Le Cameroun n'a pas achevé ses barrages. Mais au pays de Pius Njawé, on sait faire barrage pour voiler des évidences.
En témoigne le concert de communiqués, de réactions, et d'explications savantes de responsables du ministère de la Communication - dépourvu d'un site Internet et de présence sur les réseaux sociaux - suite aux articles du Monde sur le séjour en " Europe " du Chef de l'Etat et de son épouse.
Après le " démenti " de M. Tchiroma, divers communiqués dont celui de l'Ambassade du Cameroun en France, ont complété les salves contre le site français.
Face à cette tradition camerounaise, entre dénégation des réalités, anachronismes et culte de la personnalité, il reste les questions de fond. Celles qui au delà de la question de la délicatesse du sujet, tiennent à l'évolution de nos mœurs politiques, du traitement médiatique du Chef de l'Etat, du degré de transparence sur des points essentiels à savoir, son état de santé et suivant la lettre de la Constitution en son article 66, la déclaration des biens.
Si les approximations des textes du Monde Afrique peuvent être sujettes à caution sur deux points, " la résidence des Yvelines, le départ différé de Mme Biya du Cameroun", il conserve dans sa substance, l'essentiel : les raisons du séjour genevois du président de la République.
S'il faut l'affirmer mille fois, je fais partie de ceux qui attestent en assumant la responsabilité, les publications sur facebook et les réseaux sociaux étant susceptibles de poursuites judiciaires, les éléments suivants :
- Le président de la République est bel et bien en Suisse pour des raisons de santé. Il en a le droit et est susceptible comme tout être humain de s'occuper de son état.
- Mme Chantal Biya s'est effectivement rendue à Paris le 10 mars dernier, descendue de son train en Gare de Lyon en provenance de Genève pour un rendez-vous de routine à l’hôpital américain de Neuilly et s'est installée à la Villa Maillot dans la même ville, c'est à dire à l'ancienne résidence de l'Ambassadeur du Cameroun, aujourd'hui occupée par la famille présidentielle.
Face au prurit de réactions outrées, il faut faire droit à la raison, celle d'une mutation impérative, gage d'exemplarité, concernant, comme nous l'avons évoqué depuis le départ le 1er mars dernier du président, chef des Armées, la publication d'un bulletin de santé. « On peut parler, argue à ce sujet Matthias Eric Owona Nguini, politologue, de la santé des chefs d’Etat parce qu’ils assurent les responsabilités essentielles dans l’organisation et le fonctionnement des Etats qu’ils représentent.
Il est donc capital que les communautés politiques qui sont représentées par ces autorités puissent être informées de l’état de santé de ses responsables ». Sur la délicatesse du sujet, il nuance en disant qu' « il faudrait dédramatiser la question, montrer les éléments essentiels sans pour autant fondamentalement mettre en scène les données essentielles qui sont celles de la santé de ces chefs d’Etats qui sont des individus et des citoyens comme les autres. Ils ont droit à un respect de leur vie privée. Cela dit, comme ils assument les fonctions publiques, il demeurent important d’avoir un minimum d’éléments sur leur santé ».
Il est donc nécessaire de sensibiliser l'opinion camerounaise sur trois points essentiels :
- Face à la rumeur qui circule d'un prétendu coma du Chef de l'Etat, il n'en est rien. Il bénéficie d'un suivi de grande qualité et retournera au Cameroun dans un état convenable. Ce type de manœuvre ne sert qu'un dessein, comme le scénario de la vraie-fausse mort de 2004, préparer et assurer un retour triomphal au couple Biya. Un test de popularité dans la plus pure tradition du culte de la personnalité, à travers la mobilisation des populations, la mise en branle des médias de service public, et son lot de routes barrées et d'activités en berne sur l'axe qu'empruntera le cortège présidentiel. Cerise sur le gâteau, une interview à l’arrachée, où le président donnera un autre " rendez-vous dans 20 ans..."
- Le coup de menton du ministre de la Communication, faisant croire à d'éventuelles poursuites du journal le Monde est un coup d'épée dans l'eau. En toute logique, face aux dénégations du pouvoir, l'on s'attendrait à un droit de réponse et une action judiciaire. Cette éventualité comporte le risque d'obliger le demandeur, la partie camerounaise à fournir la preuve du contraire, soit de produire un bulletin de santé. Ce qui serait une aubaine pour tous les camerounais qui aspirent à une plus grande transparence autour de la santé du chef de l'Etat. Le ministre de la Communication devrait se concentrer sur la modernisation de ses points de presse, la création d'un portail Internet, une stratégie de communication publique sur les réseaux sociaux, au lieu de seriner des arguments qui ne convainquent personne.
- La fumisterie d'une déstabilisation du Cameroun est une belle fable pour citoyens naïfs. Un grand pays d'Afrique ne peut à moins de reconnaître sa fragilité s'étrangler à chaque publication d'article à son sujet dans la presse internationale. Des publications qui bénéficient du reste habituellement de larges subsides en contrepartie de publi-reportages et d'opérations de communication.
Ce qui déstabilise le Cameroun, c'est la mauvaise gouvernance et les luttes pour la succession au sein du pouvoir.
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