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NOUMSI BOUOPDA Gervais de Collins : Quelques mesures à prendre pour les pays de l’Afrique centrale dans la signature des Accords de Partenariat Economique

Aujourd’hui, même si l’idée relative à la pertinence des APE entre l’UE et les pays ACP fait toujours l’objet des grands débats dans le monde intellectuel, il ne fait cependant plus l’ombre d’un doute que beaucoup de pays ACP signeront. D’ailleurs, à ce jour de nombreux pays ont déjà signé les accords d’étapes (qui peuvent à juste titre être considérés comme une étape d’essai au régime APE).  C’est le cas en Afrique centrale du Cameroun, qui étant un pays non PMA, ne pouvant pas bénéficier de la règle « Tout Sauf les Armes (TSA) » et ayant peur de basculer dans le régime de suppression de ses avantages tarifaires (Système de préférence généralisé) s’est engagé, à petits pas, dans le processus de signature des Accords de Partenariat Economique.

Au delà du débat sur l’analyse des effets et de l’impact des Accords de Partenariat Economique sur les économies de l’Afrique Centrale, cette contribution se propose dans sa globalité de suggérer aux pays de l’Afrique centrale quelques mesures à prendre pour surmonter les éventuels obstacles que poseront la signature des Accords de Partenariat Economique. Dans sa première partie, elle traitera des questions d’accès au marché. Dans la seconde partie, elle abordera surtout les questions des reformes fiscales et de la diversification des partenaires au commerce.

I. LA PRISE EN COMPTE DES QUESTIONS DE L’ACCES AUX MARCHÉS
Pour un gain durable des Accords de Partenariat Economique, l’Afrique centrale a besoin principalement d’être stable économiquement et politiquement. Et la stabilité dans la sous - région passe inévitablement par une coopération forte et durable entre les différents Etats. C’est pourquoi, il est préconisé comme moyen pour maximiser les gains des Accords de Partenariat Economique, une intégration forte et solide en vue de faciliter les échanges intra communautaires. Mais cette intégration doit absolument être renforcée par l’accès au marché et un programme de démantèlement tarifaire efficace.

La prise en compte des questions d’accès aux marchés de l’UE
L’Afrique centrale pour tirer profit des Accords de Partenariat Economique doit négocier d’une manière rationnelle l’accès au marché des produits européens chez eux et l’accès de leurs produits sur le marché de l’UE. En fait, la question des Accords de Partenariat Economique sur l’accès aux marchés se pose essentiellement pour le quota d’ouverture des frontières, pour les normes de qualités (qu’il faut relativiser) et pour la liste des produits sensibles. En somme, il est important de mettre sur pied un bon programme de démantèlement tarifaire.

A propos de l’asymétrie de l’ouverture des frontières et de la liste des produits sensibles
 En ce qui concerne l’asymétrie de l’ouverture, l’article 24 de l’OMC maintient une certaine ambiguïté. En particulier L’article 8 (b) exige que les droits de douane et autres restrictions au commerce soient éliminés pour « l’essentiel des échanges  commerciaux » entre les parties. La signification exacte de « l’essentiel des échanges » est fortement discutée et doit faire l’objet d’une négociation profonde. La question du pourcentage du commerce à libéraliser devient alors essentielle. D’ailleurs, à ce propos, les pays de la CEEAC doivent se décider sur la couverture du projet de libéralisation des échanges avec l’UE. Cette couverture doit nécessairement prendre en compte les avantages et les désavantages comparatifs. Mais avant, cette décision demande le ciblage des biens et services (produits sensibles) de la CEEAC.

Préserver les avantages comparatifs : Faire obstacle aux normes phytosanitaires et aux règles d’origine
Il faut identifier les domaines où l’UE entrave l’utilisation des avantages comparatifs de la CEEAC par des politiques commerciales protectionnistes (l’agriculture à travers la Politique Agricole Commune). Le reste de domaine sans concession multilatéral de l’UE, lors du cycle de Doha, doit être ajouté à l’agenda de négociations pour essayer d’obtenir les concessions préférentielles. A titre d’exemple, les organes de négociation pourraient explorer les possibilités pour savoir s’il n’est pas possible à l’UE de considérer spécifiquement l’intérêt des pays de la CEEAC dans l’application des mesures de sauvegarde telles le code anti – dumping et les mesures sanitaires et phytosanitaires. 

