Il y a des
actualités qui remettent au goùt du jour l’Histoire et ses drames rangés dans
les placards. Celui que nous revisitons aujourd’hui concerne l’aventure
politique des quatre « têtes brulées » du Burkina Faso, comme on les
appelait : le capitaine Isidore Noel Thomas Sankara « le leader naturel des 4
Prime, le commandant J-B Lengani « le doyen d’âge », le capitaine Blaise
Compaoré « le soldat intrépide » et le capitaine Henri Zongo « la tête de
mule ». Tous officiers militaires qu’ils étaient, les membres du quatuor s’invitent
sur la scène politique et s’y illustrent de la décennie 1970 à 2014. Leur amitié
suivra un scenario digne d’Hollywood qui vaut une révisitation de l’Histoire
vue sous l’angle du mélodrame.
Au début de
l’aventure, était l’amitié entre Thomas et Blaise. Compaoré se lie à Sankara
sur la ligne de front lors de la « première guerre des pauvres « entre le Mali
de Moussa Traoré et la Haute Volta de Sangoulé Lamizana, durant laquelle
Sankara se couvre de gloire. Ils deviennent inséparables. En 1976, lorsque
Sankara est nommé commandant du centre national d’entrainement militaire de Pô,
Compaoré sert à ses cotés, d’abord comme instructeur, puis comme adjoint. Le 25
novembre 1980, après une grève des syndicats enseignants, Lamizana est déposé
par le colonel Saye Zerbo. Le même jour du coup de force, clandestinement, au
domicile de Blaise Compaoré, un noyau d’officiers progressistes se réunit pour
analyser la situation. Ils déterminent une attitude de réserve vis-à-vis
des nouveaux dirigeants. C’est à ce moment que les deux autres membres,
Jean-Baptiste Lengani et Henri Zongo se greffent vraisemblablement aux deux
premiers membres des « têtes brulées «, Sankara et Compaoré. Assurément, ils
ont été présentés à Sankara par Compaoré qui les connaissait depuis le prytanée
militaire de Kadiogo (PMK) où J-B Lengani avait été une sorte de « grand frère
protecteur « pour le jeune Blaise.
Le nouvel
homme fort met en place le Comité Militaire de Redressement pour le Progrès
National (CMRPN). Pour s’attacher la sympathie populaire, Saye Zerbo décide d’intégrer
dans son gouvernement Thomas Sankara comme secrétaire d’Etat à l’information.
Proposition rejetée par ce dernier. Toutefois, sur intervention d’un membre de
la junte, ami de Sankara, le colonel Félix Tiemtarboum, il accepte d’occuper
provisoirement le poste, le temps pour le CMPRN de se trouver un titulaire.
Durant cette période, Sankara manœuvre pour faire nommer les trois autres
membres du quatuor à différents postes de commandement.
Sankara, le
secrétaire d’Etat « en attendant », attendra en vain son successeur. La
seule chose qu’il verra prendre place, c’est la corruption progressive du régime
et les manœuvres de Saye Zerbo pour se prémunir contre la fronde en supprimant
les syndicats. Le 12 avril 1982, il démissionne du gouvernement avec éclat pour
se démarquer du régime Zerbo, dans lequel il dit s’être engagé à son corps défendant.
A sa suite, les trois autres membres du quatuor démissionnent. C’est à compter
de cet incident que pour la première fois, leurs camarades officiers leur
attribuent l’appellation : « les têtes brulées ». En représailles, Sankara
est arrêté, dégalonné et interné au camp militaire de Dédougou ; Compaoré et
Zongo sont aussi arrêtés et enfermés dans les camps de Farah et Ouahigouya le
14 mai 1982.
Tout le long
de son histoire, le plus grand des quatre, Thomas Sankara, a porté ces valeurs
d’intégrité. Lorsqu’il est nommé secrétaire d’Etat en 1980, Sankara s’illustre
en fixant sa résidence dans un quartier populaire de Ouaga. Il vient au conseil
de gouvernement tantôt sur son vélo de course, tantôt dans la jeep militaire qu’il
a choisir comme véhicule de fonction. Il ne s’arrêtera pas là. Lorsqu’à la
suite du changement de régime, il est nommé premier ministre en novembre 1982
aux cotés de Jean-Baptiste Ouedraogo, il remet ça. Au retour d’une visite d’Etat
en Lybie, où le gouvernement hôte avait pris entièrement en charge son séjour,
Thomas Sankara reverse dans les caisses de l’Etat les frais de mission non
utilisés parce que, comme le confient ses collaborateurs, il estimait normal de
rendre l’argent de l’Etat dont il n’avait pas eu besoin.
Justement,
cette visite à Kaddhafi « la bête noire » va couter chère au quatuor. Sur
pression de Guy Penne, le conseiller Afrique de Mitterrand, le commandant
Jean-Baptiste Ouédraogo, une sorte de « roi-mou » à la Kasavugu limoge,
sans crier gare, Sankara, son indélicat premier ministre. Il est aussitôt mis
aux arrêts avec Jean-Baptiste Lingani. En représailles, Henri Zongo se rebelle
avec ses soldats et se retranche dans le camp Guillaume. Comme revendication,
il exige la libération de ses deux amis. Mais très vite son retranchement est
encerclé par les blindés de l’armée voltaïque. Lorsque la nouvelle lui
parvient, Sankara demande qu’on le mette en contact téléphonique avec Henri
Zongo car il savait que ce dernier, peu bavard mais particulièrement têtu,
irait jusqu’au bout pour ses amis. Il finit par rendre les armes, sur
intervention de Sankara. Aussi, est-il, à son tour, arrêté et enfermé. Mais l’une
des « têtes brulées » manquait à l’appel : Le capitaine Blaise Compaoré.
