Mes chers compatriotes,
La célébration de la fête nationale nous donne une occasion de
réfléchir sur son sens profond et de revisiter la trajectoire que prend
le Cameroun depuis plusieurs années maintenant.
Ce n’est pas un simple moment de plus pour des festivités frivoles,
mais le temps où une nation fait le point sur son état et exhibe au
monde ses prouesses technologiques qui rassurent ses citoyens et délivre
un message aux autres. Au lieu de cela, nous traînons d’années en
années sur l’unique artère qui coupe la capitale nationale en deux un
matériel désuet acquis à prix d’or et repeint à la hâte pour la
circonstance.
Nous devons nous interroger: Qu’est-ce qui arrive au Cameroun?
Qu’est-ce qui nous arrive, à nous Camerounais pour que nous succombions
si vite à la propagande dont on nous inonde, et que nous acceptions
tout, y compris l’inacceptable?
Quel(s) puissant(s) message(s) voulait-on délivrer à la nation à
travers les célébrations des cinquantenaires de l’Indépendance et de la
Réunification? Aucun, sinon des slogans creux et puérils qui ne
différaient en rien de ceux qui fleurissent à l’occasion de chaque
défilé du 20 mai sur le Boulevard éponyme à Yaoundé. Que reste-t-il de
ces célébrations folkloriques? Rien, sinon quelques monuments grotesques
et sans inspiration, bricolés à la hâte et souvent d’une laideur
insoutenable. Ces célébrations furent l’occasion d’un travestissement
des faits, d’une réécriture éhontée de l’histoire nationale, où l’on fit
d’un homme qui n’était pas encore de retour au Cameroun en 1960 et
n’avait donc pas encore intégré les structures de l’Etat à l’époque,
l’«artisan de la Réunification», de la «vraie réunification». On
ignorait qu’il y en avait une fausse dont les artisans ne méritaient pas
le souvenir de la nation. Un tel révisionnisme inspiré par l’idolâtrie,
une telle ingratitude coupable et condamnable doivent choquer notre
conscience au plus profond d’elle-même: nulle part je n’ai vu à Buea un
portrait - même simplement en papier voué à la destruction rapide -
d’Ahmadou Ahidjo qui en fut l’architecte et l’artisan, ni ceux de John
Ngu Foncha, Solomon Tandeng Muna, Augustine Ngom Jua, Bernard Fonlon,
Sultan Nji Moluh Seidou, et j’en passe et pas des moindres.
Ces célébrations étaient vides de sens, comme l’est le rituel de
toute fête qui ne véhicule aucun message, aucun idéal, aucun motif
d’engagement. Ce message qui fait défaut depuis toujours est le suivant:
l’unité de la nation a pour socle granitique la République, cette mère
qui accueille tous ses enfants et veille sur eux avec le même amour; qui
leur enseigne que leur fraternité ne repose pas sur un fondement
biologique, le lien de sang qui fonde le clan voire la tribu, mais sur
le désir partagé de vivre ensemble, l’adhésion à des valeurs communes et
une même foi ardente chevillée au corps, la foi en un avenir prometteur
bâti ensemble. Voilà le message que je délivre aux Camerounais, celui
sur lequel s’édifie le MRC et auquel notre parti entend donner corps
dans notre pays.
Le Cameroun ne serait-il qu’un assemblage hétéroclite de terroirs
sans âme, sans identité collective ni aucun socle commun, dont chacun se
bat becs et ongles pour la défense de sa parcelle de territoire et de
pouvoir? Un archipel d’ethnies assemblées au hasard dans une logique de
fédéralisme inavouable et non assumée? Si nous concevons qu’un délégué
régional d’un département ministériel, un responsable régional des
forces de défense et de sécurité, non «autochtones» d’une Région en
raison de leurs ascendances familiales, peuvent œuvrer avec engagement
et détermination au développement et à la sécurité de cette Région,
pourquoi a-t-on du mal à concevoir qu’un citoyen camerounais élu par les
populations d’une Région dont il ne serait pas originaire puisse servir
et défendre politiquement, avec conviction et peut-être mieux qu’un
«autochtone» allégué, les intérêts de cette Région?
Faudrait-il instaurer au Cameroun une Présidence (de la République)
tournante entre les Régions voire entre les ethnies afin de s’assurer
que les intérêts de telle Région ou tel groupe ethnique ne peuvent être
préservés que si «un-des-leurs» exerce la magistrature suprême du pays?
