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PATRICE NGANANG: CAMEROUN, LA RÉPUBLIQUE DU «SISCIA»


Il y a quelques heures, se tenait le procès d’Enoh Meyomesse, au tribunal militaire de Yaoundé. A la fin du procès, Bergeline Domou, la coordonatrice du Collectif pour la libération d’Enoh (CLE), collectif qui depuis l’arrestation de l’écrivain mène sur le terrain et à l’étranger la campagne pour l’établissement de la vérité sur son affaire, nourrit, vêtit et contribue à la défense juridique de ce dernier qui a été abandonné par sa famille comme une patate chaude, oui, Bergeline Domou, a été arrêtée, sur instruction du commissaire du gouvernement.
Celui-ci lui reprochait d’avoir fait des photos lors du procès d’Enoh. Une heure et demi après l’interrogatoire, elle a été
transférée au SED, la prison militaire des plus sinistres de notre pays dans laquelle séjournent entre autres personnes Thiery Atangana, Marafa Hamidou Yaya, Titus Edzoa.
Elle y a été transférée, sous le couvert de cette loi du Code pénal qui permet de maintenir en garde à vue pendant quarante huit heures toute personne, quelque soit l’accusation portée contre celle-ci.
Hier encore, Bergeline Domou etait invitée par l’ambassadeur de France pour présenter au représentant français pour les droits de l’homme, François Zimeray, la situation des droits humains au Cameroun.
Elle y avait alors présenté le cas Enoh Meyomesse à cette personne distinguée à qui d’ailleurs accès au SED avait été refusée.
Elle y avait interpelé l’ambassadeur français Bruno Gain, tout comme celui des Etats- Unis, Robert Jackson, comme ne peut le
faire qu’une citoyenne, et tous avaient fermement promis leur aide – au prisonnier Enoh qu’elle n’a cessé de défendre depuis un an, depuis son arrestation le 22 novembre 2011. Et voilà qu’aujourd’hui, c’est elle qui est incarcérée. Faudrait-il donc constituer un collectif pour la libération de la coordonatrice du collectif pour la libération d’Enoh ?
Ah, Cameroun, que deviens-tu ? Il fut sans doute un temps où l’espoir était permis, mais ce temps est-il passé ? Bergeline
Domou, le prototype même de la citoyenne, désintéressée, engagée, généreuse, humaine, et fondamentalement fière de son pays, là voilà jetée en prison, dans le dos même de François Zimeray à qui elle expliquait encore hier les conditions de ces prisonniers qu’elle n’a cessé d’aider, à qui elle n’a cessé de rendre visite – et ce pendant un an, une fois par semaine ! Si ne s’y ajoutait pas le fait que Bergeline investit cet effort, au prix de sa santé ! Il y a trois jours, le médecin lui avait conseillé le repos total, ayant diagnostiqué des signes alarmants de fatigue dus au stress : évanouissements, maux de tête, fièvre. Mais voilà, l’infatigable, non, l’indomptable Bergeline Domou, répondant à ce sens du devoir citoyen que dicte la dignité personnelle, la fierté d’être Camerounaise s’est levée ce 30 novembre, et est allée au Tribunal militaire – contre l’avis de son médecin donc.
Et que n’a-t-elle déjà donné dans ce travail simple de la citoyenneté : il y a quelques mois, elle était licenciée après qu’une de ses connaissances ait dénoncé son activisme politique à son employeur. Cette fois elle avait gardé cette injustice dans le silence de sa dignité.
Il y a quelques mois aussi, elle était agressée dans un taxi, au retour d’une réunion de travail avec l’un des avocats d’Enoh
Meyomesse : tous ses instruments de travails avaient alors été volés. L’action des Camerounais solidaires lui avait alors permis de se remettre un peu. Et ce n’est pas tout, ah ! Il y a quelques temps, elle recevait encore des menaces de personnes anonymes au téléphone. Sans parler de la grande Une de
La Météo qui l’avait présentée comme étant de ces ‘charognards qui trainent le pays dans la boue.’ Aujourd’hui incarcérée, aujourd’hui au SED, dans la boue de cette prison devant les portes de laquelle elle fut repoussée parce qu’elle voulait aider des prisonniers, plus que jamais elle a besoin de cette aide qu’elle a toujours su donner. Et notre pays de s’enfoncer encore plus dans cette boue que ses tortionnaires l’accusaient de jeter sur son visage républicain ! La république du siscia connaitra-t-elle jamais une limite dans sa dégringolade ?
Patrice Nganang

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