Après avoir peint le Cameroun sous de sombres couleurs dans un ouvrage paru en 2011, la journaliste française fait désormais planer le spectre d’une rébellion armée au Grand nord.
A travers une dépêche du 26 août 2014, le site d’informations Médiapart publie des informations collectées par l’ex-correspondante de Libération au Cameroun. L’article intitulé «Cameroun: Paul Biya, après plus de trente ans de règne, est confronté à une rébellion » revient sur les différents raids perpétrés par la secte islamiste nigériane au Cameroun. La journaliste soutient que « Les violences armées et attaques qui se développent dans le Nord du pays sont systématiquement attribuées par le pouvoir camerounais aux islamistes de Boko Haram.
Mais tout indique qu'il s'agit d'une rébellion. D'anciens ministres et ex-dignitaires du régime tenteraient d'en finir avec Paul Biya, plus de 81 ans et trente-deux années de règne». Mediapart estime que la rébellion sous-traite à Boko Haram la garde des otages, l’entraînement des recrues et la fourniture en équipements. «Le camp de Bushra compte un commando de trente-cinq Camerounais, ce sont eux qui gardent les dix Chinois enlevés à Waza», affirme le site français. Et d’ajouter : «Quant aux initiateurs et financiers de ce mouvement, ils seraient à chercher du côté des politiciens originaires du nord et membres du parti au pouvoir. Leur objectif serait de déstabiliser Biya, voire de le renverser». L’un d’entre eux, confie l’article de Fanny Pigeaud, est Marafa Hamidou Yaya.
Complot. Derrière ces «révélations douteuses» de Médiapart, il y a comme une volonté manifeste de créer l’instabilité au Cameroun et jeter l’opprobre sur certaines personnes. Fanny Pigeaud, involontairement ou à dessein, présente les attaques Boko Haram comme une sorte rébellion des Nordistes, entretenue et financée par les élites du Grand nord, et plus particulièrement l’ancien secrétaire général de la présidence. Traduction : tout prend les allures d’une insurrection des Nordistes pour déloger du pouvoir, Paul Biya le Sudiste. Suffisant pour créer la zizanie et le trouble au sein de l’opinion camerounaise. Car, confie-t-on, cette insinuation est de nature à mettre le feu aux poudres entre les fils du Nord et ceux du Sud Cameroun. Déjà, l’on assiste à une sorte stigmatisation, avec l’apparition au vitriol des «listes des pro Marafa» ou encore des «Marafistes».
Certains font l’objet d’une chasse aux sorcières. Pire, en fin de semaine dernière, plusieurs élites du septentrion se seraient réunies dans un domicile privé, pour une riposte face à ce qu’il convient désormais d’appeler « la rébellion du Nord », apprend-on. Selon nos sources, les participants à ce conclave sont unanimes sur un fait : l’article de Fanny Pigeaud est un ramassis de fausses accusations dont l’objectif est de coller une mauvaise étiquette aux barrons du Septentrion. Certains de ces barons réunis le week-end dernier, indique-t-on, croient savoir qu’il s’agit d’une manipulation savamment orchestrée par certains apparatchiks dans le but de les écarter de la course à la succession à la tête de l’Etat. Selon les informations parvenues à La Météo, s’agissant de l’attitude à adopter, les avis sont partagés au sein du « Groupe du Nord ». Pour certains, une riposte immédiate et aussi violente que l’accusation est obligatoire, alors que pour d’autres, il faut attendre l’arbitrage du chef de l’Etat.
Stigmates. Il est à noter que tous les ressortissants du septentrion ne sont pas des membres de Boko Haram. La secte islamiste recrute essentiellement au sein d’une jeunesse désœuvrée et sans véritables repères. Avec une moto et quelques billets de francs Cfa, ces jeunes sont enrôlés, généralement à l’insu des membres de leur famille. Il est vrai que la nébuleuse peut bénéficier de nombreux soutiens locaux parmi les chefs religieux et traditionnels, et même au sein d’une certaine élite véreuse, mais, il est de mauvais aloi d’assimiler l’insécurité qui a cours au Grand nord à une insurrection. D’ailleurs, ce sont les populations de cette partie du territoire national qui paient le plus lourd tribut des actes terroristes de Boko Haram, avec des pertes en vie humaines, des biens arrachés et des familles déplacées.
Au-delà de nombreux clivages qui la divisent habituellement, l’ensemble de la classe politique, opposition et majorité présidentielle, parle aujourd’hui d’une seule voix. Pour elle, il s’agit d’un combat national contre un ennemi commun et non d’une rébellion. Plusieurs leaders, après enquêtes et descentes sur le terrain, sont montés au créneau cette semaine et ont fait des déclarations pour appeler les Camerounais à se mobiliser derrière le président de la République dans la lutte contre Boko Haram, comme ils l’ont fait lors du conflit frontalier de Bakassi. L’on comprend donc mal l’attitude de la journaliste française. Elle n’est pas à sa première tentative de ternir l’image du Cameroun. En 2011, elle publiait un livre : « Au Cameroun de Paul Biya ».
