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LA NÉCESSITÉ D'UNE ÂME POUR LE CAMEROUN par Jean Pierre Djemba

Ceux d’entre nous dont le dépit a atteint le paroxysme à cause de la médiocrité de la gouvernance camerounaise, pour exprimer leur déception, disent souvent : « il n’y a rien au Cameroun». Cette expression pour de nombreuses personnes est excessive. En effet, au niveau ou bien au degré où ils la prennent, il peut en effet paraître comme exagéré de dire que d’une part, dans un pays géographiquement aussi grand que le Cameroun qui a 425 000 km2, et d’autre part démographiquement compte 22 ou 23 millions d’habitants, il n’y ait rien.
Dans une telle hypothèse considérée dans l’absolue, il n’y aurait donc pas dans ce pays du golfe de guinée, ni maison, ni voiture, ni pont, ni route ? Ô que non car c’est même plutôt le contraire. 
Au Cameroun en effet, il y a tout ce qui a été précédemment énuméré et bien plus même encore. Aussi bien dans les deux principales grandes villes du pays, que les bourgades les plus reculés. Au niveau de l’habitation par exemple, bien qu’elles se comptent sur les doigts de la main, il y a de très belles villas construites par la petite élites administrative, politique, religieuse, militaire et commerçante locale. Et il n’y a pas que des villas avec piscines, il y a de grosses cylindrées dernier cri et notamment des 4x4 qui ici, plus que tout le reste, représente l’un des symboles de la réussite. On pourrait dans cette veine allonger la liste des choses aussi bien sur le plan desinfrastructures, des structures que des superstructures. Et si on ne se limitait qu’à cela, on aurait bien entendu raison de dire, de conclure qu’il est complétement erroné de prétendre qu’au Cameroun il n’y a rien.
En effet, assez curieusement, dans ce pays où il semble avoir tant de choses que l’on voit, si l’on pousse d’une part la réflexion au-delà du visuel etsi l’on fait la comparaison avec un pays comme le Japon, l’on se rend compte finalement qu’il n’y a rien qui vale la peine au Cameroun. Au Japon, il y a bien entendu tout ce qui a été énuméré plus haut, mais il y a surtout essentiellement une chose qui nousfait dire qu’au Cameroun il n’y a rien. Il y a une âme japonaise. Que voulons-nous dire par cela ? Ceci mérite explication et développement.
Ce qui caractérise le Japon n’est pas le nombre d’immeubles que l’on peut voir à Tokyo, Osaka, Nagasaky, Kyoto. Non, car toutes ses choses sont dérisoires au regard de la grandeur de l’âme japonaise que l’on retrouve partout et sur tout aussi bien dans les grandes choses que les petites : la médecine, la cuisine, l’habillement, le jardin, les arts plastiques, la danse, l’architecture, la religion, le comportement et le rapport de l’homme à la nature, etc, etc. C’est en somme en effet, dans tous les domaines que l’on retrouve l’âme du Japon dont le génie, contrairement à ce que l’on peut penser, n’est pas d’avoir su maîtriser tous les apports extérieurs qui lui ont été amenés par les étrangers et par les Japonais qui ont émigré. 
Ce qui caractérise essentiellement le Japon, c’est d’une part, d’avoir su les accommoder à ses traditions millénaires qu’il a d’autre part su conserver et adapter. Il ya donc dans ce process, trois séquences : recevoir, intégrer et conserver. Le mérite des élites japonaises est d’avoir compris et fait cela pour ne pas perdre l’âme ancestral et la personnalité de leur pays. Et c’est ainsi que l’on ne pourrait pas dire qu’il n’y a rien au Japon car, il y a surtout une âme qui plane au dessus de tout dans ce pays dont le raffinement éblouit et n’a pas son pareil ailleurs alors qu’au Cameroun, il n’y a que du bric et du broc. 
Dans ce qui frappe au Japon, ce qui y fait référence, ce sont des choses qui paradoxalement que sont considèrées au Cameroun comme mineures. La cuisine et le jardin notamment. Pour caractériser l’excellence de ce pays, nous n’avons pas du tout parlé ni des voitures, ni de l’informatique, ni de la photo dont le Japon est pourtant un très grand concepteur et fabricant. Nous n’avons même pas parlé du nucléaire dont le Japon possède un très grand parc. Simplement parce que, le Japon c’est avant tout une âme.
Quand on a donc dit tout ce qui précède et que nous considérons comme une simple entrée en matière, on doit aller ensuite à l’essentiel car, l’important n’est pas de critiquer pour critiquer, mais de tancer et de même de châtier, d’une part parce que l’on aime, et, d’autre part parce que l’on veut voir les choses s’améliorer pour le bien de tous.
Dans une telle perspective, il s’ensuit donc que les trois questions suivantes soient posées: Premièrement, c’est quoi une âme pour un pays ? deuxièmement, à quoi doit servir une âme ? et, troisièmement, pourquoi n’avons nous pas d’âme dans notre pays ?
C’est quoi une âme pour un pays?
Une âme pour un pays c’est en gros la constitution spirituelle non écrite qui guide les pas et la progression d’un pays vers le destin qu’il entend se donner. Ce substrat n’est pas forcément quelque chose d’innée mais le devient quand cette démarche est datée et ancienne. Elle devient donc comme une sorte de code d’honneur auquel nul, dans la hiérarchie de l’échelle sociale, ne peut et ne doit se dérober ni déroger. Dans les meilleurs des cas, ceci peut initialement être l’œuvre d’une élite et ensuite s’étendre à tous. Et c’est dans cette veine donc, que doit s’inscrire le Bushido, le fond culturel et moral du Japon tout entier, la colonne vertébrale de la mentalité nippone, qui galvanise et explique les actes de bravoure qui caractérisent la longue histoire de ce pays fascinant.
A quoi sert une âme ?
A encadrer sur le plan spirituel et méthodique tout ce que l’on doit entreprendre sereinement dans un pays. Former une élite que l’on pourrait comparer à des chevaliers des temps modernes. Pourquoi n’avons-nous pas d’âme au Cameroun ?
Vaste question à laquelle on serait tenté de répondre en réduisant simplement les choses à l’histoire de notre passé colonial qui, dans une certaine mesure est bien évidemment à prendre en compte. Cette option, au fond ne règle qu’en partie le problème dont l’origine objectivement remonte bien plus loin dans l’histoire générale du Cameroun et de l’Afrique. Si un tant soit peu, notre pays voudrait avoir un grand destin, il lui faut nécessairement une âme.
© La Voix Du Kamerun N° 6/Janvier 2016 : Jean Pierre Djemba
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