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Puissance et faiblesse des nations. Processus de guerre et processus de paix par Shanda Tonme

I – La délicate problématique de l’identité culturelle des nations
L’erreur fatale des groupes pro européens qui se sont emparés du pouvoir à Kiev en ce mois de février 2014, aura été de faire des déclarations virulentes contre la minorité russophone du pays. Les leaders quelque peu inintelligents du mouvement à qui nombre d’observateurs internationaux n’ont pas tardé à coller l’étiquette de fascistes ultranationalistes, avaient oublié qu’ils avançaient ainsi sur un terrain difficile où leur arrêt de mort serait presque automatiquement avalisé par ailleurs.
En effet Moscou n’est pas allé chercher plus loin une raison indiscutable à ses yeux, pour s’emparer de la péninsule de la Crimée et promettre aussitôt son soutien massif, résolu et inconditionnel, aux revendications indépendantistes de la minorité russe. Si l’on parle de faiblesse de réaction ou encore de démission s’agissant de la réaction de certains Etats ou même de l’Union européenne dans son ensemble, c’est parce que l’on ne prend pas suffisamment en considération, l’histoire passée et récente qui offrent un tableau d’où transparait la question de l’identité culturelle comme la source de presque toutes les guerres ravageuses.


A – Rappel historique
Les nations ont de tout temps assumé de façon quasi maladive, la responsabilité du déclenchement des conflits, dès lors qu’il leur semblait légitime, de s’accrocher à la thèse de la défense de leur spécificité identitaire. Personne en Europe ne saurait valablement embrasser les dirigeants qui ont pris le pouvoir à Kiev avec la bonne conscience de soutenir des démocrates ou d’accompagner un mouvement authentique de contestation populaire contre la dictature. La dure, sanglante et destructrice guerre qui a mis l’ex-République fédérale de Yougoslavie en lambeaux et conduit le dernier président Serbe Slobodan Milosevic devant le tribunal pénal international n’est pas effacée dans les mémoires.

Le conseil de sécurité de l’Onu s’était prononcé contre l’intervention de l’Otan, notamment à cause des vétos chinois et russe, mais l’argument moral fondé sur la dénonciation du génocide d’une partie de la population avait prévalu dans la décision des Etats Unis et de leurs alliés. Il convient de noter qu’effectivement, des massacres à une très grande échelle avaient été perpétrés par les forces en présence. Les minorités albanaises et musulmanes furent les principales victimes, comme l’attestent les horreurs mises en évidence plus tard avec la découverte des fosses communes contenant des centaines voire des milliers de cadavres amochés. Les archives qui commencent à être livrées au grand public, montrent d’ailleurs qu’il n’eut pas été possible de rester sans réaction devant ce qui se passait alors dans la région au cœur la région et qui venait rappeler trop vivement que l’Europe centrale demeurait ce qu’elle avait toujours été dans la longue histoire de ce continent, une aire d’instabilité, de conflits chroniques et de confrontation des nationalismes.

Plus loin en arrière, nous pouvons évoquer le cas du génocide arménien qui, au-delà de quelques émotions de circonstance, ne semble pas encore être réellement pris en considération dans les relations intra-européennes. Si le parlement français a eu le courage de reconnaître ce génocide par un vote historique sous la présidence de Sarkozy, la plupart des partenaires européens traînent les pieds ou font semblant d’ignorer les appels pressants de la société civile et des activistes arméniens. La Turquie qui frappe aux portes de l’Union et qui est par ailleurs membre de l’Otan continue de s’opposer à toute démarche de reconnaissance. Nous pouvons revenir également sur l’idéologie nazi qui privilégiait la race arienne avec l’ultime conséquence de la marginalisation voire de stigmatisation des autres races. Dans cette trajectoire des ravages du nazisme, le génocide imposé aux Juifs aura été un des faits les plus pénibles mais aussi les plus explosifs en termes d’implications à long terme. Les chiffres les plus optimistes font état de plus de six millions de personnes déportées et massacrées sur l’étendue du territoire européen simplement parce qu’elles étaient juives. Hélas, en résolvant la question de la création d’un foyer territorial et étatique pour le peuple juif, les Nations Unies, paralysée ou désorientée par l’extrémisme panarabe, notamment de Nasser qui parlait de jeter les Juifs à la mer en lieu et place de création de deux Etats palestinien et israélien vivant côte à côte dans la paix, ont crée de toute pièce un problème de refugiés palestiniens devenu un inextricable casse-tête dans les relations internationales depuis 1948.

En Asie, la question du Tibet n’a pas fini d’envenimer au propre comme au figuré, les relations diplomatiques de Pékin avec le reste du monde, particulièrement avec les Etats –Unis. Et quand on se reporte à l’Afrique, on entre dans le cycle infernal des génocides et des menaces de génocides instrumentalisés explicitement ou implicitement par la colonisation, ou induits par les conséquences collatérales de l’impérialisme.

