères et
assimilés, les Directeurs des Administrations centrales, les Directeurs
généraux des entreprises publiques et parapubliques, les Magistrats, les
Personnels des administrations chargées de l’assiette, du recouvrement et du maniement
des recettes publiques, tout gestionnaire de crédit et des biens publics,
doivent faire une déclaration de leurs biens et avoirs au début et à la fin de
leur mandat ou de leurs fonctions. Une loi détermine les autres catégories de
personnes assujetties aux dispositions du présent article et en précise les
modalités d’application». Depuis la promulgation de la Constitution le 18
Janvier 1996, soit près de 19 ans après, le Pouvoir n’applique pas cette
disposition. Dans la foulée, la loi no 003/2006 du 25 Avril 2006 sur la
déclaration des Biens et Avoirs est adoptée et promulguée mais le décret
d’application de cette loi reste toujours attendu jusqu’ici sans qu’on ne
puisse dire au Peuple ce qui fait réellement blocage. Cependant, diverses
attitudes et déclarations de certains membres du Gouvernement nous permettent
de comprendre qu’il s’agit d’un manque de volonté politique pour l’application
de cette disposition constitutionnelle. Ainsi, pour Monsieur Issah Tchiroma,
Ministre de la Communication et Porte-parole du Gouvernement, « cette loi ne
sera jamais appliquée au Cameroun car ce n’est pas dans notre culture. On ne
viendra pas compter le nombre de chèvres derrière la cour de quelqu’un… évoquer
l’application de cette loi en 2012, c’est occulter les grandes réalisations du
Chef de l’Etat ... Ces ONG donneuses de leçons sont manipulées et sont au
service des gens qui veulent déstabiliser le pays et son Chef ».
Au lancement du Forum national sur la
Protection non judiciaire de la fortune publique à Yaoundé le 14 Mars 2012, le
Ministre chargé du CONSUPE, Monsieur Henri EYEBE AYISSI a fait une déclaration
non loin de cette position du Ministre TCHIROMA lorsqu’il dit « qu’en ce qui
nous concerne, l’occasion offerte par ce forum a été saisie pour préconiser, à
l’endroit desdits partenaires extérieurs, que l’accent soit mis sur une
évaluation globale et compréhensible des progrès réalisés au fil des temps par
notre pays en matière de lutte contre la corruption, en évitant toute
focalisation excessive sur l’article 66 de la Constitution relatif à la
déclaration des biens et avoirs ». Et pourtant, répondant à une question
d’un Député sur ce sujet en décembre 2008, le Vice-premier Ministre, Ministre
de la Justice d’alors, Monsieur Amadou Ali, avait fortement annoncé à la
Représentation Nationale et donc à la Nation, que le décret d’application de la
loi sur la déclaration des biens et avoirs allait être finalisé avant la fin du
premier trimestre 2009 et que les hauts Responsables de la République devront
alors immédiatement se soumettre aux dispositions de l’article 66 de la
Constitution. Par ailleurs, n’oublions pas qu’un an après l’expiration de la
date-line (31 Décembre 2013), le Cameroun reste le seul Pays qui en zone CEMAC,
ne dispose pas d’une Cour de Comptes pourtant exigée parmi les conditions que
chacun des six Etats membres de la sous-région devait respecter dans le
processus de l’intégration sous-régionale.
Il est clair que ni la multiplication des
institutions dites de lutte contre la corruption et qui finalement s’avèrent
plus budgétivores qu’efficaces en la matière, ni les arrestations intempestives
et spectaculaires des Personnalités présumées coupables de détournement de
fonds publics, n’ont permis de freiner significativement la corruption et le détournement
des fonds publics dans notre pays ! Bien au contraire, elles ont contribué à
appauvrir davantage l’Etat et à noircir dangereusement son image et sa
crédibilité.
Pour cette raison, j’ai l’honneur citoyen et républicain, de proposer au Chef
de l’Etat et au Peuple Camerounais Souverain :
1. D’arrêter
définitivement l’Opération Epervier et de dissoudre toutes les institutions
dédiées à la lutte contre la corruption ; notamment la CONAC, l’ANIF, le CTS et
toutes les cellules anticorruption entretenues dans les Ministères;
2. De
signer et publier le décret d’application de la loi du 25 Avril 2006 et
soumettre immédiatement toutes les personnalités concernées, à l’exigence de
déclaration des biens et avoirs recommandée par l’article 66 de la Constitution
et clarifiée par la loi no 003/2006 du 25 Avril 2006 ;
3. De
maintenir le CONSUPE dans le rôle d’Auditeur Interne de l’Etat travaillant sous
l’Autorité hiérarchique du Chef de l’Exécutif à qui il destine prioritairement
ses rapports mais avec obligation d’en faire copie à la Cour des Comptes.
4. De
créer immédiatement la Cour des Comptes en lieu et place de l’actuelle Chambre
de comptes de la Cour Suprême. La Cour des Comptes jouira de pleine autonomie
par rapport au pouvoir exécutif et exercera l’autorité de contrôle externe de
toutes les institutions publiques, parapubliques et associations bénéficiant de
financements publics. Elle aura pouvoir d’ester immédiatement en justice
lorsqu’au terme d’un contrôle, le rapport conduit à la présomption de
culpabilité pesant sur le gestionnaire contrôlé.
5. De créer et mettre sur pieds, le Comité
Vérité, Restitution, Reconversion, Réconciliation, en abrégé CV3R. Les
gestionnaires publics jusqu’ici présumés coupables des faits de corruption et
de détournement des deniers publics au vu des différents rapports des
institutions de contrôle, devront être traduits devant le CV3R (Comité
Vérité-Restitution-Reconversion-Réconciliation au Cameroun) où, convaincus par
les preuves de leurs forfaitures, ils devront confesser et rembourser les fonds
détournés majoré du dommage et intérêts calculés sur la base du taux débiteur
en vigueur majoré de 5 points.
Ils demanderont Pardon à la Nation,
s’engeront à se reconvertir en personne saines et seront frappés de déchéance
pendant 15 ans durant lesquels ils ne pourront plus avoir une fonction publique
ni par nomination, ni par élection ; enfin, ils signeront l’acte de
réconciliation avec le peuple. Ces compatriotes reconvertis et réconciliés avec
le peuple, quitteront les geôles (pour ceux qui y sont en détention provisoire
ou sur la base d’une loi d’amnistie), réintègreront la société où, du fait de
leurs expertises et expériences professionnelles dans leurs différents domaines
de compétence, ils joueront le rôle de conseillers consultables à volonté dans
leurs domaines de compétence ou d’expérience. Ainsi, nous auront lavé en
douceur, le linge sale en famille pour nous tourner résolument vers l’avenir du
pays étant réconciliés et entièrement engagés pour une nouvelle gouvernance qui
exige à tous, le respect du principe sacré de la chose publique au risque des
sanctions cette fois là judiciaires des plus sévères
6. Durant les activités du CV3R, les
dispositions du code pénal et du code de procédure sur la répression de la
corruption et le détournement des deniers publics, devront être révisées pour
renforcer leur sévérité de sorte qu’au terme de la mission du CV3R qui ne
devrait pas excéder deux ans, toute personne coupable d’actes de corruption
et/ou de détournement de fonds publics devra être judiciairement sanctionné sur
la base de ces nouvelles dispositions.
Par Adamou Youmo Koupit,Gestionnaire,
Consultant en Microfinance
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