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Opinion de Bernard Ouandji, économiste de renom sur la SODECOTON

Un Conseil d'administration ordinaire annulé par la présidence de la République, un Conseil d'administration extraordinaire convoqué ce lundi, des pertes d'exploitations de près de 30 milliards de Fcfa sur 2 ans, nécessitant subventions étatiques et perfusions de la part des banques Que vous inspire la situation actuelle de la Sodecoton ?
Le professeur Tchundjang, lorsqu'il nous enseignait la micro-économie en 1972, nous enjoignait d'être attentifs au calcul de la recette marginale et du coùt marginal. Il affirmait que l'Union soviétique finira par s'effondrer parce que ses entreprises publiques ne calculent pas le coùt marginal et finiront par s'arrêter quand l'Etat ne sera plus en mesure de les subventionner toutes à la fois, ce qui provoquera l'effondrement du système. En 1990, le système du Parti-Etat qui régnait sur l'Union soviétique s'est effondré. Au Cameroun, le système du Parti-Etat est très fort, mais toutes ses entreprises publiques sont des gouffres financiers. Le Parti-Etat construit des barrages dit-on, mais on ne calcule pas le coùt marginal de l'électricité qui en sortira et il faudra subventionner. Le système fait voler des avions de Camair-Co mais doit subventionner cette entreprise commerciale sans en calculer le coùt de l'heure de vol par rapport au billet d'avion. La situation actuelle de Sodecoton me rappelle la situation de l'Union soviétique quand elle était au faÏte de sa puissance militaire en 1972 et pourtant fragile. C'est le sort qui guette notre Parti-Etat qui est incapable de se réformer de l'intérieur, même pas le débat minimum réclamé par le sénateur Sultan Njoya.

Quelle solution vous paraît-elle la plus à même de permettre à l'entreprise de se relancer ?
Les solutions peuvent être élaborées. Ce fut le cas lors de la crise survenue en 1986. Le plan de sauvetage élaboré par la mission conjointe de la Sni avec le partenaire français, avait remis la société sur les rails. Les difficultés de la Sodecoton sont récurrentes, en partie liées au caractère erratique des cours mondiaux. En 1991, nous avons agi rapidement pour sauver la Sodecoton une fois de plus. A cet épisode, j'étais au ministère des Finances. En vérité, il faut intégrer l'incertitude dans le business plan et dans les plans de restructuration financière, être capable de flairer combien de temps va durer telle phase de hausse des cours ou de baisse des cours. Le trafic transfrontalier avec le Nigeria voisin est un autre facteur d'incertitude.

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Selon nos informations des réseaux se battent pour le contrôle de sa direction générale, quelle conséquence pour la santé de la société?
De quel réseau parlez-vous? C'est sùr que le Parti-Etat va nommer un Dg de la Sodecoton choisi en fonction du critère numéro 1 qui est sa carte du Rdpc. Cependant, rappelons que le partenaire français qui détient 30% des parts a écrit au gouvernement par courrier daté du 21 avril 2016 pour exiger l'application du droit Ohada et la nomination d'une direction générale compétente. Les Français ont raison. Mais je doute qu'ils soient écoutés.

Pourquoi le partenaire français insiste-t-il sur Ohada et pour quelle conséquence sur la vie de la société?
Au Cameroun, vous avez des sociétés d'Etat qui fonctionnent sous l'égide du statut des entreprises publiques décrété en 1999. Exemples, le Port de Douala, Camtel, la Camair-co, etc. Sous ce statut, l'Etat est actionnaire unique, et omnipotent. L'Etat y nomme et contrôle qui il veut. Cependant, pendant trois décennies, les Etats francophones ont négocié et approuvé le droit des affaires qui réglemente les sociétés privées. C'est le Traité Ohada. Ohada en outre permet aux états d'intervenir dans les sociétés commerciales avec la simple qualité d'actionnaire. Le droit Ohada assure la protection des actionnaires minoritaires, en l'occurrence les Français dans le cas Sodecoton. Ces dernières années, le gouvernement exerce un abus de position dominante en obligeant la direction de Sodecoton à se soumettre au Code des marchés publics alors que Sodecoton n'est pas une société d'Etat. Sous le droit Ohada, l'Assemblée générale et les organes de la société sont souverains pour approuver les comptes. Or les missions de contrôle de l'Etat ont tout remis en cause à Sodecoton et ont abouti à la démission brutale du Dga français il y a deux ans; sans oublier l'incarcération des cadres membres de la direction. Sous ce dernier coup, l'accusation manque de base légale, parce que le Traité, une fois ratifié, est au-dessus des lois nationales.

L'Etat peut-il aller jusqu'à la fermeture ou la privatisation de la Sodecoton au regard de sa posture stratégique dans le développement de la partie septentrionale du pays ?
Quand on lit Cameroon Tribune - le quotidien gouvernemental, édition du mercredi 15 juin 2016, on comprend que le gouvernement prépare déjà l'opinion à la fermeture de Sodecoton. Mais les analyses de Cameroon Tribune, avec pour gros titre Menace sur le coton, sont une insulte pour tous ceux qui ont fait une école supérieure de commerce ou un Mba. Le rédacteur n'a même pas compris que le prix d'achat au paysan est fixé par kilogramme de coton-graine, alors que le cours mondial est libellé par kilogramme de coton-fibre. Dès lors, Cameroon Tribune en déduit que la solution consiste à réduire le prix d'achat aux paysans. Sous la conjoncture internationale que nous vivons, sous laquelle les cours du coton ont chuté, les paysans sont rémunérés à un minimum de 250 francs par kilo de coton graine dans les pays cotonniers dont le Mali, le Burkina Faso, le Benin, la Côte d'Ivoire, sans remettre en cause l'avenir de la filière. Mais au Cameroun, il a suffi que les paysans touchent 265 francs par kilo de coton graine pour que Cameroon Tribune les indexent comme étant la source des difficultés financières de Sodecoton. Quelle honte!

Au regard de ses difficultés internes et de la conjoncture internationale, comment entrevoyez-vous l'avenir de la Sodecoton ?

Sodecoton peut vivre. Personnellement, je garde un souvenir délicieux de mes visites de la zone cotonnière au Nord-Cameroun en 1986. En saison des pluies, le paysage est vraiment beau. J'ai auparavant eu le plaisir de sillonner la zone cotonnière du Nord de la Côte d'Ivoire pendant deux semaines en décembre 1979, dans le cadre d'une visite d'échanges décidée par les présidents Ahidjo et Houphouët. Nous étions trois cadres de la Sni dans cette mission, dont un agronome et deux Mba. En ce tempslà, la Côte d'Ivoire avait pour objectif de produire 114 000 tonnes de coton-graine et rattraper le Cameroun. En 2015, la Côte d'Ivoire a produit 450 000 tonnes contre 294 000 tonnes pour le Cameroun. L'avenir du coton est radieux. Un acteur de la filière coton est même devenu président de la république dans un pays frère d'Afrique occidentale. En 1915, les Allemands avaient introduit le coton au Cameroun et construit la station technique de Pitoa pour son expansion. Le coton a 100 ans au Cameroun et restera debout.

Sans Détour :Propos Recueillis Par Nestor DJIATOU
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