Jamais système n’a méprisé la fonction ministérielle jusqu'à ce point de déshonneur. Entre prison, scandales et humiliations, entre ‘feuilles de route’, déshabillage public et désaveu judiciaire, d’Henri Eyebe Ayissi à Ama Tutu Muna en passant par Amadou Ali, Bapes Bapes et Issa Tchiroma, incapables de démissionner, englués dans des affaires parfois scabreuses, les membres du gouvernement, ballotés entre le ridicule et l’opprobre, ont perdu leur crédibilité et le sens de l’honneur, se comportant comme s’il n’y a pas une vie après le gouvernement, sauf en prison, ils s'accrochent aux strapontins comme autant de bouées de sauvetage.
Arrêt sur image : Kolofata, jour de Ramadan. Les assaillants qui ont kidnappé l’épouse du vice-Premier ministre l’ont raté de peu. Averti par on ne sait quelle prescience, il est resté à Maroua la veille de l’attaque mortelle. Impuissant aux appels à l’aide désespérés des membres de sa famille puis du lamido-maire de Kolofata. On sait à présent qu’une partie de ses proches qui imploraient son intervention ont été sauvagement égorgés ou brûlés vifs par les assaillants, les autres ont été tout simplement kidnappés. Sa maison incendiée. Aucune autorité administrative ou militaire n’a pu lui venir en aide.
Compatissant, le chef de l’Etat a froidement présenté ses « condoléances à ceux qui ont perdu un membre de leur famille. J'ai déjà dit aux autorités administratives d'exprimer ces condoléances». Rien de particulier en direction de son vice-premier ministre dont le nom n’a même pas été prononcé. «Amadou Ali, un homme à qui il a toujours renouvelé sa confiance depuis 32 ans qu'il est au pouvoir » écrit Repères qui relance ; «S'il a bien évoqué le sujet au cours du conseil de cabinet tenu jeudi 31 juillet, le gouvernement s'est bien gardé de brûler la politesse au président en adressant solennellement les condoléances à son doyen ». Pour le journal, « on dirait qu'une ligne a été prescrite à tout le gouvernement pour passer sous silence le malheur de l'ancien secrétaire général de la présidence de la République ». Pour l’heure, muré dans le silence de la douleur, Amadou Ali est toujours au gouvernement...
Autres temps autres lieux, Henri Eyebe Ayissi a fait la une des journaux la semaine dernière pour une sombre affaire de plagiat. ‘Son’ ouvrage «La protection de la fortune publique» a été publiée le 8 août 2014. Problème : Eric Samuel Koua, étudiant à l’École nationale d’administration et de magistrature estime qu’il est l’auteur de ce livre dédicacé par le ministre délégué en charge du Contrôle supérieur de l’État. Ce qui fait deux ouvrages portant le même titre mais issus de deux auteurs différents.
Le responsable des ‘éditions Magolo-Makele’ déclare que sa maison d’édition a été approché par l’auditeur de justice finissant à l’Enam le 12 février 2014, pour l’édition de son livre intitulée «La protection de la fortune publique au Cameroun». Il ajoute que le 16 avril, Eric Samuel Koua avait sollicité le ministre Eyebe Ayissi pour qu’il soit le préfacier de son livre. Vol de manuscrit ou plagiat ? Henri Eyebe Ayissi du Contrôle supérieur de l’État, n’a pas encore lâché un seul mot, tandis que La Commission indépendante contre la corruption et la discrimination souhaite que la vérité soit établie sur les graves accusations de plagiat portées contre un ‘membre du gouvernement directement rattaché à la présidence de la République’.
Selon Le Messager 29 juillet dernier, la Chambre administrative de la Cour suprême du Cameroun, au terme de l’audience du mercredi 23 juillet 2014, a jugé l’appel formulé par le ministère des Arts et de la culture recevable en la forme et injustifié dans le fond. Ainsi donc, la Cmc est la seule société musicale de droit d'auteur au Cameroun. «Avec le jugement du mercredi 23 juillet 2014, la Chambre administrative de la Cour suprême a définitivement annulé tous les communiqués de la ministre des Arts et de la culture pris dans le sillage du vrai faux retrait d’agrément de la Cmc le 12 mai 2008». Dans le cadre de l’affaire qui l’oppose au ministère des Arts et de la culture, en 2008 Ama Tutu Muna avait décidé d’éjecter, en vain, Sam Mbendè du poste de président du conseil d’administration de la Cmc, en l’accusant de malversations financières et en le faisant garder à vue après une assemblée générale élective de la société de gestion du droit d’auteurs. Malgré une dizaine d’ordonnances de la Cour suprême favorables à la Cmc, Ama Tutu s’est toujours entêtée, au mépris des décisions de justice. «Va-t-elle enfin se plier à l’immanence de la Justice ou va-t-elle continuer à se livrer à son sport favori qui consiste à défier le pouvoir judiciaire » ? Au juste avec toutes ces déconvenues judicaires, pourquoi ne rend-elle pas son tablier? Lapidaire, Jean-Pierre Essomè conclut : «La ministre Ama Tutu Muna a montré son incompétence, alors je pense que le chef de l’Etat doit prendre ses responsabilités en la faisant partir de là et mettre quelqu’un de capable».
