Chérif Moumina Sy, un des personnages clé de la transition au Burkina Faso après la chute de Blaise
Campaoré, ne s’est pas laissé impressionnerpar
le coup d’Etat du 17 septembre. A peine le président de la transition Michel
Kafando et le premier ministre Isaac Zida ont-ils été séquestrés par des
troupes d’élites à Ouagadougou que Chérif Sy, ancien journaliste, s’est déclaré
chef d’Etat par intérim en appelant à la résistance face aux putschistes.
Agé de 55 ans, ce fils
d’un général de corps d’armée a participé activement à la révolution d’août 1983
qui allait porter Thomas Sankara au pouvoir. Après l’assassinat de ce dernier,
en 1987, il n’a cessé de lutter contre le régime de Blaise
Compaoré. Au lendemain de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014,
qui met en fuite le président Compaoré, Chérif Sy est porté à la tête du
Conseil national de transition (CNT), où il s’illustre alors par un certain
nombre de propositions. Ancien ami du journaliste Norbert Zongo, assassiné sous
le régime Compaoré, Chérif Sy est à l’initiative de la loi sur le droit d’accès
à l’information, et avait l’ambition d’abolir la peine de mort.
Mais la plus célèbre
et aussi la plus controversée des lois votées par l’Assemblée qu’il a dirigée
reste la modification du code électoral. Le nouveau texte a été appliqué par le
Conseil constitutionnel pour rejeter les candidatures aux
élections législatives et présidentielle des anciens dignitaires du régime
Compaoré. « [Il fallait] déstructurer le régime qui a
été construit. Le déstructurer intellectuellement, institutionnellement, pour poser les fondements d’une nouvelle société
», a-t-il déclaré dans une interview accordée au quotidien L’Observateur
Paalga.
Parmi les raisons avancées pour justifier son
putsch, le général Gilbert Diendéré a surtout cité l’adoption de cette loi sur
le code électoral, la « loi Chérif », qui entachait selon lui les élections
initialement prévues le 11 octobre 2015. Chérif Sy, lui, dès l’annonce du coup
d’Etat, a multiplié les appels à la résistance face aux putschistes. Connu pour
sa fermeté et son ton guerrier, il n’a pas eu de mots assez durs pour le projet de
d’accord proposé par la Cédéao par les deux médiateurs africains, le président
sénégalais Maky Sall et le Béninois Yayi Boni, qui visait justement à autoriser les
anciens partisans de Blaise Compaoré à concourir aux
élections et offrir une
amnistie aux auteurs du putsch. « Nous ne saurions cautionner un compromis indécent qui encourage l’impunité »,
s’est insurgé le président du Conseil national de transition. Une voix qui a
porté et à laquelle se sont ralliés plusieurs partis politiques.
L’activisme de
Chérif Sy trouve une explication dans son passé. Ce journaliste, fondateur de
l’hebdomadaire Bendré,
est un ami de la famille Sankara. « C’est un activiste,
confie un acteur de la société civile burkinabè.Cela ne date pas de la transition.
Il a payé cher son engagement politique après
la rectification [en
1987, lorsque Thomas Sankara fut assassiné]. On
ne peut pas attendre de Cheriff Sy qu’il s’asseye et qu’il s’accommode de
sa situation. »
Ancien responsable
CDR (Comité de défense de la révolution) à Paris, Chérif Sy a échappé au massacre de Koudougou où il
avait rejoint la résistance organisée dans cette ville au lendemain de
l’assassinat de Thomas Sankara. Son ami d’enfance, Paul Sankara, le frère de
Thomas, le qualifie de «
sankariste dans l’âme et dans l’action », de « résistant de longue date ».
Lundi 21 septembre, le président par interim Michel Kafando,
libéré dans la journée suite à l’avancée des troupes régulières vers la
capitale et réfugié à la résidence de l’ambassadeur de France, a abondé dans le sens de Chérif Sy en se disant,
sur RFI, « très réservé sur ce projet
d’accord » (celui
proposé par les médiateurs) qui laisse sans solution des « problèmes de fond ».
Quant au collectif
Balai citoyen, en pointe dans le soulèvement populaire qui avait provoqué la
chute du président Blaise Compaoré en 2014, il a qualifié ce projet de
compromis de «
honteux ». Des barricades ont été érigées lundi dans les rues de la
capitale burkinabé et de sa périphérie pour protestercontre le texte, qui doit être discuté
ce mardi lors d’un sommet extraordinaire à Abuja de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao).
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