113,257 milliards Fcfa. Voilà les détournements et autres fautes de gestion imputés par la Commission nationale anti-corruption (Conac), sur la période allant de 2002 à 2011, à l’ancien directeur général de la Sodecoton, Iya Mohammed, et contenus dans le rapport 2012 de cette institution. De ce rapport présenté en décembre 2013, tout le monde en rit. A commencer par les membres de la Conac eux-mêmes. «Les données sur la Sodecoton sont fausses. Nous nous en sommes rendus compte bien avant la publication du rapport, et nous avons corrigé ce qui pouvait l’être.
Le problème est que ces corrections n’ont pas été reportées sur le document final qui a été envoyé à la Présidence », explique un membre de la Conac. «Personne ne peut nier cela. Nous avions tous assisté à la réunion et avons constaté de graves lacunes, imputables principalement à l’équipe qui s’est rendue sur place et au cabinet d’expert-comptable chargé de nous accompagner dans cette mission », poursuit le membre de la Conac.
L’on pouvait en rester là, la Conac n’étant pas à sa première bourde, si la France ne demandait pas aujourd’hui des explications à cette institution qui a traîné sans raison apparente, l’honneur de l’Agence française de développement (AFD) dans la boue. Et que dire des entreprises Geocoton et Sosea, respectivement actionnaire et fournisseur de la Sodecoton au même titre que de nombreux autres fournisseurs ?
Sans éléments pour sa défense, la Conac mise désormais tout sur le temps. «La Conac ne veut pas assumer sa bourde pour ne pas se décrédibiliser aux yeux de l’opinion. Nous comptons nous appuyer sur la démarche des Français pour lancer une contreexpertise et nous tirer d’affaire, car il revient au cabinet d’expert-comptable qui a accompagné la première mission d’assumer l’entière responsabilité de son incompétence. Dès la première mouture, nous avons relevé de nombreuses incongruités. Par exemple, le cabinet d’expert-comptable et l’équipe de mission ont qualifié de détournement, des pertes cumulées de plusieurs exercices. Depuis quand une perte dans une entreprise est un détournement ? Cette affaire interroge le niveau de nos collaborateurs et de ceux qui travaillent pour nous», poursuit le membre.
Conséquence, comme l’entreprise a subi de lourdes pertes au cours de la période passée sous revue du fait de la chute des prix de l’or blanc sur le marché mondial, des problèmes de parité euro-dollar, de la crise financière mondiale de 2008, de la chute de la production due à la non subvention par l’Etat des engrais aux producteurs, de la sécheresse… l’on peut comprendre aisément le montant astronomique mis sur le compte de l’ancien directeur général.
Le hic, c’est qu’en interne, la Conac reconnaît que le rapport rendu public n’est pas celui qui a été toiletté en petit comité. Mais, elle se garde bien de le déclarer publiquement. Il y a donc là une corruption subtile de l’opinion… Sont donc sur le grill : le révérend pasteur Simon Bolivar Njami- Nwandi, les membres de son équipe de mission et le cabinet d’expertise comptable.
Outre de graves lacunes dans l’analyse comptable, certaines accusations contenues dans le rapport rendu public par la Conac sont quand même d’une légèreté à couper le souffle. Comme cette affaire de 800 millions Fcfa imputée à Iya Mohammed. Fin 2002, un contrôle interne de la Sodecoton découvre un trou de 800 millions Fcfa dans les caisses du secteur de Madingring, dans le Mayo-Rey. Le chef de secteur, Ndoumoukoudou Victor, est immédiatement interpellé à la suite d’une plainte du directeur général de la Sodecoton d’alors, Iya Mohammed, et incarcéré à la prison de Tcholliré.
Victime d’escrocs, Ndoumoukoudou Victor ne tarde pas à livrer des noms.
Victime d’escrocs, Ndoumoukoudou Victor ne tarde pas à livrer des noms.
Il dénonce ceux qu’il accuse de l’avoir dépouillés, lesquels sont arrêtés à travers le pays et incarcérés à la prison de Tcholliré. Lors du procès quelques mois plus tard à Tcholliré, le tribunal a la main lourde : prison à vie pour de nombreux coupables qui doivent en outre rembourser à la Sodecoton le montant détourné, soit les 800 millions Fcfa. D’où vient-il alors qu’une affaire déjà tranchée par un tribunal se transforme en détournement imputable au directeur général à l’origine du contrôle et de la plainte contre les malfrats?
En parcourant le rapport de la Conac sur la Sodecoton, n’eût été la présence physique de la mission de la Conac à Garoua, certaines langues fourchues auraient pu déduire qu’il a été rédigé nuitamment sous un arbre. La Conac a accusé la Compagnie cotonnière française (Copaco) d’être une société écran via laquelle sont détournés des fonds de la Sodecoton. Selon nos sources, la mise en cause serait pressée de voir son honneur rapidement rétabli, sous peine de saisir les tribunaux.
La réalité, c’est que la Sodecoton ne vend pas directement son coton aux clients. Elle s’adresse à la dizaine de négociants dans le monde et cède son produit au mieux de ses intérêts, par appel d’offres international. Copaco est donc un trader, et à ce titre, a gagné ou perdu de nombreux appels d’offres internationaux lancés par la Sodecoton. Elle entend de connaître aujourd’hui comment elle a servi de canal aux détournements des fonds à cette société… Idem pour la Sosea, la centrale d’achat mondialement reconnue dont une partie du capital est contrôlée par l’AFD.
Non seulement les produits achetés auprès de celle-ci par la Sodecoton, à cette période, étaient au prix les plus bas du marché, mais en plus, sa qualité était garantie car estampillée Union européenne. Elle aussi a gagné ses prestations à la suite des appels d’offres internationaux comme elle en a également perdu beaucoup après avoir soumissionné...
GUIBAI GATAMA
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