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Bangmo Narcis Ulric :NFRU NDI OÙ L’INCARNATION D’UN OPPOSANT EN TERRE BATTUE À L’HEURE DE LA SORCIOLOGIE POLITIQUE


Jusqu’où…au nom de la paix sociale !
J’ai honteusement en souvenir l’image de ce mystique aux discours interminables qui me faisait manquer les classes, alors que j’étais élève en classe de 5ème au lycée d’Obala, pour assister à ses meetings. Nfru Ndi  fut un homme qui, le poing toujours levé, faisait rêver. La seule évocation de l’expression populaire « soffa don finish » a fait dire à de nombreux intellectuels que le temps du changement était arrivé. « Le changement, c’est maintenant et tout de suite » aimait-on à dire. Personne, mais alors personne, même pas les idéologues du SDF de l’époque n’avaient envisagé inscrire le combat dans la durée.
…Tous le même rapport au pouvoir
L’histoire politique contemporaine de l’Afrique permet de faire une lecture violente et brutale du comportement des politiques au Cameroun. A l’observation, aucune transition politique ne s’est faite à l’américaine, comme on le voit ailleurs, avec des hommes qui en 5 ans font une carrière au sommet de la pyramide. En Afrique par contre et au Sud du Sahara en particulier, l’opposition est une carrière complète, mieux une histoire de vie. Quand on y va, c’est pour défendre des convictions claires, une idéologie de rêve, c’est pour avoir dit non à la déconstruction sociale et à la dépolitisation des masses dont font montre les partis politico-administratifs au pouvoir.
Il ne s’agit en rien de faire ici l’apologie des conservatismes, mais de rester clairvoyant et réaliste. Quand on s’engage dans l’adversité face aux régimes néocoloniaux, on fait là un choix suicidaire, en ce sens qu’on s’expose à la torture, aux intimidations de tous ordres et à bien des pratiques qui ne valorisent et ne respectent pas les droits de l’homme. Les Africains n’ont en rien la perception occidentale du pouvoir par la démocratie qui est pour eux un emprunt, dont les canons sont refoulés systématiquement, laissant cours à des coquilles vides pour satisfaire aux exigences des bailleurs de fond. Une forte confusion y est entretenue à tort entre l’autorité et le pouvoir qui ne sont pas superposables et adaptés à la modernité politique.
Notre rapport au pouvoir en tant qu’Africains est à comprendre dans notre socio-anthropologie qui ne tolère pas l’alternance et qui voue aux gémonies tout ceux-là qui s’opposent à l’ordre établi. Le comportement du président guinéen Alpha Condé et la crise actuelle en Guinée n’émeuvent que ceux qui refusent de comprendre que le fait d’avoir fait trente ans dans l’opposition, avec un parcours jalonné d’embûches, ne vous épargne en rien des réalités politico-culturelles qui sont les vôtres, si vous ne prenez pas la hauteur nécessaire, celle de vous fondre en véritable homme d’Etat pour qui la vérité du pouvoir ne réside pas dans la conquête ou dans  le bilan, mais plutôt dans son exercice partout ou on est (Le Maire, 2013).
Nfru Ndi Est-il encore opposant, L’a-t-il jamais été ?
En 1996, pendant le congrès du SDF à Maroua, son leader  a fait dire à ses collaborateurs, au grand désarroi de tous, que le secrétaire général du parti ne sera jamais Bamiléké ! Alors qu’à cette époque, cette ethnie constituait en nombre de voix la première force politique de ce parti. Il a d’ailleurs préféré voter pour Tazoacha Asonganyi, (secrétaire général sortant, devenu par la suite son ennemi juré) au gourde-à-gourde avec le Député Tedonkeng de la Ménoua. Chrétien Tabesting, plusieurs fois candidat contre Nfru Ndi, est aussi passé par les serres fascistes de l’homme au poing levé, qui par ses pratiques antirépublicaines a confiné le SDF à son Nord-Ouest Natal.
La configuration politique d’équilibres ethniques des postes au sein du parti, n’a pas changé depuis près de 20 ans, avec à la clef un tribalisme à nul autre pareil. Comment imaginer, dans un pays aussi complexe à gouverner, qu’un parti politique comme le SDF, qui aurait pu présider aux destinées de la nation refuse obstinément de prêcher par l’exemple en matière de gouvernance? On peut ne pas aimer Paul Biya, mais mettre à son actif, cette volonté de rendre toutes les instances de la vie nationale, représentatives des régions du pays, ne fusse que dans l’esprit.
Les différentes postures du « chairman » de cette dernière décennie, ont d’ailleurs fait dire à Puis Njawé, d’heureuse mémoire, de passage à Genève, que la victoire volée de 92 était plutôt une chance pour le Cameroun béni des Dieux. Pour lui, Nfru Ndi n’était qu’une pâle copie du système qu’il disait combattre et qu’il servait désormais par son silence et par sa complaisance. Les déclarations fracassantes des anciens commissaires en exil (Ebéné et Zogo), l’accusant d’avoir accepté de neutraliser la coalition de l’opposition contre espèce sonnante et trébuchante en 2004, ses volte-face aux dernières élections présidentielles et aux récentes sénatoriales suscitent une question essentielle : Nfru Ndi est-il encore opposant ? L’a-t-il jamais été ?
