Face au durcissement des mesures de lutte contre la corruption, les postes de pesage routier donnent l’impression de fonctionner à la perfection. Pourtant des pots de vin réussissent toujours à passer à travers les mailles.
La corruption des agents du pesage routier a encore de beaux jours. Station de pesage de Dibamba au quartier Yassa à la sortie Est de Douala : un camion s’avance, son convoyeur descend et passe le dossier du véhicule par la fenêtre d’un bureau à un agent assis derrière un ordinateur. Pendant ce temps, le chauffeur positionne le véhicule sur le dispositif de la pesée. Des chiffres défilent sur l’ordinateur et sur un afficheur bien visible à l’extérieur du bureau. A la fin de la manœuvre, le convoyeur récupère le dossier du véhicule et le résultat de l’opération imprimé, puis se retire sans rien payer. Traduction : le chargement est conforme. Le scénario se répète à l’identique pour des dizaines de camions qui vont se succéder sur le pont bascule.
Petits secrets des corrupteurs
Voilà pour la face visible du pesage routier au Cameroun. L’autre face nous est racontée, sous anonymat, par des transporteurs routiers eux-mêmes. « Si vous débouchez comme ça au poste de pesage étant en dépassement de charge, vous allez payer les amendes et délester, rien à faire », atteste un responsable d’une entreprise de transport. Pour éviter une telle situation, chacun a son petit secret. Mais dans la plupart de cas, tout se joue en amont. « Notre entreprise a de bons rapports avec les gens du pesage, confie notre interlocuteur. Quand nous avons un camion en surcharge, on appelle d’abord pour leur expliquer la situation, et leur donner le numéro matricule du camion qui arrive. Ils nous fixent le montant de leur bakchich, et on paye. Et comme ça, le camion passe sans problème». Pour ce propriétaire d’un camion de transport, « Je n’accepte les dépassements de charge que si le client a très bien payé car cela revient cher. En cas de dépassement de poids, le camion se gare bien loin avant la station de pesage, et on vient d’abord négocier et remettre leur enveloppe. Ainsi, le camion qui arrive après passe sans être pesé ».
20 000 F cfa de bakchich
Des fois, des transporteurs en transit vers les pays voisins passent des journées entières à discuter du montant du pot de vin à verser. C’est le cas de ce chauffeur de nationalité nigérienne, en dépassement de poids de 3 tonnes. Normalement, il doit payer une amende de 75 000 F cfa et se délester de cette surcharge, pour continuer la route. «Mon conteneur est scellé, donc je dois proposer de l’argent pour qu’ils ferment les yeux,
confesse le conducteur. A mon arrivée jeudi soir, le chef a refusé les 10 000 F que j’ai proposés. Ils ont pris finalement 20 000 F ce samedi matin, pour me laisser continuer la route ».
Les transporteurs en infraction doivent payer des amendes qui vont de 25 000 F cfa par tonne pour les excédents inférieurs à 5 tonnes, à 75 000 F cfa par tonne au-delà de 10 tonnes de dépassement. Ils doivent ensuite se séparer de leur trop plein avant de reprendre la route. Seulement, aucune station de pesage ne dispose d’un magasin de stockage. Ensuite, dans le cas des marchandises en transit, le délestage doit se faire en présence d’un agent de la douane dont le déplacement est payé par le transporteur. Toutes ces difficultés ouvrent la voie à des manœuvres de corruption. Même le délestage effectué, très souvent, ne dure que le temps du franchissement du poste de pesage, puis les colis délestés et transportés par des tiers sont rechargés. Dans tous les cas, résume le Nigérien, «Le délestage de la cargaison n’est pas nécessaire. Avec l’argent, on règle tout ici ».
Respect de la loi
Des affirmations que rejette en bloc Natanaël Belebenie, chef de la station de pesage de Dibamba. Pour lui, « Les transporteurs sont de plus en plus sensibilisés et face à la rudesse de la sanction, ils font des efforts pour respecter le poids indiqué». Il explique que « Le nombre de sanctions a abondamment baissé depuis quelques temps, surtout avec l’implémentation des initiatives à résultats rapides (IRR) par la Conac». Natanaël Belebenie soutient également que le code éthique et déontologique est désormais respecté par le personnel, tandis que les transporteurs se sont engagés à respecter la réglementation. Comme preuve de ce respect, il brandit la baisse des recettes de son poste : « Les recettes chutent considérablement au fil des mois. A la station de pesage de Dibamba, on est ainsi passé d’environ 70 millions de Francs en début d’année à moins de 30 millions de Francs à la fin du mois d’août ». Sauf que ces chiffres en baissent peuvent également signifier que les camions en dépassement de charge passent de plus en plus à travers les mailles du pesage.
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