Que n’a-t-on pas entendu comme béatitudes à l’endroit de la jeunesse à travers les discours ? Pourtant la réalité est ailleurs. Celle d’une jeunesse sacrifiée, victime d’une absence des plans de développement culturel, agricole, et industrielle. Constat et analyses !
Si la jeunesse camerounaise se présente aujourd’hui comme des orphelins abandonnés, ce n’est pas faute de discours ou de divinations sans lendemains dont se gargarisent les hommes politiques dès que l’occasion leur est offerte. Généralement à la veille de la fête de la Jeunesse par le chef de l’Etat, ou lors des campagnes pour nourrir d’illusions le bétail électoral. Malheureusement, pour des jeunes qui sont désormais contraints de lutter pour leur survie, les éternelles promesses jamais réalisées ne convainquent plus. Leur avenir est davantage sombre au Cameroun. Par conséquent, pour la plupart d’entre-eux, le rêve est d’aller chercher sous d’autres cieux la vie qu’ils n’ont pas pu trouver dans leur pays.
Ils y vont à tous les prix, parfois au péril de leurs vies, avec la ferme conviction que quelle que soit la destination, tout se passera mieux qu’au Cameroun. Comme quoi, la souffrance qu’ils vivent ici n’existe nulle part ailleurs. La preuve, les jeunes Camerounais battent, au fil des jours, le record des demandes d’asile au grand dam de l’image du Cameroun.
A l’analyse, on peut comprendre aisément que notre jeunesse, ne voyant aucune perspective d’avenir, tente par tous les moyens de s’évader à l’étranger, pendant que ceux qui restent, sont aussi découragés, réduits à l’oisiveté, l’alcool, le grand banditisme, la prostitution… C’est une jeunesse abandonnée dont les solutions pour l’épanouissement et l’expression de ses talents ou de ses capacités sont restées sans suite, à l’instar d’un travail décent avec un salaire à la hauteur de ses compétences, du culte du mérite, de l’égalité des chances, etc. En somme, une jeunesse camerounaise qui peine à se trouver une identité et des repères.
Pour être plus précis, nous sommes allés à la rencontre des jeunes dans tous les secteurs sociaux, pour nous rendre compte que leurs problèmes sont de tous les ordres : économiques, sociaux, politiques, éducatifs, professionnels, culturels, sportifs, etc. Au sortir de l’école, la plupart d’entre eux sont confrontés au chômage. Les plus courageux embrassent, avec des moyens modiques, le secteur de l’informel avec tous les aléas et l’anarchie qui réglementent ce domaine qui n’est en réalité qu’un chômage déguisé. A ceci, il faut associer ce que certains appellent les nouveaux métiers du Renouveau à savoir les « benskineurs »(moto-taximen) et les « call-boxeurs»(gérants de cabines téléphoniques) dont la prolifération a mis à mal la trouvaille de la main-d’œuvre au point où il est aujourd’hui difficile de trouver une ménagère, des aides-maçons, des tâcherons, etc.
Autant de phénomènes qui entretiennent grandement la misère, la pauvreté des jeunes et les rendent vulnérables et manipulables. Cela est d’autant plus vrai que pour être benskineur ou callboxeur, le jeune n’avait pas besoin d’un diplôme universitaire. Mais au moins, c’est un revenu par rapport à leurs collègues qui, après l’université, partagent encore, depuis des années, la case parentale avec leurs cadets, eux-aussi diplômés. Ce qui contribue davantage à décourager les jeunes qui veulent persévérer dans l’école dès lors que des exemples de ce genre sont les preuves patentes que l’école en question ne sert plus à rien.
« Quel Cameroun voulons-nous pour nos enfants ? »
Lorsque le président Paul Biya dégageait cette problématique de la jeunesse pendant les premières années de son arrivée au pouvoir, l’optimisme était contagieux. Tout le monde voyait en lui un visionnaire qui avait des surprises agréables dans sa politique pour cette catégorie qui représente plus de 80% de la population. Le désastre qui en a suivi à cause justement du manque de vision et de la mauvaise gouvernance, l’inertie chronique, la gérontocratie érigée en méthode de gouvernement, a installé une déception collective. Notamment en ce qui concerne les lacunes du gouvernement dans sa politique de formation et d’insertion professionnelle des jeunes diplômés ou non diplômés. Du coup, la feymania a fait son lit pour servir de bon exemple.