En effet, les principaux freins réglementaires à l’accès au marché étant les normes phytosanitaires et les règles d’origine, il est donc primordial que dans le volet commercial des Accords de Partenariat Economique, les pays d’Afrique centrale négocient un assouplissement de ces deux règlements. Un assouplissement des règles SPS serait compatible avec les accords de l’OMC qui fixent le Codex Alimentarius comme normes plancher. Or, il existe une marge importante entre les normes SPS de l’UE et le Codex Alimentaruis. Les règles d’origine quant à elles doivent être négociées de façon à permettre l’exportation de produits manufacturés dont toutes les composantes n’ont pas été produites en Afrique Centrale.


Etablir un bon programme de démantèlement des barrières tarifaires
Une autre ambiguïté sérieuse de l’article 24 de l’OMC se trouve au niveau de la « durée raisonnable » pour le démantèlement des barrières tarifaires. Ici comme au niveau de « l’essentiel des échanges », il n’ y a aucune interprétation officielle, bien que l’on pense par convention qu’il s’agit de 10 ans. D’ailleurs, lors des négociations Accords de Partenariat Economique, le programme de démantèlement tarifaire doit absolument faire l’objet d’une étude particulière. Bien plus, il est communément admis que l’existence des coûts de l’ajustement inter-sectoriel exige une approche « gradualiste » en matière de  réduction des mesures protectionnistes. Les pays de la CEEAC doivent absolument établir un calendrier de suppression progressive des obstacles aux échanges. Ce calendrier leur permettra de s’ajuster à la concurrence européenne en minimisant au maximum les  bouleversements économiques et sociaux.

Dans les secteurs où la concurrence pourrait avoir des répercutions graves, la mise en œuvre graduelle de la libéralisation sera nécessaire en vue de préserver la production domestique et de lui permettre de  devenir compétitive ou de se spécialiser dans un « créneau » qui ne produit pas les biens semblables provenant de l’UE. Il sera certes difficile aux états de la CEEAC de parvenir à un calendrier commun (du fait de la divergence des intérêts), mais il est nécessaire que cela soit fait dans l’intérêt de tous.


II. DE LA REFORME FISCALE  A  LA DIVERSIFICATION DU COMMERCE ET DES PARTENAIRES AU COMMERCE
Pour une bonne minimisation des effets néfastes des Accords de Partenariat Economique, il est  nécessaire d’insister, lors des négociations, sur les nouvelles reformes fiscales à adopter. En effet pour la préservation du bien être économique et social, quelques moyens de précaution méritent d’être pris. Ces mesures sont en priorité de plusieurs ordres : la mise sur pied des recettes fiscales alternatives, l’appui de l’OMC aux pays de l’Afrique centrale par le renforcement des capacités, la diversification du commerce et des partenaires au commerce.

Les reformes fiscales : une alternative aux pertes des recettes tarifaires
Il est impératif de mettre sur pied des mesures d’accompagnement pour que le passage d’un régime commercial restrictif à un marché ouvert ne conduise pas à un choc fiscal et à une instabilité macroéconomique. Aussi des pertes enregistrées dans les recettes publiques doivent-elles être amorties. Ceci impose à la CEMAC une reforme fiscale plus ou moins globale.

Les taxes indirectes locales
Il est communément admis que les taxes sur le commerce extérieur devront être remplacées par des taxes indirectes locales (taxes communales, taxes sur la valeur ajoutée etc.). En fait, théoriquement, il est facile de remplacer une taxe à l’importation par des taxes domestiques. Une taxe à l’importation pouvant être par exemple équivalente, sur le plan conceptuel, à une taxe ad valorem (5%, 10%,15%, etc…), sur la consommation domestique et à une subvention ad valorem à la production locale du produit.  Dans le cas où les pertes seraient considérables sur les recettes, des mesures additionnelles pourraient être prises.

