Le Franc CFA : la recommandation des politiques économiques devant permettre au Cameroun d’atteindre le Statut d’état émergent Par Bertrand NGNIE
Le Franc CFA, tout le monde en parle, la quasi-totalité des commentaires des uns et des autres dans les médias écrits et audiovisuels voire les réseaux sociaux recommandent l'abandon. C'est devenu le sujet préféré des politiques, car selon eux le Franc CFA renvoie à la France, à la colonisation voire à une souveraineté tronquée des pays d'Afrique francophones.
A en croire les dires des uns et des autres, l'abandon du Franc CFA viendrait sauver l'économie des pays de l'Afrique francophone, car d'aucuns estiment que c'est cette monnaie qui bloque la croissance économique voire freine le développement des pays de l'Afrique francophone. Toutefois, qu'en est-il en réalité ?
En effet, si le Cameroun décide d'avoir sa propre monnaie, il devra retirer de prime abord ses réserves en or auprès du trésor français voire les 50% des réserves de change qui garantissent la parité fixe entre le Franc CFA et l'Euro. Par la suite, la parité initiale de la monnaie camerounaise, c'est-à-dire sa valeur par rapport aux devises (monnaies étrangères) sera fixé en fonction desdites réserves récupérées auprès du Trésor Français. Cependant, pour maintenir et garantir ladite parité voire l'améliorer afin d'avoir une crédibilité internationale, il faudrait accroitre nos réserves en devises (réserves de change) en exportant davantage des matières premières, produits finis, produits semi-finis, produits intermédiaires.
Or pour l'heure nos principaux produits d'exportation sont : le pétrole brut, le bois, le cacao, la banane, le caoutchouc, le coton, etc. Lesdites exportations sont par conséquent très insuffisantes pour nous permettre d'avoir suffisamment de devises afin de garantir notre crédibilité internationale. De plus, elles sont à faible valeur ajoutée car les produits sont exportés quasiment à leur état brut sans aucune première transformation notable. Pour ce qui est des importations, nous importons quasiment tout, des biens de consommation immédiate comme les produits alimentaires, agricoles et agro-industriels (riz, blé en vrac, poissons congelés, boites de conserves ), les produits hydrocarbures (essence, gasoil ), les produits chimiques industrielles ; en passant par les biens de consommation semi-durable (vêtements, chaussures, appareils électroniques ) jusqu'aux biens de consommation durable (véhicules, engins ). Autrement dit, le Cameroun est un pays essentiellement importateur pour l'heure, or pour importer il faut des devises. Plus on demandera les devises pour importer, plus notre monnaie sera faible par rapport aux devises, plus les produits importés coûteront davantage chers, et plus le coût de la vie sera davantage cher étant donné notre forte dépendance pour l'heure aux importations.
De plus, pour obtenir des financements internationaux indispensables au financement de notre économie, il nous faut justifier d'une certaine crédibilité internationale en détenant une quantité importante des réserves de changes (devises) dans l'hypothèse d'une monnaie propre camerounaise. Donc dans les conditions actuelles, une monnaie propre n'est pas une priorité pour le Cameroun, l'urgence du moment c'est l'industrialisation véritable de notre pays. C'est en produisant que nous pouvons accroître le volume de nos exportations et réduire par la même occasion notre dépendance vis-à-vis des importations. Une économie essentiellement importatrice ne crée ni d'emplois pour résorber le chômage, ni de valeur ajoutée pour booster la croissance économique.
Nous devons profiter de la crédibilité internationale que le Franc CFA nous offre par son lien fort à l'Euro pour solliciter les financements internationaux. Toutefois, il est important de revoir la destination des financements reçus et à venir. Les financements en provenance des institutions financières internationales (BM, FMI, BAD, BDEAC ) et des institutions financières nationales voire bilatérales (financement de la Chine et bien d'autres) ne sont pas des dons, mais des dettes avec un taux d'intérêt (coût de la dette) qu'il convient de rembourser selon un échéancier (tableau de remboursement de l'emprunt). C'est pourquoi une priorité absolue doit être dorénavant accordée aux investissements productifs comme :
La création d'une raffinerie étatique de pointe capable de distiller notre pétrole brut afin non seulement de maîtriser la chaîne d'exploitation de notre pétrole brut depuis l'extraction jusqu'à la distillation, de créer plus d'emplois, mais également de permettre à tous nos concitoyens de profiter de la rente pétrolière par la baisse des prix à la pompe.
La création des usines étatiques de fabrication des matériaux de construction afin de rendre les matériaux de construction bon marché, car lesdits matériaux nous coûtent très chers en importation. C'est pourquoi, l'entreprise italienne qui nous a promis 10 000 logements sociaux a comme première phase de travail, la construction d'une usine de fabrication de matériaux de construction afin de contrer les coûts induits d'importations. Rendre les matériaux de construction moins cher, c'est une façon de permettre à chaque camerounais de pouvoir se doter d'une maison confortable.
