Est-ce que le gouvernement ne se sent pas mal à l’aise par l’interview accordée par la veuve de l’ancien président au moment où s’ouvre à Dakar le sommet de la Francophonie ?
Le gouvernement est parfaitement à l’aise, on se demande si madame Ahidjo ne fait pas preuve d’une petite amnésie parce qu’elle est en train de défoncer des portes ouvertes. Je voudrais, avec le respect qui lui est dû le rappeler. C’est en 1991 que le président de la République a promulgué une loi d’amnistie de portée générale, inconditionnelle et adressée à tous les héros nationaux de notre pays. Ceux-là qui, a un moment donné de leur histoire, ont donné de leur sang, ont donné de leur vie pour que nous accédions à l’indépendance. Ceux-là qui aux lendemains de l’indépendance, ont accédé aux affaires et ont gouverné notre nation le temps que cela a duré. Tous ceux-là qui, à un moment donné de leur histoire se sont trouvés en porte-à-faux, se sont trouvés en rupture de ban avec les institutions de la nation. A la faveur d’une loi d’amnistie promulguée par le chef de l’Etat, leur mémoire a été réhabilitée et tous ont été graciés. Lorsque madame Ahidjo demande que l’on réhabilite la mémoire du président Ahidjo, j’annonce conformément à cette disposition de la loi que le président Ahidjo, comme tous les autres, a été gracié, amnistié. Donc ce discours de madame Ahidjo ne gêne nullement le gouvernement, le gouvernement se sent particulièrement à l’aise parce que ce discours, à ce niveau n’interpelle nullement le gouvernement.
Il se trouve que les restes du président Ahidjo, comme le dit sa veuve, ne sont toujours pas rentrés au Cameroun. Qu’est-ce qui fait problème ? Madame Ahidjo trouve que c’est le gouvernement qui fait problème.
Madame Ahidjo ne réalise pas que le président Paul Biya est un chef d’Etat qui gère sans état d’âme. Le président Biya, en accédant au pouvoir en 1982, a hérité d’une histoire. Il a hérité de l’histoire de ces Camerounais qui ont donné de leur vie et de leur sang pour qu’on accède à l’indépendance. (…) Je rappelle donc que lors de son accession à la magistrature suprême, il a invité l’Upc à venir l’aider à construire la nation. Les upcistes ont répondu favorablement mais ils ont posé une condition : la réhabilitation de la mémoire de leurs héros, et le rapatriement des corps de ceux qui sont hors de nos frontières. Je voudrais donc vous rappeler, cette demande de réhabilitation de la mémoire et du rapatriement des corps avait été aussi adressée au président Ahidjo. Sauf que jusqu’à la fin de son règne, il n’a pas réhabilité leur mémoire. Et les dépouilles n’ont pas été ramenées au Cameroun. Vous me posez maintenant la question du rapatriement du corps d’Ahidjo, je voudrais également dire deux choses à ce sujet. Le président Paul Biya a dit : l’Etat camerounais était à l’écoute, était à la disposition de la famille du président Ahidjo qui seul à droit sur la dépouille. Il l’a dit, et je pense que l’interview [sur France 24 en 2008] peut être consultée. Donc le gouvernement n’a pas de problème en tant que tel. Cela c’est la première chose. La seconde. Tous ceux-là qui ont donné de leur sang, le président Biya, héritier de cette histoire-là, doit la gérer avec responsabilité et équité. C’est donc pour cette raison que nous devons, et j’appuie ce que le chef de l’Etat a dit, le rapatriement de la dépouille d’Ahidjo ne pose aucun problème. Je vous le disais tout à l’heure, quand on consulte les pages de l’histoire, quand ont veut ouvrir les poubelles de l’histoire, il faut faire attention il peut se dégager des odeurs suffocantes. Mohamadou Ahidjo, l’unique fils du président Ahidjo, est nommé ambassadeur itinérant, président du conseil d’administration d’un très grand hôtel au Cameroun. Dr Aminatou Ahidjo, la fille du président Ahidjo, la fille de madame Ahidjo, est militante du Rdpc. Voila deux respectables dignes fils du président Ahidjo qui sont aux cotés, du président Biya, et qui au quotidien l’aident par leurs conseils, par leur sagacité intellectuelle pour qu’il s’acquitte de sa tache avec maestria. Si vous faites partie de ceux qui ne savent pas faire la différence entre l’ivraie et la graine, vous l’aurez compris Mme Ahidjo, appartient déjà au troisième âge. Madame Aminatou Ahidjo est une femme mûre. C’est des gens qu’on ne manipule pas. Ils savent ce qu’ils veulent. Parce qu’à un moment donné de l’existence, il faut avoir le courage de se remettre en cause afin de remettre les idées en ordre. Tout homme politique qui ne se remet pas en cause devient une proie qui sera dévorée par l’obsolescence. Je présume que c’est fort de cette vérité politique que ces vaillants Camerounais ont accepté de se mettre aux cotés du président de la République et de lui apporter ce dont il a besoin pour la bonne marche de la nation
Résumons : l’initiative revient à la famille pour le rapatriement de la dépouille de l’ancien président ?
Vous avez raison. Vous avez posé la question pourquoi Rfi, Rfi revient de manière récurrente ? Pourquoi Rfi ne dit pas du bien de notre armée qui au front livre une bataille avec honneur et dignité et nous en sommes fiers ? J’ai écouté Rfi qui nous disait que deux chefs traditionnels très importants au Nigeria ont dénoncé les comportements de l’armée nigériane. Ca ne vient pas de moi, c’est Rfi qui le dit. Vous avez affaire au Cameroun à une armée, nos frères et sœurs au front qui sont en train de sacrifier leur sang, leur vie, pourquoi est-ce que Rfi n’en parle pas suffisamment ? Je ne voudrais pas ouvrir une polémique avec Rfi. Mais il faudrait qu’ils réalisent que le peuple camerounais est suffisamment mûr pour découvrir ces stratagèmes-là tout à fait cousus de fil blanc.
Entretien avec Alain BELIBI, retranscrit Ludovic AMARA
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