Récidiviste
Récidiviste
«Au Cameroun de Paul Biya » (éditions Khartala, août 2011), est un livre à charge contre le chef de l’Etat. Son auteure, Fanny Pigeaud, ci-devant correspondante au Cameroun de l’Agence France presse (Afp) et du quotidien français Libération, analyse le fonctionnement du régime en place et les ressorts de sa durée. À ses yeux, le président de la République qui pourtant représentait l’espoir du changement lorsqu’il accède à la magistrature suprême en 1982, s’est mué au fil du temps en manipulateur immobile qui divise les élites et exacerbe les sentiments ethniques : un président crispé sur son pouvoir. Ce qui a abouti, pense-t-elle, à un système largement improductif et paradoxal où les populations sont soumises à la toute-puissance de leurs dirigeants qui font tout pour se maintenir au pouvoir sans pour autant gouverner.
Elle pointe aussi du doigt le défaitisme ambiant et une opposition dont les leaders « n’ont jamais pu incarner une alternative ». Bref, selon celle qui officie désormais dans le site Internet médiapart, le pays de Paul Biya est dans un état de décrépitude indicible. Elle confie à cet effet : «Le Cameroun est bien un pays où le patron de la police peut faire emprisonner des innocents pour couvrir les coupables d’un meurtre […] où l’on peut louer, pour une somme dérisoire, l’arme d’un policier ; où l’on met deux jours à retrouver la carcasse d’un Boeing 737-800 qui s’est écrasé, avec ses 114 occupants, trente secondes après son décollage ; où moins de trois mois avant une élection présidentielle, personne ne sait à quelle date le scrutin aura lieu et aucune des deux grandes formations politiques n’a de candidat déclaré… » S’agissant des médias, la journaliste soutient : « Le Cameroun offre aujourd’hui un paysage médiatique de désolation, où vivotent des médias qui n’ont pas franchi le seuil du professionnalisme. »
Pour qui roule-t-elle ?
Pour qui roule-t-elle ?
Seulement, à la lecture des premières pages du livre « Au Cameroun de Paul Biya », l’auteure dévoile ses fréquentations qu’elle utilise abondamment comme sources. Il apparait clairement que Fanny Pigeaud s’est campée dans certains cercles frappés d’un « catastrophisme » dont elle épouse systématiquement le point de vue. Pour sa production épistolaire, de nombreux observateurs trouvent qu’elle s’est essentiellement abreuvée des faits non avérés, savamment puisés dans les rumeurs des « tourne dos » qui entourent les ministères, dans les snacks et « pimenteries » à la mode. Tous les témoins cités dans l’ouvrage sont des opposants sans véritables assises sur le champ politique mais, à la langue acerbe. Prisonnières de ses personnes ressources et de ses lectures, pour un véritable travail de recherche, Fanny Pigeaud n’est pas allée sur le terrain, ce qui est surprenant pour une journaliste.
A l’observation, elle ne s’est pas rendue, comme il est recommandé, dans l’arrière-pays pour voir comment les populations vivent et encore moins ce que celles-ci pensent du pouvoir en place. Pire, constate-t-on à la lecture du bouquet, elle n’a interrogé aucun des référents incontournables de la scène politique nationale. Au contraire, pense-t-on, elle brille par des déclarations tonitruantes dénuées de sens. Morceaux choisis : «Le pouvoir de Biya asphyxie l’opposition, puis l’appâte pour la faire revenir à la mangeoire (page 78)… Le Rdpc, par le biais de l’École normale d’administration, formate l’esprit de générations d’étudiants (page 72)… » Pour masquer son imposture, elle utilise parfois le conditionnel : « Les ministres achèteraient leurs charges à coup de milliards (page 96) ». Plus grave, regrette-t-on, elle sonne les clairons de la division. En réalité, l’ancienne correspondante de l’Afp à Yaoundé reprend en boucle, les fantasmes de certains fauteurs de troubles : « Complot Bamiléké… Pays organisateurs ».
D’où le sentiment selon lequel sa récente publication à Médiapart va dans le même sens de la déstabilisation, susceptible d’engager tout un peuple. Heureusement, le gouvernement français vient de la prendre à contre-pied. Dans un communiqué de presse rendu public mardi, l’ambassade de France au Cameroun indique : « A la suite de certaines informations de presse (Médiapart, ndlr) dénuées de tout fondement, l’ambassade de France à Yaoundé souhaite rappeler la position française constante relative à Boko Haram. La France condamne avec la plus grande fermeté les attaques perpétrées par le mouvement terroriste Boko Haram dans le nord du Cameroun, à proximité de la frontière nigériane. » Et de poursuivre : « La France réitère aux autorités camerounaises sa solidarité dans la lutte contre le terrorisme... Elle souhaite rendre hommage aux soldats camerounais tombés dans les combats contre Boko Haram, et s’associe au deuil des familles des victimes civiles et militaires du terrorisme».
Et de chuter : « La France est engagée aux côtés du Cameroun, du Nigéria, du Niger et du Tchad dans la lutte contre la menace que représente la secte Boko Haram pour la paix et la sécurité en Afrique. L’engagement de la France a pour objectif de soutenir les efforts des Etats concernés pour rétablir la sécurité et assurer les conditions du développement durable des zones affectées, au bénéfice des populations.» En somme, concluent de nombreux analystes pointilleux, il ne s’agit point d’une tentative d’atteinte à la haute sécurité de l’Etat, mais d’une simple question de sécurité dont le chef de l’Etat est déterminé à résoudre. Pour qui roule à la fin Fanny Pigeaud ? Et pour quels objectifs ? Seul l’avenir nous le dira.
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