Le lancement de l'opérateur de téléphonie mobile de CAMTEL tout comme les opérateurs MTN, ORANGE afin de permettre à CAMTEL de faire des profits énormes. Il faut dire que l'Emprunt reçu de la Banque Chine pour le financement de la fibre optique CAMTEL doit être remboursé selon l'échéancier, et pour que cela soit possible, il faudrait que CAMTEL soit fortement rentable. De plus, il faudrait procéder aux reformes de la gouvernance de cette entreprise qui est déficitaire bien que rien n'explique une telle situation, car elle devrait en temps normal engranger des profits énormes étant donné sa position stratégique.
La multiplication des sociétés locales de transformation de bois et procéder à l'interdiction formelle de l'exportation de notre bois en grumes.
La création des banques étatiques destinées à soutenir les opérateurs privés dans leur démarche vers l'industrialisation.
Jusqu'ici les financements obtenus ont été en grande partie orientés vers les investissements sociaux (Education, Santé, développement rural ), bien qu'ils soient indispensables, cependant, ils ne sont pas rentables pour qu'on puisse assurer le service de la dette selon l'échéancier. S'endetter pour financer les investissements sociaux, c'est s'endetter pour consommer. Or l'on doit s'endetter pour financer les investissements productifs créateurs d'emplois et de la richesse.
On ne s'endette pas pour financer le développement social, malheureusement c'est ce que nous vivons d'où l'absence d'une source stable, durable et constante de croissance économique, voire une situation chronique d'endettement de notre pays, car les investissements sociaux ne sont pas à rentabilité immédiate. Il faut rappeler que cette politique de financement du développement social nous a été imposée par les bailleurs de fonds comme la Banque Mondiale, le FMI, la BAD et c'est devenu au fil des années notre politique économique phare (voir les lois de finances).
On doit s'endetter pour financer l'industrialisation, c'est-à-dire la création des industries agro-alimentaires, les industries de transformation de nos matières premières en produits finis, semi-finis et intermédiaires, les industries lourdes. L'industrialisation est créatrice d'emplois et de la richesse ou de la valeur ajoutée. Rappelons que la croissance économique est mesurée par la variation du PIB, or le PIB est la somme des valeurs ajoutées créées sur le territoire national aussi bien par les étrangers que par les nationaux à moment donné. La valeur ajoutée ainsi générée pourra nous permettre de financer les investissements sociaux voire le développement. Il s'agit là de la traduction de la croissance économique en amélioration des conditions de vie de nos concitoyens.
A cette orientation des financements étatiques, viennent s'ajouter quelques décisions macroéconomiques à même d'éveiller l'esprit d'initiative industrielle locale. En effet, le patriotisme économique nous impose de procéder à certaines restrictions ayant une portée macroéconomique, ainsi, à l'instar de l'interdiction d'importation des poulets congelés, de l'interdiction d'importation des produits oléagineux (huiles de palmes, huiles végétales, savons ), et de l'interdiction d'importation du ciment afin d'encourager la production locale, le gouvernement doit procéder également à :
L'interdiction d'importation des vêtements et chaussures usagés (friperie) en provenance des USA et des pays européens, des produits contrefaits et de la contrebande en provenance des pays asiatiques afin d'encourager l'industrie d'habillement, de fabrication de chaussures, de textiles et de tannerie au Cameroun.
L'interdiction d'importation des produits usagés (Brocantes) en provenance des USA et des pays européens afin d'éveiller l'esprit industriel chez les jeunes entrepreneurs et industriels camerounais. Les camerounais sont capable de fabriquer les appareils frigorifiques, les cuisinières, les fers à repasser, les appareils électroniques et bien d'autres. Alors il faut leur donner l'occasion de mettre leur talent en valeur, on ne peut pas continuer d'encourager la consommation de la vieillerie européenne au détriment la création d'industries locales génératrices d'emplois et de la croissance économique.
L'interdiction d'importation des produits agricoles voire leur limitation en fonction de l'augmentation de la production agricole locale. Nous devons reconquérir notre autosuffisance alimentaire, car un peuple fort est un peuple capable de se nourrir sans recourir à l'extérieur.
Voilà donc quelques exemples de décisions ayant une portée macroéconomique et à même d'encourager et d'éveiller l'esprit industriel local, nous pouvons étendre la décision à l'ensemble des produits manufacturés en fonction de nos possibilités locales bien évidemment. Alors si nous voulons connaitre une croissance économique rapide afin d'atteindre le statut de l'Etat émergent, il est important de mettre ces recommandations en application, sinon l'émergence sera sine die. Car nous ne pouvons pas être émergents en continuant de tout importer.
Et ce n'est que lorsque nous aurons atteint le statut d'Etat émergent que nous pouvons envisager une monnaie propre camerounaise afin de protéger ce que nous avons créé voire de financer continuellement notre économie. Ceux-là qui prônent l'abandon du Franc CFA par pur panafricanisme voire par pure revendication identitaire et de souveraineté adoptent ainsi une démarche voire une approche improductive et contre-productive.
Vous ne pouvez pas revendiquer une monnaie nationale propre, lorsque vous êtes fortement dépendants des importations. Il faut produire via l'industrialisation afin de réduire votre dépendance vis-à-vis des produits importés, et ce n'est que dans ces conditions que vous pouvez songer à créer votre propre monnaie.
Par Bertrand NGNIE, Chercheur En Sciences économiques Et De Gestion à L’Université De Yaoundé II – SOA.
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