Lors de sa dernière visite de travail au Cameroun, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, ne s’est pas abstenue d’indiquer au gouvernement qu’il embrassait un peu trop de projets d’infrastructures au même moment. Et comme l’indique si bien la célèbre maxime « Qui embrasse trop, mal étreint !», l’on ne saurait reprocher à la patronne du FMI d’avoir poliment fait cette remontrance aux dirigeants camerounais. Car, pour un pays qui ambitionne de devenir émergent à l’horizon 2035, et qui s’appuie sur le DSCE (Document de stratégie de croissance et l’emploi) comme boussole, il serait bien dommage d’opérer de mauvais choix, à l’heure où les populations attendent beaucoup du gouvernement.
A en croire la DG du FMI, le Cameroun a bien fait d’investir dans des projets d’infrastructures de production comme les barrages hydroélectriques (Barrages de Memve’ele, Lom Pangar, Mekin, etc.), le Port en eau profonde de Kribi, l’autoroute Douala-Yaoundé, le 2e Pont sur le Wouri, les pénétrantes Est/Ouest de la ville de Douala, etc. Cependant, là où le FMI n’est pas d’accord avec l’Etat camerounais, c’est le fait « de vouloir tout faire à la fois, dispersant ainsi des énergies qui auraient pu servir s’il se concentrait sur deux ou trois projets urgents et prioritaires susceptibles d’impacter la croissance », analyse un expert proche du FMI. « Au lieu de s’engager dans la construction des barrages hydroélectriques, des ports, des routes et des autoroutes, à la fois, le Cameroun gagnerait à aller étape par étape », indique un opérateur économique, membre du Gicam à Douala. Pour ce dernier, « c’est ce qui explique que nombre de grands projets ne démarrent pas à temps et peinent aujourd’hui à être livrés, parce que le Cameroun s’est engagé à déployer trop de projets structurants à la fois ».
Quittant Yaoundé le 08 janvier dernier, Christine Lagarde avait suggéré aux autorités de sélectionner désormais les projets à la valeur ajoutée avérée. « Il faut se résoudre à admettre que malgré les besoins, on ne peut pas tout faire tout de suite. Il convient de se concentrer sur les infrastructures essentielles, sur les projets bien avancés, au lieu d’en multiplier indéfiniment », avait-elle conseillé. Des propos auxquels adhère entièrement le nouveau ministre de l’Economie, Louis Paul Motazé. Car, bien avant la visite de la DG du FMI au Cameroun, il indiquait déjà la presse « qu’au lieu d’avoir 10 projets qui ne sont pas livrés, il préfère en avoir deux ou trois qui sont bouclés ».
Dans le cadre du déploiement du DSCE, le Cameroun ambitionne d’implémenter, selon le ministère de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du territoire, près de 750 projets pour un coût total avoisinant les 15 600 milliards de FCFA. Des projets dont le déploiement va s’étendre, apprend-on, sur 20 ans, étant donné que c’est en 2035 que le Cameroun ambitionne de rejoindre le club privilégié des pays émergents. Pour y arriver, il va falloir revoir la méthode jusqu’ici utilisée par le gouvernement et qui consistait à tout embrasser à la fois. Au risque de condamner l’Etat à payer des taux d’intérêts élevés pour des emprunts qui n’ont pas servi la bonne cause. Une sonnette d’alarme qu’a récemment tirée la DG du FMI, lors de son passage au Cameroun début janvier 2016.
—–«Les meilleurs projets sont ceux qui impactent nos recettes d’exportations»Selon Angos Zangue, ancien directeur de la Programmation des investissements publics au ministère de l’Economie (Minepat), la priorisation des projets d’investissement public est un principe de base de la bonne gestion et du bon pilotage de l’économie.For Angos Zangue, former director of public projects at the ministry of economy, the focus should be placed on projects that either boost exports or that provide import substitution.
Christine Lagarde a récemment invité le Cameroun à prioriser les projets d’infrastructures à forte valeur ajoutée. Savez-vous de quels projets il s’agit ?La priorisation des projets d’investissement public est un principe de base de la bonne gestion et du bon pilotage de l’économie, pour améliorer la marge de manœuvre de notre pays, dans sa quête de réaliser les taux volontaristes de croissance économique. La priorisation des projets d’infrastructures est un exemple parmi tant d’autres projets dans tous les secteurs de l’action gouvernementale, secteurs qui contribuent à des degrés divers à l’amélioration du taux de croissance économique. Dans le scenario central du DSCE, le développement des infrastructures est appelé à jouer un rôle moteur de la croissance. Et plusieurs projets ont été identifiés. Ils sont tout aussi importants les uns comme les autres. Mais comme les ressources ne seront jamais suffisantes pour les réaliser tous au même moment, il est normal et logique de les prioriser. Des méthodologies existent à cet effet. Et c’est ce que Mme Lagarde recommande au gouvernement camerounais. On ne peut donc pas citer ces projets à l’heure actuelle, sans les avoir passés au spectre de la méthodologie existante.
Selon-vous, qu’entend-elle par projets d’infrastructures à la valeur ajoutée avérée ?Le meilleur indicateur de la bonne santé d’une économie, c’est le taux de croissance de son PIB. Et ce taux a ses déterminants, c’est-à-dire l’ensemble des facteurs qui impactent de manière décisive, à court, moyen et long termes, sur son évolution positive ou négative. Au Cameroun, tout le monde sait que la bonne santé de l’économie camerounaise est très fortement tributaire de ses recettes d’exportations, qu’elles soient pétrolières ou non. Alors, de ce point de vue, les projets à forte valeur ajoutée seraient ceux qui impactent, directement ou indirectement, sur nos recettes d’exportations ou sur l’import substitution. Eh bien, il existe au Cameroun, plusieurs projets qui peuvent bien s’insérer dans ce registre, qu’ils soient des projets d’infrastructures ou dans d’autres secteurs d’activités.
Quels sont les projets qu’il faut prioriser, selon vous, et pourquoi ?En plus des projets d’infrastructures énergiques, routières et aéroportuaires que tout le monde connait et auxquels vous avez fait allusion, il y a des projets agroindustriels. Le chef de l’Etat en a parlé dans son discours à la nation le 31 décembre 2015 dernier. Il y a des projets purement financiers tels que le projet de monnaie nationale très largement évoqué dans certains milieux. Il y a des projets touristiques ; et même de sécurité et de sureté des citoyens et des investissements, etc.
Publié en association avec Le Quotidien de l’EconomieAuteur: Joseph Roland Djotié
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