L’ancien ministre Jérôme Emilien Abondo nous a quittés en mars 2013. Un jour qu’un visiteur lui annonçait que son nom était souvent cité dans l’entourage du chef de l’Etat qu’il pourrait être nommé Délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé, lui qui connaissait parfaitement les règles non écrites de son pays, répondit ainsi à cet ange annonciateur : « Tant mieux, puisqu’on en parle, cela ne pourra plus se produire… ». Il avait pourtant le meilleur profil du poste. Paul Biya nomma dans les jours qui allaient suivre, Amougou Noma à la surprise générale, le « super maire » de la capitale politique.
C’est une manie bien connue des Camerounais : la moindre fuite avant une nomination à un poste de responsabilité, provoque aussitôt l’annulation de la promotion. Il en est de même du remaniement du gouvernement : plus on en parle en avançant des noms, plus le chef de l’Etat enterre cet acte ordinaire sous d’autres cieux, où la date est parfois connue ainsi que des noms aux portefeuilles.
Le secret est un fondement de l’Etat au Cameroun. Il l’est même sur des sujets basiques. Il a une importance à dimension culturelle. Tout est secret ici. Dans ce contexte, les médias qui auscultent l’actualité, se permettent des projections en tenant compte des paramètres objectifs et des réalités socio-économiques, ces médias sont constamment déroutés et désillusionnés. En persistant dans leurs analyses prospectives, ils courent le risque de leur crédibilité. Et puisque le public attend beaucoup de ses médias (surtout en ce moment des mutations incontournables), et face au mutisme total des acteurs politiques nationaux, des personnalités étrangères en visite au Cameroun, et les missions diplomatiques accréditées à Yaoundé deviennent alors des précieuses sources d’information pour la presse nationale. Dans ses divers échanges avec ces personnalités étrangères, les médias camerounais s’abreuvent alors afin d’enrichir ses commentaires et autres positions éditoriales.
Le principal sujet de ces échanges pour l’heure est naturellement la succession au sommet de l’Etat, à partir de l’échéance électorale de 2018. Cette échéance avait déjà été évoquée en août dernier à Washington lorsque, dans l’antichambre du bureau de Barack Obama, John Kerry, le ministre américain des Affaires étrangères s’entretint avec Paul Biya avant son tête à tête avec le chef de l’Exécutif américain. Il en ressortit que, Washington a sa vision et ses hommes à Yaoundé. Approche américaine qui est aux antipodes de celle de Paul Biya. Quant à la presse camerounaise, à force de répondre aux questions des enquêtes des diplomates et des visiteurs de marque qui voudraient savoir pour le compte de leur gouvernement « qui est Amadou Ali, ce que nous pensons de lui … ? », même le plus naïf des journalistes finira par déduire que le nom de ce haut commis de l’Etat, qui travaille depuis plusieurs décennies dans les cimes du pouvoir, serait dans les choix du prince pour le passage du témoin. Sauf stratégie de sphinx pour détourner les attentions, ce choix serait guidé par une obligation morale de Paul Biya à « renvoyer le pouvoir au grand nord » qui le lui avait légué généreusement en 1982.
Mais nous ne sommes plus en 1982. Les choses ont changé. Paul Biya a ses préférences pour sa succession. C’est normal. Ce qui est important, c’est le strict respect à avoir du cadre constitutionnel dans cette succession. La Loi fondamentale du Cameroun, souvent triturée au gré des désirs de ceux qui ont pourtant l’impérieux et solennel devoir de la protéger, se devra d’être appliquée. La succession au sommet de l’Etat ne doit pas se passer comme dans un lamidat ou un sultanat. Le Cameroun est une République qui a adopté la démocratie comme mode de gouvernance et d’expression. Les chapelles politiques pourront soutenir le candidat de leur parti. Mais le candidat qui aura le malheur d’être copté comme dans une chefferie villageoise, s’exposera sans doute à une dénégation historique dans les urnes, en commençant par les militants du parti qui aura osé avaliser pareille tartufferie.
Le choix des Camerounais se portera le moment venu sur un homme et son programme, sans avaliste. Un homme, d’où qu’il vienne, et non pas par un retour d’ascenseur. Si cet homme-là s’appelle Amadou Ali, alors pourquoi pas ?
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire
Laissez nous un commentaire sur cet opinion.