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Les universitaires camerounais sous la dictature du Renouveau

Les professeurs d’enseignement supérieur peuvent et doivent activement participer à la lutte contre les systèmes oppressifs. Pour s’engager, il faut au préalable se libérer de l’égoïsme et s’armer de courage. Il apparaît que les universitaires du Cameroun sont présomptueux, pusillanimes, obséquieux, peu productifs et égoïstes. Quelques-uns d’entre eux se prennent pour des opposants au régime du Renouveau alors qu’ils ne font qu’un semblant de critique. Je les appelle les mouches du coche, car ils s’agitent beaucoup sans aller au fond des choses.
Au Cameroun, les universitaires sont des véritables séides du monarque Biya. Ils passent le clair de leur temps à formuler des motions de soutien pour lui. De ces louanges, ils attendent une promotion, le maintien aux postes qu’ils occupent ou quelque autre avantage, d’autant plus que l’écrasante majorité sont des membres actifs du parti au pouvoir. À la tête du ministère de l’enseignement supérieur trône un homme qui possède à la perfection les caractéristiques d’un thuriféraire : Jacques Fame Ndongo. Il ne se limite pas à rédiger des motions de soutien à son idole, non, il publie des livres dans lesquels il se répand en louanges sur lui. Déjà en 1983, il publia avec d’autres chantres du régime l’essai biographique « Paul Biya ou l’incarnation de la rigueur » et « Le Renouveau camerounais : certitudes et défis ». C’est un écrivain, journaliste et scientifique au service de la dictature. Les discours de Biya sont de sa plume.

Dans le classement annuel des 100 meilleures universités et collèges à l’échelle continentale ne figure aucun de ceux qu’on trouve dans notre pays.
Les universitaires du Cameroun ne sont pas soucieux d’offrir un enseignement de qualité et d’avoir des publications scientifiques de haut niveau. L’opinion trop favorable qu’ils ont d’eux-mêmes vient plutôt de la bienveillance du satrape envers eux. Aussi cruel que puisse être un despote, il ne supplicie pas les sujets qui le portent au pinacle.
Ils feignent d’ignorer que Biya fut l’un des acteurs du génocide des Bamiléké du temps où il était chargé de mission et secrétaire général à la Présidence, sous Ahmadou Ahidjo, un autre tyran sanguinaire. Bien que ce dernier ait disparu depuis longtemps, les enseignants camerounais ont peur de lui. Les historiens de nos universités occultent le passé sombre de Biya. Ils font quelques anecdotes au sujet d’Ahidjo. Quelques valets du néocolonialisme font le négationnisme sans vergogne, insultant ainsi la mémoire des centaines de milliers de patriotes morts. Ils croient être de grands historiens ! C’est illusoire d’attendre des chercheurs des universités camerounaises qu’ils disent la vérité sur ce qui s’est passé en pays Bamiléké et dans le Mungo entre 1959 et 1971. Il en est de même pour l’explosion du lac Monoun en août 1984 et de celui de Nyos deux ans plus tard. Cet incident et cette catastrophe n’auraient peut-être pas eu lieu si la tentative de putsch d’avril 1984 avait réussi, puisqu’on ne sait pas si celui qui aurait pris le pouvoir aurait aussi autorisé des étrangers à faire le test d’une arme de destruction massive dans notre pays. Les milliers de morts de ces explosions, les centaines de morts du putsch manqué sont aussi bien à mettre sur le compte du terroriste Biya que les compatriotes abattus lors des émeutes du début des années 1990 et de février 2010.