 Les mesures additionnelles à travers la rationalisation de la qualité de la dépense publique
Ces mesures additionnelles sont par exemple l’amélioration de la qualité de la dépense publique et les réductions des dépenses à faibles priorités ou inefficaces. Mais en réalité, dans la pratique, il est extrêmement difficile d’établir un équilibre entre la nécessité de la dépense publique et la question d’efficacité. La capacité des pays de la CEEAC à collecter les taxes domestiques destinées aux programmes de dépenses publiques ne dépendra pas seulement de l’application d’un régime fiscal approprié, mais également du respect de ce régime. En effet, la contrebande, la corruption, l’évasion et la fraude fiscale sont les principaux problèmes à la collecte des taxes dans les pays de l’Afrique centrale. Au regard de ces insuffisances, il est impératif pour tous les pays de tenir compte des lenteurs administratives lorsque la CEEAC voudra reformer son système fiscal.

La diversification du commerce et des partenaires au commerce
L’un des plus grands problèmes de l’Afrique centrale vient du fait que son économie n’est pas assez diversifiée. Et les matières premières des pays de la CEEAC ne se vendent pas toujours aux meilleurs prix sur les marchés de l’Union Européenne. Ne serait-il pas temps de penser à augmenter le flux de commerce avec d’autre partenaires à savoir la Chine, le Brésil, Singapour ou même l’Inde ?


L’une des solutions  pour maximiser les gains des Accords de Partenariat Economique réside entre autres dans la diversification des partenaires au commerce. En effet, les pays de l’Afrique Centrale devront perdre plus de 70% de leurs recettes douanières et tarifaires avec la signature des APE. Et cette perte des recettes douanières aura une très forte influence sur le budget des Etats. En effet, elle se traduira par une baisse drastique des investissements publics. C'est-à-dire qu’il y aura moins de routes, moins d’hôpitaux à construire, moins d’école à construire, etc. Toutefois, cette perte de recettes  qui est surtout due à la libéralisation commerciale que va engendrer les APE peut être amortie. Elle le sera si les pays de l’Afrique Centrale envisagent de commercer beaucoup plus avec d’autres partenaires à savoir la Malaisie, la Chine, l’Inde, le Brésil, Singapour avec qui ils n’ont pas d’accord de libre échange. Dans ce cas, les pays de l’Afrique centrale  continueront à percevoir des droits de douanes élevés. L’investissement public pourrait par la même occasion être sauvegardé. En plus, l’Afrique Centrale pourra par la même opportunité améliorer sa performance au niveau du commerce international. Le bénéfice engrangé en terme d’économie d’échelle, des parts de marché beaucoup plus vaste sont des atouts à considérer dans ce cas de figure.

Conclusion
En dernier ressort, il nous semble que la signature des APE va se jouer au niveau de la qualité, de la capacité et de la valeur intrinsèque des négociateurs de l’Afrique centrale. En ce sens, nous avons évoqué plusieurs questions, notamment celles liées au renforcement des capacités (des négociateurs également en matière de stratégie et de technique à adopter), à l’accès aux marchés, à la diversification des économies et des partenaires au commerce. Aussi, il apparaît important pour les pays de l’Afrique centrale de s’unir afin de maximiser les gains des négociations. De ce fait, l’établissement d’un meilleur programme de démantèlement apparaît comme nécessaire et primordial.

 D’ailleurs, la nécessité d’une éventuelle reforme fiscale est importante. Les nouvelles formes de taxes et d’impôts doivent désormais naître pour compenser la perte des recettes douanières que causerait l’éventuelle signature des APE. Aussi, il apparaît nécessaire de renforcer les capacités productives et intellectuelles  pour aider l’Afrique Centrale à être plus compétitive.


*Par NOUMSI BOUOPDA Gervais de Collins
 Expert en politique et stratégies de Négociation du commerce  international
 TEL : 97.17.73.68 / 77.88.29.04                                                                                    
 
noumsico@yahoo.fr
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