L'ancien secrétaire particulier d'Ernest Ouandié, au cours de l'inhumation de l'épouse de ce nationaliste, a semblé indiquer que Monseigneur Dongmo était de connivence avec les autorités pour leur arrestation. Une thèse que réfute un historien.
Ernest Ouandié avait-il été livré par Monseigneur Dongmo ? Voilà une question que les historiens n'ont jamais cessé de se poser. Mais difficilement, les postures des uns et des autres convergent. Même le témoignage d'un personnage actif de l'histoire ne suffit visiblement pas pour trancher. Samedi 14 mai dernier, Mathieu Djassep a effectué le déplacement de Bafoussam afin de rendre un dernier hommage à Marthe Eding, l'épouse de son patron, Ernest Ouandié, assassiné sur la place publique le 15 janvier 1971 à Bafoussam. Pendant son témoignage, l'ancien secrétaire particulier de l'ancien leader de l'Union des populations du Cameroun (Upc), est revenu sur les circonstances de leur arrestation et de leur condamnation.
" Le camarade Ernest Ouandié m'a rencontré sous maquis en 1961, revenant d'un exile de 4 ans, consécutif à leur traque lancée après les émeutes du 25 mai 1955. Ouandié et Kingué suite à leur poursuite avaient pu regagner le Cameroun britannique de l'époque. Mais deux ans plus tard, ils ont également été chassés par le gouvernement britannique. Ils ont donc regagné l'extérieur pour continuer la lutte. 4 ans plus tard, exactement le 21 juillet 1961, le camarade Ernest Ouandié retourne pour nous rejoindre sous maquis. Et il m'a coopté comme son secrétaire. J'ai donc combattu avec lui, on a souffert ensemble. Lorsque les conditions de lutte devenaient très fastidieuses, il était décidé qu'il devait regagner l'extérieur pour que les autres camarades prennent de nouvelles mesures pour continuer la lutte. Je devais partir avec lui, mais nous avons été arrêtés à Mbanga. C'est Monseigneur Dongmo qui nous avait pris pour nous dire qu'il allait l'amener à l'extérieur. Malheureusement, il nous a laissés à Mbanga et on est venu nous prendre là-bas, et nous condamner arbitrairement à mort ", éclaire ce patriarche de l'histoire du Cameroun.
Il apparait dans son témoignage cette insinuation d'accusation de trahison du prélat. D'après l'historien Jean Claude Tchouankap, cette thèse est peu plausible pour plusieurs raisons. " Dans la thèse que j'ai produite -Monseigneur Albert Ndongmo : le religieux et le politique (1926-1992), ndlr-, j'ai mis en public, la déclaration officielle par laquelle l'Upc accuse Mgr Albert Dongmo de trahison. Et j'ai également associé à ça la réponse officielle de Mgr Dongmo sur la question. Ce que les militants upécistes ne connaissent pas jusqu'aujourd'hui, et c'est ça le côté de la vérité de l'histoire que nous voulons démontrer.
Ce que les Djassep appellent trahison, c'est en fait la réalisation des voeux de l'Etat qui, en envoyant Albert Dongmo en mission de récupération de Ouandié, avait développé un renseignement parallèle. Et ce parallélisme du renseignement a fait donc savoir à l'Etat qu'il y a cette rencontre de Mbanga qui était prévue ; et c'est en ce moment qu'on lui (Mgr Dongmo) délivre son passeport et rend urgente sa mission en France pour défendre son projet de Moungo plastique. Cela veut dire que pour les militants upécistes, ils n'ont pas cette version, et maintiennent que ce rendez-vous qui était fixé n'a pas été honoré ", soutient-il d'emblée.
" De Rome, Dongmo apprend l'arrestation de Ouandié et Djassep, on lui dit :'' tu ne rentres pas au Cameroun, parce que si tu rentres, tu seras arrêté''. Il dit : "'je ne peux pas les sacrifier, donc je rentre''. Et lorsqu'il arrive à l'aéroport, il est arrêté. Les arguments ne peuvent pas être moins que ça ", poursuit Dr Jean Claude Tchouankap. La troisième chose, enchaine-t-il, est que le prélat n'avait aucun profit à tirer de la trahison: " Dongmo lui-même dit "'trahir, c'est pour bénéficier de quelque chose. Lui, il a trahi pour bénéficier de quoi ?, l'enchainement ?, la condamnation à mort ?, la prison à vie ?, ou l'exile au Canada ? ", s'interroge-t-il. Dans la thèse qu'il a soutenue il y a bientôt deux ans à l'université de Ngaoundéré, ce chercheur dit avoir ressorti deux schémas.
" D'un côté, ceux qui soutiennent la trahison de Mgr Dongmo en prenant l'exemple de Mgr Mongo qui était entré en contact avec Oum Nyobé et par la suite, on avait tué Um Nyobé. Mais je dis que par la suite, Mgr ne fut pas inquiété ! On ne peut pas logiquement envoyer Mgr Dongmo pour récupérer Ouandié et les deux sont condamnés à la peine de mort ", analyse-t-il. Afin de trancher que ceux qui accusent Mgr Albert Dongmo de trahison, ont une mauvaise connaissance des faits historiques. Dr Jean Claude Tchouankap annonce davantage de révélations sur l'Upc et ses leaders, dans un livre à paraitre prochainement.
La Nouvelle Expression : Vivien Tonfack
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