Et c’est de lui que vient la solution. Depuis sa base de Pô, le 4 aoùt, le
capitaine Blaise Compaoré et ses commandos d’élite prennent d’assaut la
capitale et déposent le régime de Jean Baptiste Ouedraogo au bout de 30 minutes
de combat. L’assaut donné simultanément sur plusieurs fronts à 21h30 prend fin
aux environs de 22h.
Une fois au
pouvoir, le leader des « têtes brulées » garde cette philosophie de
convertir les frais que coutait le confort du politique en ressources budgétaires
pour amoindrir la misère de son pays, en proie aux sécheresses, aux menaces de
famine et sous le poids des sanctions internationales privatives. Il met au
garage les limousines de fonction de la présidence dont il estimait les frais d’entretien
très couteuses. Son nouveau cortège se composait d’une Peugeot 205 noire où il
s’asseyait toujours à l’avant, à coté du conducteur, à l’arrière se trouvait
son « ange-gardien », le très zélé Vincent Sigué Askia ; et d’une Renault
5 noire qui était occupée par ses autres gardes du corps. Il était l’un des
rares chefs d’Etat africains, si ce n’est le seul, à n’avoir d’avion présidentiel.
D’ailleurs, il aimait à en rigoler lors de ses discours à la tribune de l’OUA,
parlant avec autodérision de l’auto-stop en avion qu’il devait faire, à l’aller
et au retour, pour être à chaque sommet. Quelques homologues bienveillants
acceptaient de faire un détour par Ouaga pour prendre ou déposer Sankara et sa
délégation.
Plusieurs
personnalités burkinabé, vivant de privilèges et jugées intouchables font les
frais des mesures de moralisation de la société burkinabé dont le Morho Naaba
(chef suprême des Mossis). La fourniture en électricité de sa résidence est
interrompue pour non paiement de factures observé sur une longue période. Mais
très vite, le pouvoir et surtout la gestion qu’en fait Sankara déteint sur la
cohésion interne des « têtes brulés ».
Ce train de
vie ne convenait pas vraiment à ses trois autres compagnons d’aventure qui,
derrière leurs airs de révolutionnaires de « pacotille », entendaient
jouir pleinement du pouvoir d’Etat. Le leur imposer finit par faire apparaitre
une fissure et la discorde en leur sein. Ce que ne manqueront pas d’exploiter à
leur profit les ennemis extérieurs de Sankara. En septembre 1987, Sankara,
commentant ce désamour naissant, confie à certains de ses proches et au
journaliste Sennen Andriamirado : « Le fond du problème, c’est qu’ils veulent
bouffer et je les en empêche ». Et il fait mal, car le fossé s’agrandit
entre eux, à tel point que les trois autres « têtes brùlées» , Blaise et ses
deux anciennes fréquentions du PMK, s’organisent pour un coup de force contre
leur leader. Le 15 octobre 1987 sur le perron du siège du conseil national de
la révolution (CNR), Sankara est abattu de deux balles dans la tête et 10
balles dans le buste par un commando venu du centre d’instruction militaire de
Po, centre commandé après la nomination de Compaoré au CNR par Gilbert Diendéré,
son adjoint. Retenez bien ce nom.
Parlant de
ce meurtre, lors de son interview historique paru dans jeune Afrique No 1400 du
4 novembre 1987, Blaise Compaoré déclare : « C’est pour avoir voulu nous
liquider Jean-baptiste Lingani, Henri Zongo et moi qu’il s’est fait abattre par
des soldats qui me sont fidèles «. Qu’à cela ne tienne, les trois « têtes brulées »
continuent le chemin sans lui. On n’entendra plus parler du trio fratricide
jusqu’à ce que l’histoire se répète un 18 septembre 1989. Le 18 septembre 1989,
Jean-Baptiste Lengani et Henri Zongo, respectivement en charge des ministères
de la défense populaire et de la Promotion économique, sont accusés de complot
contre le nouveau chef de l’Etat, Blaise Compaoré. Mis aux arrêts et jugés
ensuite, ils sont purement et simplement exécutés. Ils auraient eu l’intention
d’attenter à la vie de Blaise Compaoré alors qu’il rentrait d’un voyage d’extrême
orient. La tentative d’assassinat aurait été découverte par, devinez qui ? :
Gilbert Diendéré, le responsable de la sécurité présidentielle depuis le coup
de 1987.
Trois jours
après la mort des conjurés, ce dernier est nommé secrétaire général du comité
exécutif du Front Populaire c’est-à-dire No 2 du régime (cf. Jeune Afrique No
2441 octobre 2007, p.34). Pour Compaoré, seuls ses deux « amis » « têtes
brulées » pouvaient renverser son régime. En les éradiquant, il s’assurait
un règne paisible jusqu’à sa mort tout à fait naturelle. Aussi, ce 30 octobre
2014 alors que tourne en boucle le film médiatique de sa chute, vautré dans mon
divan, je me remémorais méditativement cette phrase du leader naturel des « têtes
brulées », Thomas Sankara : « Je souhaite que mon action serve à
convaincre les plus incrédules qu’il y a une force, qu’elle s’appelle le peuple... »
Dr BANGALI N’goran
C'est un article pleins d'erreurs factuelles.
RépondreSupprimer1- Blaise n'a jamais fait le PMK
2- Sous le CMRPN, Sankara et ses camarades n'ont pas ete arretes apres leur demission. Verifiez vos informations avant d'ecrire please.