Ma parole est à qui me la demande, pas seulement pour le défendre, mais aussi pour lui donner mon point de vue, pour instruire à charge ou à décharge. Alors que son arrestation est déjà la preuve de sa culpabilité et que la clameur publique semble le vouer aux gémonies, peuples du Cameroun, peuples prompts à juger, à décider de ce qui est vérité, de ce qui est mensonges, de ce qui est manipulations, c’est à vous que je souhaite m’adresser afin qu’ensemble nous puissions laisser le temps de la justice poursuivre sa longue et ô combien fastidieuse course vers l’infini de notre commun pays.
Je suis contre tous, mieux tous sont contre moi, voilà pourquoi, justement, je prends la parole. Je refuse cette atmosphère de mise à mort, cette odeur de brûlé ; quand le peuple demande de voir le gouvernement à son service, on ne devrait pas lui servir du sang et de la chair humaine, car il y a longtemps que nous avons cessé d’être cannibales.
Qu’a-t-il donc fait celui que tout le monde pousse par la nuque pour le conduire à l’échafaud affublé de tous les noms, « serpentologue », « saint fils de Marie » ou simplement « professeur de stylistique » à l’université de Yaoundé et ayant formé de nombreuses générations de Camerounais ? Qu’a-t-il donc fait celui dont l’honneur est jeté en pâture à une opinion publique qui tenaillée par la faim et la soif frappe si fort devant la porte de la mort pour livrer un des siens ? Cette opinion publique là n’est pas celle des hommes, elle n’est pas humaine elle, est une prostituée qui tire sur la corde de la pendaison, et nous nous devons de la stopper, car si elle prend le dessus c’est la justice qui meurt. L’opinion publique n’est pas là pour se faire justice, elle est là pour protéger la veuve et l’orphelin pour veiller au respect de la loi, elle interpelle, attire la vigilance ; son rôle n’est pas de semer la terreur parmi ses semblables. Elle se doit d’être debout partout où l’homme souffre, car dans cette souffrance c’est une partie de l’humanité qui se meurt. Le Professeur Gervais Mendo Ze a droit à la présomption d’innocence afin justement que la justice demeure aveugle comme le veut sa devise.
L’opinion publique camerounaise devrait appeler à un procès équitable, elle doit inviter à ce que ce citoyen soit jugé et que son procès ne soit pas celui du régime qu’il a servi, nous en sommes tous témoins. L’opinion publique peut avoir de l’antipathie vis-à-vis du Professeur Gervais Mendo Ze, mais elle ne doit pas construire son déshonneur, elle peut avoir du dégoût pour son engagement au sein du RDPC, marquer son étonnement voire sa haine, elle peut éprouver de l’horreur à l’égard de ce régime du Renouveau, mais ne doit point perdre la raison. Le professeur Gervais Mendo Ze n’est pas le régime, il l’a servi certes, mais par décret, par nomination et c’est là toute la différence. Les citoyens camerounais devraient-ils renoncer à servir leur pays par peur d’être mis à mort un jour par la clameur publique ? Si oui alors qui devrait servir ce pays nôtre ? La liste est déjà bien longue de ces universitaires, médecins, ingénieurs, administrateurs, etc. livrés à la vindicte populaire plus que soumis à la justice de notre pays. Oui, je prends sa défense ! La grande clameur, en condamnant comme elle le fait le professeur Gervais Mendo Ze proclame, invente un crime d’appartenance comme on le fit avec le philosophe Martin Heidegger aux heures les plus sombres de l’histoire de l’humanité.
Aux universitaires silencieux et muets comme des carpes, je demande : quel sens a le fait de savoir ? Devons-nous continuer à livrer sous la forme presque exclusive de la science ce que nous avons acquis ? Devons-nous continuer à chercher des résultats les plus efficacement utilisables et rentabilisables pour notre société ? Si oui, que signifie une époque où la politique est la gestion économique d’un pouvoir qui n’a en conséquence pas de garants, mais des administrateurs et autres auxiliaires inféodés à sa budgétisation ?Oui, je prends la défense du Professeur Gervais Mendo Ze !
Je crois à la Justice, celle qui ne saurait être amoindrie par quelque épithète, celle punit avec sévérité et n’est point instrumentalisée ni de l’intérieur ni de l’extérieur, je crois à la justice qui construit la paix et qui éloigne de nous et le plus loin possible le spectre de la mort et de l’infamie, la mort donnée comme cela se dessine chez nous est un aveu d’impuissance. Le sang se lave avec des larmes de réconciliation et non avec du sang. En voulant par la pression populaire donner la mort à Gervais Mendo Ze, en refusant aux magistrats de faire leur travail, nous cédons à la colère, une terrible colère, nous cédons à la peur, à la haine, à la panique ; c’est une mort de trop dans notre pays.
Ces mots que je prononce à présent, je les ai prononcés déjà quand je me suis défendu devant la Cour Suprême de notre pays, je n’ai pas l’érudition du Président de la Cour Suprême Alexis Dipanda Mouellé, je n’ai pas le verbe choisi de Me Claude Assira ; c’est au cœur du peuple, des peuples du Cameroun, de l’opinion publique que je parle. Je ne cherche pas à surprendre vos cœurs, mais à entraîner vos consciences. Je veux le faire sans éclat. Les beaux coups d’épée ne se donnent pas contre le vent. Je le fais avec certitude. Notre pays doit rester debout. Sa construction est lente et sinueuse, les obstacles nombreux ! Regardons ensemble vers le futur et ne nous enfermons pas dans l’avenir. L’opinion publique, la vôtre représente le futur et ce futur-là est intelligent, elle est esprit de justice et non une immonde passion, une clameur.
Il fait chaud, oui très chaud dans nos rues et dans nos maisons depuis le début de ces arrestations de l'Opération Epervier qui au final n’ont pas amélioré la vie quotidienne de nos millions de concitoyens. Voilà pourquoi je suis en colère contre cette façon de faire, cette justice qui ne voit rien, n’entend rien, nous prend pour des gêneurs. Cette justice qui crache sur notre intelligence, sur notre futur, sur le « nous-commun » qui nous dresse les uns contre les autres, qui passe à côté du droit, oui, je prends la défense du Professeur Gervais Mendo Ze.
Quand viendra le temps de la justice, qui n’est pas le temps carcéral, car le milieu carcéral camerounais corrompt ceux qui n’étaient pas corrompus, sans guérir ceux qui l’étaient ? Oui quand viendra le temps de la justice, j’ose croire que le Professeur Gervais Mendo Ze assumera, qu’il dira non à l’accusation qui l’accable dans un procès qui le dépasse comme jamais un procès n’a dépassé un accusé. Qu’il ne subira pas le procès d’un régime sous lequel nous avons tous vécu et qu’une catégorie a servi sans perdre sa qualité de citoyen camerounais.
Alors, grande clameur populaire, je te demande de prononcer l’acquittement du Professeur Gervais Mendo Ze. Faisons de ce procès, un procès expiatoire et conjuratoire, une psychanalyse collective pour nous libérer d’une sorte de honte qui nous habite collectivement parce que nous avons tous plus ou moins failli.
Dr Vincent-Sosthène FOUDA
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