Pouvait-il en être autrement dans un pays où lorsqu’on nomme un Camerounais de 50 ans à un poste de responsabilité, on dit que le chef de l’Etat a fait confiance à la jeunesse. Ce qui paraît paradoxal aussi quand on sait que lui-même est arrivé au pouvoir à 49 ans, après avoir servi pendant une vingtaine d’années dans la haute hiérarchie de l’Etat.
Le développement socioculturel, une priorité
A l’arrivée du Renouveau, le Cameroun disposait des sociétés diverses que variées. On peut citer entre autres : Semry, Sodecoton, Soderim, Socame, Mission de développement de la plaine de Ndop, Sodecao, Uccao, Ocb, Oncpb, Sosucam, Camsuco, Chococam, Zapi/est, Sct, Mideviv, Sacheries, Cdc , Hevecam, Cellucam, Cicam, Sotuc, Midepeche, Sodepa, Crevettes du Cameroun, Sni, Bcd, Scb , Biao, Fonader, Fogape, Capme, Feicom, Credit foncier, Fodic, Labogenie, Matgenie, Cericam, Cimencam, Sic, Midima, Sonel, Snec , Sonara, Csph, Snh, Camair, Socatour, Camship, Cnc, Socar, Cnr, Cnps, Tanneries. Pour des raisons diverses, la plupart de ces sociétés ont disparu. Ce qui interpelle les comportements à divers niveaux.
De nos jours, le Cameroun donne l’image d’un pays de fraude électorale, de fraude aux examens, de détournements permanents de deniers publics par de hauts commis de l’Etat, d’infantilisation permanente de la jeunesse, de tribalisme comme mode de gestion du pouvoir, de népotisme, de favoritisme, d’injustice sociale, de corruption des mœurs et de la jeunesse, de chômage, de délinquance, d’insécurité, des adeptes de Bacchus et des sectes, etc. Tout ceci ne peut trouver ses vrais origines que dans la banalisation de la notion de développement culturel dans le discours sociétal, scientifique et politique, d’une absence d’un engagement politique fort sur les problèmes que le développement culturel est censé résoudre.
Ignorer que le développement culturel peut constituer un avenir pour le Cameroun, c’est ignorer que toute révolution est d'abord intérieure. Car les crises, qu’elles soient financières, économiques ou politiques recouvrent une profonde dose de crise de civilisation. L’exemple de l’Asie qui a fait son introspection pour être aujourd’hui le dragon en est un exemple vivant.
L'écrivain socialiste Pierre Fougeyrollas l'explique ainsi : «Mal traduite en français, l’expression révolution culturelle signifie véritablement une révolution des manières de sentir, d’agir et de penser, une révolution des manières de vivre (collectivement et individuellement), bref une révolution de la civilisation». Il ajoute que par son moyen, Mao Tsé-Toung voulait «libérer les énergies de la révolution socialiste» et détruire ainsi en Chine tout ce qui subsistait de l'ordre ancien.
On se souvient que ce concept a été présenté comme une nouveauté révolutionnaire en Occident à partir de l'explosion estudiantine anarchiste de mai 68, qui a éclaté à la Sorbonne et s'est propagée dans le monde entier. Depuis lors, la révolution culturelle est devenue l'aspect principal du nouveau type de révolution qui est désormais, une priorité avant les transformations socio-économiques. C'est donc dans la société, dans la vie quotidienne que la nouvelle révolution place son objectif prioritaire. Et comme le disait Sotelo: «Ne perdons pas de vue un fait fondamental, ce n’est ni la politique ni les politiciens qui ouvrent des voies nouvelles ; ceux-ci ne peuvent qu’institutionnaliser par les lois ce qui a mûri dans la société comme une revendication incontournable (...) C'est dans la société, dans ses formes de production, comme dans ses façons de penser et son comportement, que doivent s'opérer les changements». Autrement dit, dans la logique du raisonnement de Sotelo, entreprendre des modifications de structure avant que l'opinion publique ne soit préparée à les accepter serait un suicide politique. Les réactions d'un peuple agressé dans ses habitudes séculaires peuvent provoquer un retour en arrière dans le processus révolutionnaire.
En fin de compte, que ce soit l’emprise de la technologie ou celles des dogmes religieux qui banalisent les consciences, seule l’expérience intérieure révoltée, intransigeante, peut encore nous sauver. En somme, avant de faire la révolution dans la cité, il faut faire la révolution en soi-même. D’abord une révolution culturelle, ensuite une révolution agricole et enfin une révolution industrielle.
Ing. Dieudonné Kameni Djouteu,Expert industriel,Président national de l’Udt (Union des démocrates pour le travail)
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