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Alain Florent : Les scénarios de l’après Biya : Entre transition à la Gabonaise, coup d’état militaire, transition démocratique

Le Cameroun traverse depuis 1987 une zone de turbulence économique dont les conséquences entraînent dès 1990 désordres politiques et blocages institutionnels extraordinaires. Depuis l’avènement du multipartisme dans ce Pays d’Afrique centrale, l’agenda politique reste du ressort exclusif de l’actuel président de la république - Paul Biya  - aux affaires depuis le 6 novembre 1982. Fort de près de 300 partis Politiques dont le dernier en date - le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC)-, du Pr. Maurice Kamto, le Cameroun demeure une exception négative en matière de démocratie, et donc les violations en matières des droits de l’homme restent - si on met en exergue la manière dont ce Pays est gouverné – à décrier. Le Cameroun, de part sa géographie se situe entre le Tchad au Nord, le Nigeria et l‘océan Atlantique à l’ouest,  la RCA, le Gabon, le Congo, la Guinée équatoriale au sud. On peut dire que le Cameroun est un pays riche, si on tient compte de sa géomorphologie. La répartition de la population vue sous un angle purement statistique révèle une pyramide des âges dont la base très large, reste dominée par les moins de 35 ans ; cela peut s’expliquer d’une part au taux de mortalité qui demeure élevé dans la tranche des 40 et 60 ans, et d’autre part par un fort taux de natalité conséquence de la polygamie encore en vigueur  et surtout au manque de planning familial. Les progrès constatés en matière de médecine dans les pays asiatiques et ceux de l’OCDE n’ont pas encore atteint l’Afrique au sud du Sahara et ceci, au grand dam de la population qui accroît de manière exponentielle. La géographie humaine du Cameroun révèle une population  cosmopolite caractérisée par une diversité culturelle extraordinaire, typique des peuples d’Afrique centrale (près de 250 groupes ethniques repartis sur une surface 475 000 Km²).Le taux de chômage très élevé – près de 60% de la population active -, reste la grande menace qui pèse sur la stabilité du pays.

La Transition politique comme gage de Stabilité et de paix

L’arrivée aux affaires de l’actuel président de la république en douce - par le jeu d’un mécanisme constitutionnel inique -, reste une exception dans la région où plusieurs Chef d’états se sont succédés par le biais des coups de d’états militaires ; mais la transition se fera-t-elle en douce à l’heure où les bruits de bottes se font de plus en plus entendre aux frontières du Cameroun ? Mis en ballottage dès l’entrée en vigueur du multipartisme que beaucoup continuent de confondre dans le cas du Cameroun à la démocratie, l’actuel président s’accroche désespérément depuis 22 ans aux affaires, multipliant scandales financiers, entraves aux droits de l’homme, et mal gestion.À 81 ans sonné, Paul Biya qu’on dit malade et affaibli depuis le déclenchement de l’opération épervier imposée par les bailleurs de fonds, continue de tenir de main de maître le gouvernail d’un gouvernement très tribal,dominé par les « élites » des tribus du centre et du sud (Bétis et Fangs).Les « manœuvres dilatoires »,dont celle qui a consisté à nommer un ressortissant de l‘ouest – Marcel Niat Njifendi –,au Sénat, n’a rien changé aux aspirations de l’opposition, et de la grande majorité des Camerounais qui souhaite un changement radical de système de gouvernance. L’armée, un corps central dans le maintient de la paix et de la défense du territoire national, s’est illustrée ces 22 dernières années comme un instrument au service d’une autocratie gérontocratique en perte de repère et hors monde.


Le temps géopolitique planétaire très long, caractérisé par la chute des dernières grandes « monarchie » en Afrique du nord et au proche orient touchera-t-elle enfin l’Afrique centrale,pré carré économique français ? On peut bien hurler ou crier son afrocentrisme, l’économie camerounaise comme celles de nombreux états dans la région sont sous le joug des investisseurs français qui sont présents dans tous les secteurs essentiels de l’économie, allant de l’agroalimentaire, de la téléphonie, du transport en passant par l’énergie.


*Bref aperçu des intérêts français au Cameroun et chiffres d’affaires approximatifs en Millions de Dollars (source Jeune Afrique)
Orange (Groupe France Télécom), Téléphonie mobile, 330  millions
SABC (société anonyme des Brasseries du Cameroun, frères Castel) 563  millions
Groupe CFAO, (distribution Automobile, groupe diversifié) 290 millions
Groupe Bolloré (Transport, Fret, Camrail, SDV, SGS) 400 millions
Groupe Somdiaa (SAC, Socucam) 250 millions
Groupe Louis Dreyfus (Import –export) 101 millions
Société des plantations du Haut Penja (Productions de Bananes) 100millions
Sic Cacao (Confiserie) 86 millions



Le faible taux d’investissement des locaux  peut s’expliquer par le degré de corruption constaté dans les services de l’administration centrale, le floue qui règne sur l’attribution des grands marchés aux nationaux de peur de voir certaines tribus ou des « persona non grattas de la politique » monter en puissance, par la morosité du climat des affaires due au climat politique,et la peur de l’implosion sociale qui règne depuis 1990,et enfin au manque de créativité des camerounais – également connus comme d’excellents suivistes -, qui encouragent les banques à stocker les fonds qui pourraient être utiles à la relance économique.