Longtemps même avant le génocide rwandais qui a choqué le monde et marqué d’une croix de fer l’image du continent africain, n’y a-t-il pas eu les massacres perpétrés au Cameroun en pays bassa et en pays bamiléké par les forces coloniales. Des recherches sont toujours en cours pour établir de façon incontestable, qu’un véritable génocide serait intervenu dans la région de l’ouest du Cameroun entre 1955 et 1965, période durant laquelle un corps expéditionnaire français composé majoritairement de troupes fraîchement arrivées d’Indochine, a rasé au napalm plus de deux cent villages dans cette région en exterminant animaux et êtres humains dans le déploiement de la stratégie de répression aveugle pour éradiquer les nationalistes de l’Upc, mouvement indépendantiste dirigé par les Ruben Um Nyobè, Ernest Ouanjié, Felix Roland Moumié, Abel Kinguè et autres.

S’agissant du génocide rwandais, les historiens commencent seulement le long travail de vérité sur les responsabilités, pendant que le tribunal pénal spécial des nations unies crée pour juger les dirigeants Hutu, s’est jusqu’ici cantonné à des procès et des condamnations de principe sans enseignements déterminant pour les générations futures.  La somme des expériences malheureuses que renvoie dans l’actualité des conflits internationaux les questions identitaires, pousse à se demander comment est-il possible de concilier finalement, l’exigence de construction et de gestion des Etats modernes, avec les diversités anthropologiques et culturelles qui caractérisent de façon générale, les habitants de la planète.

Y- a-t-il un lien incontournable entre l’effectivité, la solidité, la stabilité et le rayonnement de l’Etat moderne, avec la gestion et la maîtrise de la diversité culturelle ? A partir de quels critères spéciaux ou de quels paramètres politiques et géographiques, devrions-nous considérer que les spécificités ethno culturelles de toute nature, constituent des germes éventuels de conflits et par conséquent menacent la paix et la sécurité internationales ? Au lendemain des attentats du 11septembre 2001 avaient amené les dirigeants américains, a introduire l’idée de fracture entre les peuples sur la base de prétendus assertions de civilisations et de non civilisations, décrétant sans précaution ni arguments convaincants une guerre entre les civilisés qui seraient les occidentaux et les autres.
A l’époque, l’émotion du deuil et la nécessaire politesse face aux morts, aux familles apeurées et aux institutions fragilisées, avaien t maintenu les esprits dans une espèce d’abstention de critiques. Les termes utilisés par le président américain dans sa première réaction où il avait énoncé cette thèse étaient odieux, mais du nord au sud et de l’ouest à l’est de la planète, on avait juste pris note, en se mettant néanmoins en ordre de bataille pour les jours pas trop loin, où il deviendrait possible de parler, de redire la vérité à l’arrogante puissance américaine. Bien évidemment, il ne fallu pas attendre longtemps ou trop longtemps, avant que l’intervention solitaire et brutale en Irak contre la volonté de l’Onu et appuyée sur un tissu de mensonges mettant en avant « des armes de destruction massive » jamais prouvées ni trouvées, ajoutée aux traitements inhumains des prisonniers à Guantanamo de même que les graves dérapages de leurs soldats sur le terrain, ne viennent montrer aux yeux du monde, la vacuité de cette présentation jugée injurieuse des autres peuples.

L’expérience historique apporte ainsi, une succession de faits, d’actes et d’événements qui concourent à clarifier la nature des régimes, les stratégies des Etats, les appréhensions des nations, autant que leur tendance à se distinguer négativement ou positivement. Ce que Obama dénonce aujourd’hui comme contraire au droit international en Crimée dans la conduite de Moscou, n’est ni étrange ni unique ni exceptionnel et encore moins extraordinaire. Les Etats-Unis sont le pays qui, lors des deux dernières décennies, ont le plus violé le droit international, violé la souveraineté des nations, brisé la dignité des autres peuples, et conduit une politique étrangère d’occupation et d’intervention systématique. Guantanamo est une partie du territoire cubain confisqué par la force, et l’île de Diégo Gracia au beau milieu de l’océan pacifique, est un territoire habité transformé en base géante de l’armée américaine au mépris du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Pour ce qui est de Paris, le cas de l’Île de Mayotte, partie intégrante de l’Etat des Comores, demeure un cancer dans les relations avec l’Onu, l’Union africaine et le droit international. Sous le couvert d’un fallacieux référendum colonialiste et impérialiste, ce petit bout de terre a été confisqué au moment de l’indépendance de l’ensemble comorien, malgré des centaines des condamnations et des résolutions des institutions internationales.

L’adage selon lequel chacun devrait bien faire son bilan avant de juger de la santé des tiers, ou encore selon lequel devrait d’abord balayer devant sa porte n’a jamais été aussi vrai et validé que dans l’analyse globales des relations internationales. Les mémoires des différents dirigeants de la Cia ont mis en évidence, des crimes insoutenables commis au nom de la guerre secrète contre les révolutionnaires, les nationalistes traités de communistes et de bandits, qui n’envient finalement rien aux crimes insoutenables commis par les nébuleuses terroristes traités d’armées asymétriques.

A suivre
Shanda Tonme
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