Monsieur le Président,
Les informations qui abondent depuis quelque temps, dans la presse algérienne et internationale, au sujet des graves malversations auxquelles aurait donné lieu l’exploitation du pétrole et du gaz algériens font mal. Très mal.
Elles font mal en tout premier lieu aux Algériens eux-mêmes qui ont payé trop cher le prix de leur indépendance et de la récupération de leurs richesses nationales pour tolérer, ou penser une seule seconde, que certains de ceux à qui ils ont fait confiance pour assurer la bonne gestion de ces richesses aient vendu leur conscience et leur âme au diable pour s’enrichir sur leur dos. Ils ne peuvent, hélas, que se poser la douloureuse question de savoir à quoi aurait donc servi le sang de ceux qui sont morts pour que leur pays recouvre sa liberté et sa dignité, et à quoi auraient donc servi les sacrifices de ceux qui, après l’indépendance, ont durement œuvré pour construire un Etat fort et moderne et un pays où les serviteurs de l’Etat sont payés pour servir l’Etat et leurs concitoyens, et non point pour se servir eux-mêmes, ou servir des escrocs de tout acabit.
Ce qui est dit et écrit au sujet de supposées vastes opérations de corruption dans le secteur algérien des hydrocarbures fait aussi très mal à tous ceux qui, sans avoir le passeport algérien, aiment votre pays et votre peuple et ne peuvent qu’éprouver de l’admiration pour tous les exemples de courage et d’abnégation que vous avez fournis au monde pendant et après la longue guerre de libération nationale. Pour avoir eu le privilège d’accompagner les premiers pas de la Sonatrach dès sa création, et pour y avoir apporté une bien modeste contribution avant, pendant, et après la grande bataille des nationalisations, j’estime qu’il est de mon devoir de témoigner et de rendre hommage à tous ceux qui ont construit cette belle entreprise dont l’Algérie et les Arabes sont ne peuvent qu’être très fiers.
Tous ceux-là ne peuvent qu’être indignés, ulcérés et profondément choqués par les dérapages et les turpitudes de quelques « suspects » qui auraient trahi la confiance placée en eux et failli à leurs devoirs, au risque de salir la réputation d’une entreprise considérée comme un modèle à suivre par tous les autres pays exportateurs d’hydrocarbures. Personne, en Algérie ou ailleurs, n’ose imaginer ou croire que l’Algérie du million et demi de martyrs puisse abriter et voir son économie sabotée par une quarantaine de voleurs.
Non moins grave est le fait que ceux qui sont aujourd’hui pointés du doigt par la justice algérienne, italienne ou canadienne, pour des détournements supposés de milliards de dollars, sont ceux-là mêmes qui ont ouvert la voie à quelques sociétés étrangères sans scrupules pour surexploiter les gisements de pétrole et de gaz et accélérer l’épuisement des réserves du pays. Tant et si bien que l’Algérie est maintenant confrontée au risque de devenir dans peu d’années un pays importateur net d’énergie.
Permettez-moi, Monsieur le Président, de dire que vous avez trouvé les mots justes en faisant savoir tout dernièrement que vous avez été « révolté » par les scandales dont il est question et que vous êtes déterminé à ne pas « laisser passer ». Ces mots ont tout leur poids dans la bouche de celui qui, après avoir porté bien haut le nom de l’Algérie sur la scène internationale, et après réussi à l’arracher aux affres des « années noires » de triste mémoire, assume aujourd’hui les plus hautes responsabilités au sommet de l’Etat. Les Algériens et les amis de l’Algérie ont maintenant les yeux tournés vers vous et ne peuvent que vous souhaiter bonne chance dans votre nouvelle et lourde mission d’éradication d’une gangrène qui commençait à menacer la sécurité nationale et les intérêts vitaux de l’Algérie.
Nicolas Sarkis
(*) Directeur du Centre Arabe d’Etudes Pétrolières (APRC, Arab Petroleum Research Center). Directeur de la revue "Le Pétrole et le Gaz Arabes"
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