Les Scénarios Possibles
La succession de Paul Biya a déjà commencé avec le lancement de l’opération épervier qui ne vise pas seulement à l’assainissement dans la gestion des ressources publiques, elle viserait également à mettre hors d’état de nuire les plus ambitieux issus des rangs du parti au pouvoir, le Rdpc (Rassemblement démocratique du peuple camerounais) – un véritable Parti-état – qui vole de large « victoire » en large « victoire » depuis l’instauration de la démocratie au Cameroun,ne manquant pas de défrayer au passage la chronique de part ses scores à la russe (77% aux dernières présidentielles). Le climat politique entre les hommes du Nord et ceux du Centre-sud depuis l’incarcération de deux poids lourds du Nord, Marafa Hamidou Yaya ancien Ministre d’état chargé de l’administration territoriale, et Iya Mohammed, ex Dg de la Sodecoton et président de la fédération camerounaise de football pour « Coaction intellectuelle » de corruption pour le premier et détournement/fautes graves de gestion pour le second - tous les deux sont actuellement incarcérés-, s’est vraiment détérioré. Cavayé Djibril, président de la l’assemblée nationale qui visait la tête du sénat - et ambitieux plus que jamais - a vu ses élans brisés par Paul Biya qui l’a rappelé à l’ordre. Amadou Ali quand à lui, s’est vu retirer la charge de la gestion du ministère de la justice - ministère en charge de l’opération épervier. L’ex garde des sceaux se serait servi de sa position privilégiée pour régler quelques comptes avec ses potentiels adversaires dont Marafa, et Yves Michel Fotso riche opérateur économique actuellement incarcéré à la prison centrale de Kondengui.

La Succession à la Gabonaise
La transition Gabonaise est toujours présente dans les esprits et peut surgir à tout moment comme le mentionne Patrice Nganang (écrivain Camerounais) sur sa page facebook. Après 42 ans de règne sans partage sur le Gabon, le président Omar Bongo Odimba meurt dans un avion qui transporte vers un hôpital espagnol où il est attendu. Dans le plus grand secret,  la nouvelle de la mort de l’ex président sera dissimulée aux gabonais qui rêvent depuis des décennies d’un changement à la tête de l’état. Le flou entretenu autour de la mort du président Bongo Odimba n’a qu’un objectif majeur : préparer son successeur qui sera issu des rangs du parti démocratique Gabonais (PDG).Le Clan Bongo se déchirera autour de cette succession qu’ Ali Bongo l’actuel président, opposé à sa sœur Pascaline, remportera  avec le soutien de la France et de Paul Biya. . Ali Bongo renforcera son pouvoir en remportant l’élection présidentielle qu’il aurait en réalité perdu face à son ami Pierre Mba Obame ancien ponte du régime Bongo, avec le soutien de l’armée Gabonaise. Un tel scénario est possible au Cameroun, Pays où on est habitué à hurler qu’à agir politiquement.

Le scénario du printemps Arabe

Le scénario du printemps arabe reste possible si l’on s’en tient du malaise social qui prend de plus en plus corps dans les nombreuses régions du Cameroun notamment le nord, l’est et le nord-ouest. Beaucoup d’experts sont unanimes sur la thèse qui privilégie la prise du pouvoir par la rue. Cette crainte est lisible sur le visage de deux unités de l’armée Camerounaise au service du pouvoir en place (le Bataillon d’intervention rapide, le BIR ; et de la Garde présidentielle, GP) surarmés par rapport à l’armée classique. Peut-on vraiment arrêter une vache en furie ? Les tueries de février 2008 qui ont rompu le lien intime qui liait l’armée au peuple restent toujours gravées dans les mémoires. L’armée continuera-t-elle à être au service d’un homme ou servira-t-elle enfin le peuple qu’elle est censée protéger ?

Le Scénario du Coup d’état militaire

Lors de nombreuses parades militaires on a souvent pu lire « une armée au service d’une nation ».malheur est de constater que la réalité est toute autre. L’armée camerounaise s’est révélé tout au long de ces deux dernières décennies comme un corps corrompu, maffieux et très tribal. Victorien Hameni Bieuleu, expert militaire et homme politique le mentionne dans son dernier entretien accordé à jeune Afrique. Les frustrations et les clivages ethniques qu’on peut observer dans le corps des officiers en commandement de l’armée camerounaise sur l’ensemble des régions militaires, seront peut-être l’élément déclencheur de révolte de l’armée déjà grassement payée par rapport au reste de la population, si l’on tient compte du Smic fixé à 28.000 Frs Cfa (42,74809 €).L’armée a beau plaider sa fidélité à  la république et aux institutions, mais les nombreux cas de vols et corruptions constatés ici et là jettent l’anathème sur elle. L’armée camerounaise.Un nouveau vent souffle dans les rangs de l’armée camerounaise où plusieurs officiers issus de la jeune génération pensent que ça suffit.


Le Scénario démocratique

Un récent article, signé Venant Mboua – journaliste Camerounais basé au Canada – est venu réactiver la suspicion qui pèse sur un ensemble de personnalités politiques Camerounais. L’article est adressé à Grégoire Owona du RDPC (Rassemblement démocratique du peuple Camerounais, parti au pouvoir) qu’il fustige en rappelant ce dernier à l’ordre et au respect de l’idéal démocratique. Ce n’est un secret pour personne ; il n’y a pas de démocratie au Cameroun malgré le multipartisme. La morosité de la vie politique a entraîné une démission collective de la population. L’administration territoriale est sous le contrôle  du Parti au pouvoir et est de connivence avec l’armée qui lui obéit au mépris des lois sur les libertés publiques. Les manifestations publiques sont systématiquement interdites et l’opposition muselée. Les espoirs sont tournés actuellement vers le Maurice Kamto du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) ; réussira-t-il où le SDF a échoué  à l’heure où beaucoup parlent de plus en plus d’une « coalition absolue des forces de l’opposition» comme unique alternative crédible ? L’avenir nous le dira.
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