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JE SUIS CAMEROUNAIS, JE SUIS UN DRAGUEUR par Florian Ngimbis

Ce week-end j’ai fait une rencontre du troisième type. 19h. coupure de courant. Même quand il pleut des cordes sur notre pays comme c'est le cas en ce moment, ENEO ne nous épargne pas. Ne pouvant honorer la femme de ma vie, mon ordinateur Pauline, qui comme moi ne supporte pas de le faire dans le noir, je suis sorti. Rien de spécial jusque là, sauf qu’en sortant, j’ai mis un costume. En fait, je devrais dire LE costume car c’est le seul de ma maigre garde-robe. Il ne s’agit pas de n’importe quel costume hein?
C’est un joli deux pièces sur mesure en semi laine couleur bleu Facebook. Je l’ai baptisé costume RP, comme Relations Publiques. C’est celui que je mets pour me faire recevoir dans les endroits où on ne reçoit pas souvent les gens, pour me faire ouvrir les portes qu’on n’ouvre pas souvent aux gens, pour faire sourire les bouches qui ne sourient pas souvent aux gens. Dieu sait s’il y en a dans ce Cameroun. Dérogation spéciale, hier j’ai mis mon costume RP pour draguer.
Ca s’est passé à l’arrêt de taxi. Une jolie liane tropicale, grande comme un palmier, à moins ce soit moi le nain. Beauté sophistiquée et artificielle. Pas mon genre, mais le genre seyant avec mon costume. «Bonsoir!» ok je vous épargne mes techniques d’approche. Un resserrement de noeud de cravate plus tard, nous étions partis sur le sentier de l’amour. Sérieusement, j’étais fier hein? Fier de mon costume grâce auquel je venais de réaliser en plus d’une belle prise, une économie de salive, de maux de tête, d’imagination et de mensonge. Je voyais dans ce costume bleu Facebook, l’ami, le confident.
Ignorant de la traîtrise et de la perfidie qu’il cachait derrière ses doublures. Premier couac. J’emmène la jouvencelle dans mon bar favori. Un petit bar de seconde zone, authentique, vrai, chaleureux. Un bar où tout le monde me connaît et où je connais tout le monde. Dès l’entrée la gourgandine m’arrête «Pardon, allons dans un snack. C’est quel endroit où tu m’emmènes comme ça ?» Obligé de faire demi-tour pour rallier un endroit qu’elle prétend «chic». Taxi! Deux places 300F Poste! Elle manque de s’évanouir. Pardon! si tu ne respectes pas ton costume, respecte moi au moins. 300??? Prends même le dépot non? les gens nous regardent.
1500 gros CFA plus tard, j’ai commencé à comprendre, ce maudit costume ne disait pas qui j’étais, il avait dérobé ma personnalité, me substituant un autre qui n’était pas moi. Arrivée devant le snack. Un de ces endroits fréquentés par des snobs qui vous regardent de haut, un de ces endroits froids et impersonnels, sièges du m’as-tu-vu où le seul luxe consiste en des chaises en faux inox chromé et un écran plat, le tout baignant dans une lumière tamisée qui semble crier : MADE IN CHINA!
J’ignore ce qu’elle a pris, mais lorsque j’ai empoigné ma bière pour me désaltérer à même le goulot. J’ai entendu. S’il te plaît prends un verre. J’ai desserré le noeud de ma cravate. Le piment avait commencé à me monter au nez. J’ai faim! Nous sortons. Alors que j’essaie de l’orienter vers de bon gros maquereaux appétissants en train de prendre des bains de chaleurs sur des foyers rougeoyants, le corps enduit de purée d’épices, la sorcière prend l’intérieur du virage et me détourne vers un vendeur de poulets rôtis. De malheureux poulets rachitiques dont le prix de vente augmente non à cause de la saveur, mais de tout l’équipement de luxe qui préside à leur cuisson.
Rien dans l’assiette, tout autour. J’ai passé la soirée ainsi, à acheter plein de trucs inutiles mais chers, à écouter une musique tout droit sortie d’un cimetière, à gérer ma furieuse envie de me gratter les couilles. Tout autour de moi, du «Monsieur», du «Grand Boss», du «Grand» un respect hypocrite que je devais à mon costume RP. Vers 21h, après avoir englouti la moitié d’un poulet, avalé trois verres d’Absolut Vodka, la belle a dit «rentrons!». J’ai déployé les ailes de mon costume dans un large mouvement aérien. Laissé un pourboire à la serveuse dont le regard carnassier épluchait chacun de mes gestes. Un autre pourboire au videur qui comme dans les films est allé nous stopper le taxi -mon frère! Je t’ai envoyé? Et puis nous sommes partis. Station à la boulangerie: madame voulait un dessert -et alors? T’as pas vu la vendeuse de mangues devant le snack? C’est dans le taxi, tout en mâchouillant une pizza miniature -tu parles d’un dessert! – que la sorcière me dit: bon écoute, là je vais devoir rentrer, je dois me lever tôt. Tu m’appelles demain ok?
J’ai voulu dire un truc bizarre, mais mon costume m’a regardé droit dans les yeux: pas aujourd’hui petit, respecte moi! Toi, attends qu’on rentre me suis-je dit. J’ai fait arrêter le taxi, je suis descendu en quasi voltige et sans payer. Arrête-moi si tu peux! Stoppé un nouveau taxi: 100 francs Efoulan! Au diable le regard surpris, je suis rentré chez moi. Ce sale costume a vomi ce qui me restait de fortune dans ses poches. Pas grand chose. La rage au coeur, je l’ai plié et relégué au fond d’une valise que j’ouvre tous les six mois. J’ai amoureusement caressé mon vieux jean délavé et je me suis excusé pour mon infidélité. Rencontre du troisième type? Tu parles! Entretien avec un vampire oui!
 kongossa.mondoblog.org Via (L'Oeil du Sahel) : Florian Ngimbis
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