Une décision du chef de l’Etat, datant du 16/08/2013, a demandé la fermeture
immédiate d’une centaine d’églises sur l’ensemble du territoire national. Cette
décision semble saluée par une bonne frange de l’opinion publique. Pour les
partisans de cette décision, elle est salutaire. Ces églises causeraient des
nuisances sonores, seraient à l’origine de déchirements familiaux. Plus grave,
des séances de délivrances ayant mal tourné ont conduit à la mort de plusieurs
citoyens dans ces antres. Toutes ces raisons couplées à l’absence d’autorisation
légale d’exister rendent d’autant plus légitime aux yeux de certains
camerounais la décision de fermer ces églises. Cette fermeture pose cependant le
problème du respect de la liberté de culte, d’association et de conscience dans
notre société.
Le président de la république peut-il contraindre un citoyen à violer
sa conscience ?
La première impression que donne cette fermeture est qu’elle entrainera la
violation de la liberté de conscience des millions de camerounais qui pratiquent
le pentecôtisme au Cameroun. En effet, le choix d’une religion et la pratique de
son culte relèvent de la liberté de conscience. Chacun est donc libre de choisir
son obédience religieuse. Il revient à l’Etat, ce choix effectuer, d’organiser
la pratique du culte. Le président de la république confond-t-il l’organisation
du culte et le choix des cultes qui doivent être pratiqués par ses citoyens ?
Lorsqu’il ordonne de fermer les églises, nous sommes dans une situation dans
laquelle, les pentecôtistes sont empêchés de pratiquer dans le cadre républicain
leur culte.
Le président s’arroge ainsi le droit de choisir pour des millions de
concitoyens quel culte ils ne doivent pas pratiquer. Il s’agit d’une sodomie
morale dont des millions de camerounais sont ainsi victimes. Cette violation
flagrante des consciences morales de millions de camerounais est doublée d’une
violation des dispositions constitutionnelles.
Une décision illégale et anticonstitutionnelle
Les décisions prises par l’exécutif doivent revêtir le sceau de la légalité.
L’un des piliers de cette légalité est la hiérarchie des normes juridiques. Pour
faire simple, un décret doit être conforme à la loi, qui elle-même doit l’être
avec la constitution. Toute décision inférieure doit ainsi être conforme à la
constitution. Dans le cas d’espèce, la décision de fermer unilatéralement une
centaine d’église prive des millions de pentecôtistes de la liberté de culte, de
réunion et d’association qui sont des droits inaliénables. En ce sens, ce sont
des droits dont rien, ni personne ne peut déchoir les citoyens camerounais. La
décision prise est à ce titre illégale. Elle est en outre anticonstitutionnelle
car violant des droits imprescriptibles garantis par le préambule de la
constitution.
Quelles suites donner à cette décision ?
Du fait de
son illégalité, de son anticonstitutionnalité, cette décision interroge plus
fondamentalement le respect de la loi par nos gouvernants. Le président de la
république peut-il tout se permettre ? A-t-il le droit en tant que garant du
respect de la loi de la violer dans les actes qu’il pose ? Force, disait-il dans
ses discours doit rester à la loi ? En l’occurrence, force doit rester à la
constitution ou au décret dans le cas d’espèce? Les pentecôtistes sont en droit
aujourd’hui de violer les termes du décret. Ils obéiraient ainsi à leur liberté
de conscience qui veut qu’un camerounais n’obéisse à aucune loi heurtant sa
conscience.
D’autre part, le président de la république a-t-il le droit de légiférer
ainsi sur des questions sociétales, sans qu’aucun débat sérieux, aucune
consultation du corps social n’ait été menée. La méthode même, est ici
critiquable. Elle n’est pas sans rappeler les Etats totalitaires et les méthodes
du régime de Vichy. Les camerounais sont interpellés par cette technologie de
gouvernement qui après les violences physiques s’adonne désormais aux violences
morales.
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/ RIFOE PATRICK : Interdiction des églises pentecôtistes : quand le Président de la République viole la constitution
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