«L'humiliation permet à quelqu'un de découvrir l'humilité, et c'est elle - l'humilité- qui conduit vers la grandeur. Plus on est grand, plus on devrait être humble. Cela devrait être la règle. Le monde se porterait mieux », dixit Issa Tchiroma. Cette humilité revendiquée n’a pourtant pas joué lorsque le scandale du crash du Boeing 737 a éclaté. Dans une de ses célèbres lettres de prison, Marafa accuse Issa Tchiroma, actuel ministre de la Communication de s’être ‘sucré’ sur le dos des morts du crash tragique du B. 737 baptisé «Le Nyong» qui entraîna la mort de pas moins de 71 personnes à Douala-Youpwè, début décembre 1995. Mais que vient faire dans cette affaire celui qui s’autoproclamera plus tard «porte-parole du gouvernement»? Lorsqu’Issa Tchiroma Bakary est nommé ministre des Transports par Paul Biya, le 27 novembre 1992, ce dernier entreprend de retirer le contrat de maintenance des aéronefs de la compagnie aérienne nationale Cameroon Airlines (Camair) à Air France au profit de la compagnie sud-africaine South-African Airways (Saa). Mais la transaction selon Marafa Hamidou Yaya n’a guère de motivation de patriotisme. Le ministre Issa Tchiroma a été nommément cité par Marafa Hamidou Yaya comme l’un des "détourneurs " de l’indemnisation des victimes du Boeing 767-200 de la Camair qui s’est crashé le 3 décembre 1995, provoquant la mort de 71 personnes. Cette révélation de l’ex-Sgpr/Minadt a occasionné un émoi profond au sein de l’opinion et de la classe politique, où certains ont exigé la démission d’Issa Tchiroma pour se mettre à la disposition de la justice. Mais monsieur le ministre bottera en touche, accusant inexplicablement Marafa de comploter contre la paix. «Je voudrais dire à ceux-là qui sont tapis dans l'ombre, particulièrement le ministre Marafa que dans notre pays, la paix n'est pas une option, la paix n'est pas circonstancielle, la paix est une culture ». Et la démission une exception…au Cameroun.
C’est pourquoi l’on a vu le ministre Bapès Bapès passer vingt-quatre heures en prison, revenir le lendemain au devant de la scène, reprenant son travail comme si de rien n'était, costume 3 pièces et gendarme attaché a sa sécurité, malgré ses 10 kilos en moins, pour prononcer un discours officiel devant une jeunesse éberluée. Un ministre en prison ? Le cas est courant, avec une petite nuance : il est d’abord débarqué de son poste et conduit dans une cellule. Pour Bapès-Bapès, jeté derrière les barreaux avec son manteau de ministre, il a été libéré avec le même manteau. Couac judiciaire et revirement politique ? L'image est désormais gravée dans les rétines. «Celle d'un homme malingre au visage buriné et aux cheveux grisonnants, effectuant les formalités de levée d'écrou de la prison Kondengui». Devait-il démissionner pour protester contre ce crime de lèse-majesté ? A-t-il les ressorts intellectuels nécessaires pour rendre son tablier ? Absence de courage ?
L’autre cas pathétique est celui de Fernand Adoum Garoua, ministre des Sport et de l’Education physique échaudé par une foireuse coupe du monde pour le Cameroun en juin et juillet dernier. Devant les députés de la nation, le ministre aculé et humilié est encore là, attendant peut-être un hypothétique remaniement ministériel par lequel le président de la République doit balayer ses écuries faute de voir ses brebis galeuses sortir d’elles-mêmes.
Les ministres camerounais ont perdu de leur superbe, à vouloir s’accrocher aux postes vidés de toutes substances. Avec eux le code d’honneur a perdu tout son sens.
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