Les filles de l’équipe nationale de basketball du Cameroun, vice-championnes d’Afrique 2015 ont reçu chacune la somme de 15 millions de francs Cfa. La remise de cet argent a eu lie u la semaine dernière à Yaoundé au ministère des Sports. Elle venait ainsi mettre un terme à un bras de fer épique qui opposait les basketteuses au gouvernement pour le paiement de leurs primes de finaliste à l’Afro basket organisée à Yaoundé. La partie ne fut pas un jeu pour ces filles qui ont dû user de gros moyens pour parvenir à leurs fins. Elles ont fait le siège de l’hôtel Mont Fébé à Yaoundé pendant plusieurs jours, affrontant courageusement les vigiles et autres forces de l’ordre commis pour les jeter manu militari hors de cet établissement hôtelier qu’elles avaient juré de ne quitter qu’une fois les sommes revendiquées à poche.
La stratégie s’est donc avérée payante. Par leur acte, Amina Djonkou, Béatrice Bofia, Priscilla Mbianda, Miesha Blackshear, Ramsès Nlonlack et les autres ont pris le gouvernement par la gorge et l’on poussé à cracher au bassinet. Réussissant ainsi à multiplier les deux millions de francs Cfa qu’on leur proposait au départ par sept. Soit 15 millions chacune, TTC, puisque les 16,5% Ca mer .be d’impôts supposés être prélevés à tout le monde ne l’ont pas été. Les filles ayant opposé une farouche fin de non-recevoir. On jurait pourtant dans les couloirs du ministère des Sports et du ministère des Finances que « les tensions de trésorerie » que le Cameroun connait « ces derniers temps » ne permettent pas d’accéder aux revendications jugées gloutonnes des vice-championnes de l’Afro basket 2015. Les poches pleines, elles ont alors adressé une touchante lettre au président Paul Biya, qui a ordonné qu’elles soient payées.
C’est que les basketteuses camerounaises ont simplement appliqué une stratégie qui semble désormais faire ses preuves au Cameroun : faire du chantage au gouvernement pour obtenir son dû. Les sportifs sont les premiers qui ont appuyé ces derniers temps sur ce levier, réussissant chaque fois à obtenir gain de cause. Juin 2014. Les Lions Indomptables doivent prendre l’avion à destination du Brésil pour participer à la Coupe du Monde de football Ca mer .be. Samuel Eto’o Fils, alors capitaine de l’équipe prend la tête d’un groupe des mutins en godasses. Ils revendiquent le paiement rubis sur l’ongle de la somme de 56 millions de francs Cfa à chaque joueur comme prime de participation au Mondial. Ils menacent de ne pas monter à bord de l’avion qui doit les mener au Brésil, si cet argent n’est pas « entièrement » payé.
Les négociations s’ouvrent. Elles traînent. Les « mutins » ne veulent rien entendre. Ils regardent ailleurs lorsque le gouvernement leur fait des promesses. On avance 50 millions. Rien n’y fait. « Tout ou rien », se décident-il. Nous sommes un week-end. Difficile de trouver des sous pour les satisfaire. La solution viendra finalement « d’en haut ». « Sur haute instruction du chef de l’Etat », ordre a été donné d’ouvrir les caisses du Trésor (un dimanche) pour les délester de liasses de billets qui sont servis aux joueurs. Le sourire aux lèvres, fiers d’avoir réussi leur coup, ils disent merci à… Paul Biya.
Les militaires en prennent de la graine
Quelques mois plus tard, en octobre 2014, l’équipe nationale de football féminin du Cameroun finit vice-championne d’Afrique à la Coupe d’Afrique des Nations qui se joue en Namibie . Elles ont été battues en finale par le Nigeria.Mais le Cameroun tout entier a apprécié le parcours presqu’exemplaire de ces filles qui se sont du reste qualifiées pour la première Coupe du Monde de leur histoire. Sans le moindre sou Ca mer .be, les Lionnes y ont mis du cœur. Une fois de retour au pays et auréolées de leur performance, elles sont décidées à se faire payer. Le gouvernement leur propose cinq millions de francs Cfa. Elles refusent, et prennent leur quartier à l’hôtel Mont Fébé, décidées à ne quitter les lieux que payées comme elles le doivent. Après quelques tractations et une lettre adressée au Premier ministre, elles obtiennent gain de cause. Chaque Lionne recevra un peu plus de 9,5 millions de francs Cfa. « Sur instructions du chef de l’Etat. »
La stratégie des Lionnes s’est donc avérée payante. Elles remettent ça à l’occasion de la Coupe du Monde au Canada en juin 2015. Elles sont éliminées en huitièmes de finale par la Chine.Mais le public a eu le temps d’apprécier Aboudi Onguené et ses coéquipières qui ont franchement mouillé le maillot sans la moindre « motivation » financière. Revenues au pays , elles font le siège de l’hôtel Mont Fébé pour exiger la revalorisation de leurs primes Elles peuvent alors compter sur le soutien total de la presse et de l’opinion. Elles exigent 21 millions de francs Cfa chacune. Petite précision : elles ne veulent pas entendre parler des 16,5% de taxes à prélever sur tous les paiements comme l’exigent la loi des finances.
Ainsi soit-il. « Sur haute instruction » du président de la République… Comme si la tactique des sportifs avait fait tache d’huile, des militaires camerounais ayant pris part à la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca) empruntent le même chemin. Ils descendent dans la rue le 9 septembre 2015 pour revendiquer le paiement de plusieurs mois d’arriérés de primes. Après plusieurs tentatives infructueuses, 200 sur les 1300 soldats que compte le contingent camerounais ont ainsi voulu exprimer leur ras-le-bol. Leur march e inédite les conduit du Centre de formation technique des armées (Cfta) d’Ekounou jusqu’au siège de l’Assemblée nationale à Ngoa Ekelle sous le regard inquiet des habitants de la capitale.
Les sommes revendiquées s’élèvent à six milliards de francs Cfa. Les autorités camerounaises ont évoqué les « problèmes de trésorerie » pour justifier le non-paiement de ces primes . Le même jour, le président de la République ordonne le paiement de ces sommes pourtant reclamées en vain depuis huit mois. « À l’annonce de cette information, les militaires concernés sont immédiatement rentrés dans les rangs, et ont exprimé leur profonde gratitude au Président de la République, Son Excellence Paul Biya », triomphe le ministre de la Communication Issa Tchiroma Ca mer .be. Tous ces problèmes de primes cités plus haut ont un dénominateur commun ; ils se soldent toujours grâce à l’intervention d’un sapeur-pompier de circonstance : Paul Biya. Pour certains observateurs, cela traduit une centralisation à outrance de l’Etat camerounais. Comme si tout est fait exprès pour entretenir le mythe de l’homme providentiel que serait le président Biya.
© Le Jour : Jean-Bruno Tagne
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