Il faut être sadique pour s’obstiner à vouer un culte à un homme qui a commis tant de crimes et qui a enfoncé la majorité de la population dans la misère. En le soutenant, en plaçant leurs intérêts personnels au-dessus de ceux du plus grand nombre, les universitaires du Cameroun se rendent coupables de trahison. Dans leurs textes dithyrambiques, ils renouvellent leur attachement indéfectible au Président de la République parce qu’il a, prétendent-ils, effectué des grandes réalisations, apporté la prospérité, doté le pays d’une démocratie avancée, etc. Vraiment, ces intellectuels sont de mauvaise foi. Déjà dans les universités et les institutions relevant du ministère de la recherche scientifique et de l’innovation, l’on constate que les équipements des laboratoires sont insuffisants ou dépassés, que les bibliothèques manquent des nouveautés et des catalogues fiables. Si les conditions de travail étaient optimales, le pays attirerait des chercheurs de toutes les nations.  Sous Biya, cela reste un vœu pieux. Vu qu’ils ne sont pas compétitifs, les Camerounais et les autres Noirs africains qui vivent sous la dictature se contentent de publier des articles dans des revues qu’ils ont créées. On y trouve rarement des contributions des chercheurs des nations industrialisées. Malgré tout, nos frères et sœurs se croient grands. Il est nécessaire de faire la réprimande à ces intellectuels qui flagornent les dictateurs, de les mettre face à eux-mêmes.
En début octobre 2013, j’eus une discussion avec deux professeurs camerounais, à savoir Esaïe Djomo qui est le chef du département des langues étrangères appliquées de l’Université de Dschang, et un mathématicien de l’Université des Montagnes dont le nom m’échappe. De toute façon, il n’a pas de nom, Djomo non plus d’ailleurs. Probablement, j’aurais vite oublié le nom de ce dernier s’il n’avait pas été l’un de mes enseignants à l’Université de Yaoundé I au début des années 1990.
Avant de relater la discussion, j’aimerais faire mention d’une autre rencontre qui eut lieu en octobre 2003 au Goethe-Institut, à Yaoundé. C’était une sorte de colloque de l’École de Hanovre. Le professeur David Simo (chef du département d’études germaniques de l’Université de Yaoundé I) m’y avait invité. Djomo arriva donc de Dschang. Comme il apprit que j’étais un docteur frais émoulu, il fut agréablement surpris et me dit : « Bienvenue dans la cour des grands ! » En vérité, je pris ce vœu modestement, d’autant plus que je n’éprouvais aucun sentiment de grandeur. Je n’avais pas encore commencé à prendre position sur les problèmes sociopolitiques du Cameroun. J’étais revenu d’Allemagne quelques semaines auparavant. Le professeur allemand Leo Kreutzer qui présida le colloque s’assit sur un tabouret de bar, tandis que ses élèves prirent place sur des chaises ordinaires, en face de lui. Quant à moi, je choisis une place au fond de la salle pour mieux vivre la scène de l’École de Hanovre dont je venais d’apprendre l’existence. Leo Kreutzer se révéla un véritable dictateur : il donnait des instructions à ses élèves africains qu’étaient Simo, Djomo, Donatien Mode (chef du département des langues étrangères à l’ENS de Yaoundé), Joseph Gomsu (professeur d’allemand à l’ENS de Yaoundé), Alioune Sow (Sénégalais, professeur d’allemand à l’Université de Yaoundé I décédé récemment), Serge Glitho (professeur d’allemand à l’Université de Lomé) et un deuxième Sénégalais dont je n’ai plus le nom en mémoire. Après avoir suivi les papiers que ses élèves lui présentèrent, le maître du temps leur annonça que le DAAD (un office universitaire allemand) cessera le mois suivant de soutenir un projet pour lequel ils recevaient de l’argent depuis quelques années. Surpris, ils se regardèrent et baissèrent la tête. Sur ces entrefaites, Leo Kreutzer remarqua qu’il y avait un intrus au fond ! Il me demanda qui j’étais. Je répondis que j’étais un observateur indépendant. Ses élèves sortirent en traînant les pieds, la tête toujours baissée. Je me rendis compte que des gens qui se considéraient comme des grands professeurs étaient en réalité vils. Voilà un exemple qui illustre parfaitement l’état d’esprit de nos universitaires.
Je reviens à la discussion que j’eus avec Djomo et son collègue de l’Université des Montagnes. Le premier travaille dans une institution publique, le second dans une privée. La discussion eut lieu dans une École polytechnique à Nkwen, Bamenda. Un soir, Djomo m’appela pour m’informer qu’il séjournait depuis quelque temps dans cette ville où je réside. Il émit le souhait qu’on se rencontre. Nous prîmes rendez-vous. Flanqué d’un ami qui est aussi un ancien étudiant de Djomo, je me rendis à Nkwen le lendemain matin. Après nous avoir présentés à son collègue, Djomo fit venir la restauratrice qui nous servit des pommes frites avec l’omelette. Comme boisson, nous prîmes un truc contenant du colorant, ce que les Camerounais appellent de façon erronée jus de fruit.