Nous devons retrouver nos esprits et savoir raison garder, pour
réfléchir ensemble à la meilleure manière d’assurer la représentation et
la participation des différentes composantes socioculturelles de notre
pays à la vie de la nation, sans tomber dans les crispations et les
dérives maladives de ce que l’écrivain appelle les «identités
meurtrières». Cela passe indubitablement par un travail patient et
acharné de construction de la confiance, avec la matière inoxydable de
l’amour fervent de chacun pour notre chère et unique patrie, le
Cameroun.
L’irruption récente dans le langage politique de la nation d’une
improbable distinction entre «méritocratie nationale» et «méritocratie
régionale» aurait pu prêter à sourire s’il ne s’agissait pas d’un fait
d’une extrême gravité. Elle ne correspond ni à notre conception de
l’unité nationale, ni à notre conception de l’exhortation de notre
jeunesse à l’excellence. L’unité du Cameroun ne peut se bâtir sur la
division théorisée et assumée de la nation en ghettos ethniques qui
absout l’Etat de sa responsabilité dans l’élévation du niveau collectif
de ses citoyens, et dispense les Camerounais de certaines régions du
pays de l’effort individuel indispensable pour prendre leur place, toute
leur place dans la vie de la nation. On ne résout pas les inégalités en
les figeant, mais en trouvant des solutions pour éviter qu’elles ne se
perpétuent. La distinction entre «méritocratie nationale» et
«méritocratie régionale» fige les déséquilibres de niveaux d’éducation
qui pourraient exister entre les différentes régions du pays, elle
n’aide pas à les résorber.
L’unité de la nation se forge dans le brassage à tous les niveaux et
dans tous les secteurs: brassage des hommes et des femmes de toutes les
régions du pays, des idées et des cultures. Elle se bâtie dans la
confiance: confiance entre le Gouvernement et les citoyens, entre les
citoyens entre eux. Elle s’édifie dans le rassemblement sans exclusive,
sans discrimination entre ceux qui vivent sur le territoire national et
ceux que la vie a amené à vivre en dehors, mais qui aiment
viscéralement, où qu’ils se trouvent, le Cameroun.
Je n’ai cessé de dire depuis de nombreuses années, et avant même de
devenir responsable d’un parti politique, que la diaspora camerounaise
mérite toute l’attention de la nation. J’ai expliqué pourquoi le MRC en a
fait un des cinq principaux piliers de son projet pour la société
nouvelle qu’elle propose à notre pays. Dans cet esprit, les conditions
juridiques doivent être créées rapidement pour que notre diaspora puisse
prendre part à toutes les élections nationales, législatives et
présidentielle, et ce dès les prochains scrutins prévus en 2018. La
modification de notre code de la nationalité pour rendre possible la
double ou la pluri-nationalité devient, dans ces conditions, non
seulement une nécessité pratique qui leur permettrait de contribuer plus
facilement et plus significativement au développement du Cameroun, mais
aussi une exigence politique qui doit leur ouvrir, à eux tous, la voie à
une pleine participation à la vie politique nationale et à leur
intégration dans le jeu républicain. Le Chef de l’État leur avait fait
une promesse à ce sujet, il y a plus de cinq ans; il est plus que temps
qu’il tienne sa parole.
Heureux d’appartenir à cette grande
communauté de destin, les militants et sympathisants du MRC se sont
mobilisés afin d’y participer, comme chaque année depuis la création de
notre parti, de fort belle manière. Le lundi 11 mai 2015, ils ont
inauguré de façon éminemment symbolique la semaine de l’Unité nationale.
Unité de toutes les filles et fils du Cameroun aux quatre points
cardinaux rappelés par notre hymne national, c’est-à-dire du Nord au Sud
et de l’Est à l’Ouest de ce magnifique pays, don gratuit de la nature,
merveilleux jardin «que nos aïeux ont cultivé» et pour la liberté duquel
des héros immortels se sont sacrifiés hier et aujourd’hui encore.
Alors que ces héros d’aujourd’hui se battent, sont blessés ou meurent
au front, la célébration de cette 43e fête nationale me donne une
occasion particulière de renouveler notre soutien total, celui du MRC et
le mien propre, à nos forces de défense et de sécurité pour leur
bravoure et leur sacrifice exaltés par la nation toute entière.
Vive le Cameroun !
Maurice KAMTO,
Président National du MRC,
Yaoundé, le 18 mai 2015.
- Blogger Comment
- Facebook Comment
Inscription à :
Publier les commentaires
(
Atom
)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire
Laissez nous un commentaire sur cet opinion.