Prendre la décision de faire passer les sénatoriales, avant les élections municipale et législative dans un contexte où le corps électoral est partiel en l’absence des conseillers régionaux, dans un contexte où les conseillers municipaux ont largement vu leur mandat être rallongé à coup de décrets, est purement et simplement de la provocation et le régime le sait ! Il sait également que les hommes d’en face, « grands mendiants politiques », n’ont pas où très peu de couilles pour franchir la ligne rouge.
Voici donc le péché mignon de John Fru Ndi et de tous ces leaders qui manquent cruellement de visions et de cohérence dans l’action par la mobilisation. En 2011, il a crié dans tous les médias que son parti n’irait pas aux élections avec ELECAM en son état, démobilisant ses propres militants à qui il a demandé finalement de s’inscrire, seulement à deux mois des élections présidentielles avec la même structure où rien n’a changé malgré ses cris d’orfraie.
Il neutralise ses camarades de l’opposition et grille sa dernière carte
Nous indiquions déjà, dans un récent papier, l’incapacité du leader de l’opposition à mettre ses menaces à exécution, à véritablement « aider Paul Biya à gâter le pays…». Il voulait les sénatoriales après les législatives et les municipales. Revendications somme toutes légitimes dans l’esprit du jeu politique.
A défaut de rencontrer le Président de la République, il a dû se contenter de Belinga Eboutou, avec qui il aurait passé un deal qui consisterait au partage des sénateurs à nommer, aux dires des analystes politiques (comme M.O.N.) qui connaissent le modus operandi du maitre chanteur, du surenchérisseur politique dont la volonté de « cheffer », jusqu’à ce que la mort du parti soit constatée n’est plus à démonter.
L’homme est devenu tellement cynique au point de n’avoir pas jugé utile de pondre un communiqué, afin d’adresser ses condoléances aux familles des deux jeunes, morts à Obala à la suite d’une collision avec son cortège qui s’ébranlait du côté de Yaoundé. Un acte banal pour un homme politique qui a encore besoin de servir son peuple, que de dire toute sa désolation et pourquoi pas, assister physiquement les familles, dans une aire géographique où son parti n’a jamais véritablement eu pignon sur rue.
C’est clair qu’il n’avait qu’une seule chose en tête, son news deal avec le parti au  pouvoir. « Je suis le premier, tu es le second jusqu’à la gare. » A qui finalement demandait-il d’aiguiser les machettes au cas où Paul Biya ne céderait pas à ses revendications ? De quel peuple, si diffèrent des enfants tués à Obala parlait-il ?
Il est arrivé rarement que l’on voie un opposant tacler ses camarades, au point de les neutraliser par ses accointances avec l’adversaire qu’ils auraient en commun. Les divisions qu’on observe au sein de l’opposition n’ont rien des constructions idéologiques et des stratégies savamment pensées dans une logique de dévolution du pouvoir. Personne ne veut le pouvoir, chacun se complaisant dans les petites prébendes du soir, après des agitations de l’aurore, pour mieux distraire et tromper le peuple fatigué de voir les choses stagner.
Paul Biya, l’homme de la ruse et de l’usure politique, a bien compris qu’il n’a pas en face de lui des opposants, c’est-à-dire des personnes dont la vision à long, à moyen ou à court terme est d’accéder au pouvoir, des gens dont le principe de vie est d’assouvir la faim et la soif des populations, des gens qui n’ont jamais individualisé ce pourquoi ils sont prêts à donner leur vie afin que le statut quo ne perdure ; mais des hommes et des femmes qui ont surtout besoin qu’on leur dise quand ils seront nommés, à combien s’élève le montant d’argent à leur donner en contrepartie de leur refus catégorique de toute initiative de construction d’une opposition solide qui, à défaut de prendre le pouvoir tout de suite, aurait quand même le mérite de peser lourdement dans la balance et de servir de contrepoids au RDPC et à son leader qui prend des latitudes sans véritable lendemain pour notre jeune et fragile démocratie.
Visiblement, on cesse d’être un politique au sens noble du terme, pour devenir simplement  commerçant des idées et de la pensée politique, quand on ne sait plus pourquoi on se bat, quand on ne prend pas sur soi de faire le bilan, une évaluation ex-post de toutes ces années écoulées, pour enfin se rendre compte que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts.
Se contenter de jouer les leaders de l’opposition n’est en rien un projet politique qu’on peut défendre pour séduire le peuple dont on se joue, à tour de passe-passe avec un adversaire de façade, même pas en se servant d’un « shadow government » où tous les serviteurs se complaisent à faire les sorciers de la nuit tombée, sans véritables poigne, sans visions, sans ambitions. Vivement que l’horloge biologique travaille dans tous les camps et sauve le peuple camerounais mortifié et attentiste à souhait.

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