Après coup, je me suis dit que ce déjeuner aurait peut-être été mon dernier repas si j’avais quitté ma place un instant. Je fais allusion au docteur Félix-Roland Moumié dans le vin de qui l’agent secret français William Bechtel avait mis du thallium pendant qu’il était allé répondre à un appel qui n’en fut pas un. Il revint à la table tout troublé. C’était dans un restaurant genevois appelé « Au Plat d’Argent ». Le pseudo-journaliste avait en effet réussi à détourner l’attention de Jean-Martin Tchaptchet qui était pourtant assis à la même table. Sans se douter de rien, le Président de l’UPC but la coupe empoisonnée et mourut quelques semaines plus tard. Il fut éliminé alors qu’il était sur le point de retourner au Cameroun pour le libérer de la dictature.
La discussion dégénéra en dispute dès qu’elle fut amenée sur la politique. Nous nous invectivâmes  des heures durant. Djomo dit qu’il est un militant convaincu du RDPC, qu’il est un grand professeur et que Paul Biya est un grand président. Son collègue venu de Bangangté l’approuvait sur tous les points, ce qui lui donnait des ailes. Djomo passa sa colère sur Patrice Nganang (écrivain et enseignant camerounais résidant aux USA) et sur moi. Il nous reprocha d’être des détracteurs du régime du Renouveau et de salir l’image de marque du Cameroun. Pour exprimer sa pensée par une allégorie, il dit que nous crions sur tous les toits les noms des incendiaires quand la maison est en flammes. Je montrai à mes deux adversaires le premier jet d’un article dans lequel j’accuse Biya d’avoir nommé le chef Bali-Nyonga sénateur alors que ce dernier avait poussé ses sujets à piller et réduire en cendres le village Bawock Mfeu Ngafa en 2007. Je dois souligner que le terroriste Doh GaNyonga III a été enseignant à l’ENS de Yaoundé, annexe de Bambili.
Lorsque Djomo fit grief à Nganang d’avoir protesté contre une motion de soutien qu’il avait rédigée de concert avec le professeur Albert Gouaffo qui enseigne également l’allemand à l’Université de Dschang, je fis augmenter sa colère en disant que j’aurais donné le carton rouge aux signataires si j’avais été informé de cela. Le mathématicien de l’Université des Montagnes me qualifia de frimeur qui s’arroge le droit de faire la leçon aux gens, en réponse à quoi je dis avec emphase que l’écrivain engagé a le devoir de passer un savon au dictateur et à ceux qui chantent ses louanges. Djomo qui écumait de rage traita Nganang et moi de propres-à-rien et décida : « les intellectuels qui sont contre le Président Biya n’ont pas le droit d’enseigner dans les universités d’État du Cameroun. » Je ne fus pas surpris quand ma demande de recrutement comme vacataire dans le département qu’il coiffe ne fut pas retenue. Bien qu’il n’eût pas la possibilité de sanctionner directement Nganang, le fait de m’avoir fait encaisser aussi les coups qu’il lui avait gardés lui donna satisfaction.
Il y a encore peu de temps, la mouche du coche Mathias Eric Owona Nguini (politologue enseignant entre autres à l’Université de Yaoundé II) a recommandé à Nganang de retourner enseigner au Cameroun, ce que je trouve absurde. Si Owona Nguini était efficace comme il le prétend, on l’aurait déjà dégommé. C’est ce qui m’est arrivé. Depuis lors, je suis écrivain indépendant.  J’ai dénoncé cette injustice dans un long article paru sous le titre « Comment j’ai été éjecté de l’Université de Yaoundé I en avril 2009 ».
Pour terminer, je lance un appel pressant au politologue Owona Nguini et aux autres universitaires du Cameroun : rassemblez tout votre courage et prenez part à la lutte contre la dictature ! Si vous ne le faites pas, vous serez toujours des gens vils.

Hilaire Mbakop, Écrivain.
 Contact :
www.facebook.com/hilaire.mbakop
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