Devant tant de douleur, cela est une vertu thérapeutique de prendre le temps de pleurer, de verser ces larmes que nous ne savons plus laisser couler, happées par les veaux d'or de la vie camerounaise.
Et l'inclination naturelle de tous, c'est d'aller chercher des coupables, qui comme le bouc émissaire, vont porter nos pêchés, les éloigner, les expier, afin que reprenne notre insouciante existence.
À tous les Camerounais, il est utile de rappeler que les supplices d'Eseka ce sont leurs morts.
Oui, ce sont nos morts, parce que nous acceptons de vivre dans un pays «qui marche sur la tête» comme nous aimons si souvent le dire autour d'une bière, mais où nous n'acceptons jamais de bouger, ne serait-ce que le petit doigt, afin qu'il se relève.
La succession de fait fatale de vendredi dernier n'a pu arriver que parce que nous nous complaisons dans une facilité qui, croyons-nous, nous «évitera les problèmes» avec un Système qui dure et perdure.
Les morts le l'autre jour sont les morts de nos démissions individuelles et collectives, devant un Système où chacun a choisi la solution de l'évitement ou de la collaboration intéressée. En se disant que «cela n'arrive qu'aux autres», jusqu'à ce que l'ont soi-même pris dans l'étau de ce Cameroun violent et aveugle. Nous ne disons rien lorsqu'on traite à la chicotte des malades du rein qui réclament leur dialyse. Nous détournons pudiquement le regard devant ces vieillards renvoyés il y a vingt ans sans compensation des sociétés d'État, et qui réclament d'une main mendiante, leur pécule. Nous ne nous émouvons point devant toutes ces personnes qui croupissent dans les prisons, demandant justice en vain...jusqu'au jour où nous sommes nous mêmes victimes de quelque vilenie.
Où sont passés les citoyens camerounais, ceux-là qui pensent, disent et font quelque chose pour que nous cessions d'être les acteurs-spectateurs du mauvais vaudeville dans lequel nous sommes embarqués depuis si longtemps, déjà!
Le «Train de la mort» ne fut possible que dans un pays où il est de règle de faire semblant de travailler, pour faire plaisir à un «chef» fantomatique, que de travailler, c'est à dire résoudre les problèmes concrets des Camerounais.
La conscience des suppliciés d'Eseka met chacun d'entre nous devant ses responsabilités: jusqu'où chacun d'entre nous aura collaboré à faire de notre beau pays cet endroit où il est désormais si dangereux de vivre?
Couper et jeter quelques malheureuses têtes en pâture au petit peuple ne servira à rien. Et d'autres drames de l'incurie surgiront. Comme à Nsam il y a une dizaine d'années, comme sur nos routes, tous les jours, comme dans nos hôpitaux, quotidiennement. Nous, camerounais, méritons vraiment mieux.
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