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Libre circulation des personnes : la farce par Xavier Messè

Albert Ndong Nguema  a pris son vol jeudi dernier de Libreville pour Douala. Il avait appris la veille comme tout le monde, que dès ce jour-là, les ressortissants de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) pouvaient désormais circuler dans les États membres sans visa, mais seulement munis d’une carte d’identité ou d’un passeport biométrique.
Cette décision contenue dans un communiqué final de 11 pages, sanctionnait les travaux des chefs d’Etat  réunis à Libreville au Gabon le 6 mai, dans le cadre du sommet ordinaire de la Cemac. Elle  était annoncée  ” immédiate effective“.  Ce ressortissant gabonais y a cru.  À  peine présenta t-il son passeport biométrique que l’agent d’immigration  à Douala le plaça en zone d’expulsion, sous le prétexte qu’il n’est  “pas encore notifié de la mise en application de la résolution de Libreville“. Albert Ndong Nguema sera donc reconduit dans le prochain vol dans son pays.


Le lendemain, Marie-Thérèse Mengué invitée par ses amis gabonais, sera expulsée de Libreville  à son tour au motif ” qu’un Gabonais avait été expulsé du Cameroun et par mesure de réciprocité, il fallait expulser la Camerounaise“.

Pierre Moussa, le président de la Commission de la Cemac avait pourtant confirmé dans sa conférence de presse que la ”  libre circulation des personnes était (seulement conditionnee- Ndlr ) par la présentation de la carte nationale d’identité et d’un passeport biométrique pour les ressortissants des pays membres de la communauté“.

En 2013 déjà, lors d’un sommet extraordinaire des mêmes chefs d’Etat, il avait été annoncé la suppression des visas pour la Cemac à compter du 1er janvier 2014. Mais cette décision n’est jamais entrée en vigueur. La Guinée Equatoriale ayant émis des réserves qui étaient en somme un refus de permettre la libre circulation sur le territoire national des ressortissants Cemac sans visa. Autant cette annonce fut accueillie avec enthousiasme par la population gabonaise, autant les politiques de ce pays avaient suivi les pas de la posture fuyante de Malabo.

Qu’est-ce qui fait croire que cette fois, la deuxième annonce de Libreville sera suivie d’actes ? Rien.  Depuis la période de la défunte Union douanière et économique de l’Afrique centrale, le Gabon et la Guinée Équatoriale ont toujours refusé d’ouvrir leurs frontières. Ces gouvernements proclament  leur désir de  protéger leurs populations de phagocytage par des pays voisins à la démographie élevée.  Ils se soucient aussi de vouloir redistribuer en priorité les fruits de la croissance économique en exclusivité  aux nationaux.
Voilà deux mobiles qui ont poussé et continuent d’habiter ces deux petits pays de la Cemac à se recroqueviller sur eux depuis plus de 50 ans. Ils accordent au compte gouttes des visas aux ressortissants de l’Afrique centrale.

Paradoxalement, ils ouvrent grandes leurs frontières aux autres pays, notamment occidentaux. Pour les dirigeants de Libreville et de Malabo, le développement leur vient de Paris ou de Washington, alors que Yaoundé ou N’Djamena leur apportent la peste. C’est une incroyable erreur. La main d’œuvre de base ou de conception qui construit ces deux pays vient d’abord du voisinage qui complète souvent les besoins locaux en qualifications de pointe pas  toujours disponibles sur place.

De tout temps, les petits pays en population et en superficie ont toujours vécu dans la complémentarité avec des grands sans se faire avaler ou sans perdre leur identité.  Le Qatar, avec ses 11.500 km2 et ses 2.900 habitants, n’affiche t-il pas paisiblement ses ambitions d’influencer le monde entier de sa fortune incommensurable? Ce minuscule territoire dort dans sa fortune, sans avoir peur de son puissant voisin l’Arabie Saoudite qui a 29, 3 millions d’habitants dont 9,4 millions  d’étrangers logés avec les autochtones dans un territoire de  2.235.000 km² . Nous pourrions  aussi citer la France dans ses rapports avec la Principauté de Monaco; la riche Suisse encastrée entre les puissantes France, l’Allemagne ou l’Italie. Le Bénin et le Togo n’ont pas fermé leurs frontières par peur du puissant Nigeria. Ce pays a 4, 500 millions de ses sujets qui ont choisi de s’installer au Cameroun. Ceux-ci n’ont aucune intention d’envahir le Cameroun, ni d’influencer sa politique. D’ailleurs, leur départ en masse perturberait au contraire certaines harmonies leur pays d’accueil. La Cedeao, la East African Community vivent en harmonie. Pendant ce temps, le Gabon et la Guinée Équatoriale constituent le cancer de la Cemac par leur refus de s’ouvrir à la sous région.

Dans ce monde de la mondialisation, le repli sur soit correspond à un choix de suicide. Il faut s’ouvrir aux autres, aller chercher des expériences et des modèles qui ont fait leurs preuves pour compléter à  ce dont on dispose; c’est la meilleure intelligence qui soit aujourd’hui.

Les peuples qui ne se referment pas sur eux, qui acceptent la multiculturalité comme richesse, comme stimulateur, sont en fin de parcours les grands gagnants de la course au développement et à la modernité.  Il faut que le Gabon et la Guinée Équatoriale se mettent résolument à cette école,  en s’ouvrant d’abord au voisinage, afin que les résolutions à répétition de Libreville, ne restent rien d’autre qu’une farce.
Xavier Messè
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