Lors des dernières consultations électorales d’octobre 2011, les critiques se sont cristallisées autour d’ELECAM que l’ensemble des forces vives du Cameroun avaient qualifiée à raison d’illégitime, parce que constituée dans son écrasante majorité d’ « anciens militants du RDPC », parti au pouvoir. Les partis de l’opposition qui auraient profité de la situation pour faire entendre leurs voix, ont de nouveau gratifié les Camerounais du jeu dangereux dans lequel ils sont passés maîtres depuis 92.
Le bon sens Politique a encore fait défaut à Paul Biya qui, selon ses habitudes, se joue des ses adversaires dont il n’a visiblement plus aucun respect, même pas l’estime de les consulter comme on voit ailleurs pour assoir un calendrier électoral apodictique, pour la stabilité économique et sociale au Cameroun. «La politique-sorcellerie» chez nous, consiste à consulter des gens, à les écouter, à connaitre leurs aspirations et faire exactement le contraire de ce qui a été dit et entendu au cours de ces rencontres. Le professeur Takougang aime d’ailleurs à dire avec un zeste d’humour qu’au sein du gouvernement, on consulte pour avoir une idée des personnes populaires qu’il ne faut jamais nommer.
Prendre la décision de mettre en avant les sénatoriales avant les élections municipale et législative dans un contexte où le corps électoral est partiel en l’absence des conseillers régionaux, dans un contexte où les conseillers municipaux ont largement vu leur mandat être rallongé à coup de décrets, est purement et simplement de la provocation et le régime le sait! Il sait également que les hommes d’en face, « grands mendiants politiques » n’ont pas où très peu de couilles pour franchir la ligne rouge.
Voici donc le péché mignon de John Fru Ndi et de tous ces leadeurs qui manquent cruellement de visions et de cohérence dans l’action par la mobilisation. En 2011, il a crié dans tous les médias que son parti n’irait pas aux élections avec ELECAM en son état, démobilisant ses propres militants à qui il a demandé finalement de s’inscrire seulement à deux mois des élections présidentielles avec la même structure où rien n’a changé malgré ses cris d’orfraie. S’il n’a pas fait preuve de sérieux hier, qu’est-ce qui garantit qu’il renversera la vapeur cette fois-ci face à l’invariant Paul Biya. Les menaces vives du leadeur du SDF, n’émeuvent plus grand monde, tellement il a déçu avec des volte-face innombrables.
Les divisions qu’on observe au sein de l’opposition n’ont rien des constructions idéologiques et des stratégies savamment pensées dans une logique de dévolution du pouvoir. Au contraire! A l’observation, personne ne veut le pouvoir, chacun se complaisant dans les petites prébendes du soir, après des agitations de l’aurore, pour mieux distraire et tromper le peuple assoiffé de voir les choses bouger.
Paul Biya, l’homme de la ruse et de l’usure politique, a bien compris qu’il n’a pas en face de lui des opposants, c’est-à-dire des personnes dont la vision à long, à moyen ou à court terme est d’accéder au pouvoir, des gens dont le principe de vie est d’assouvir la faim et la soif des populations, des gens qui n’ont jamais individualisé ce pourquoi ils sont prêts à donner leur vie afin que le statut quo ne perdure ; mais des hommes et des femmes qui ont surtout besoin qu’on leur dise quand ils seront nommés, à combien s’élève le montant d’argent à leur donner en contrepartie de leur refus catégorique de toute initiative de construction d’une opposition solide qui, à défaut de prendre le pouvoir tout de suite, aurait quand même le mérite de peser lourdement dans la balance et de servir de contrepoids au RDPC et à son leadeur qui prend des latitudes sans véritable lendemain pour notre jeune et fragile démocratie.
Le MRC a fait une mise au point par la voie de son président en début d’année pour dire qu’il ne tolèrerait pas que les sénatoriales passent avant les élections municipale et législative. Chose normale vu qu’il se sentirait disqualifié d’office parce n’ayant aucun élu local. Là encore, on est resté sur des simples déclarations qui, dans l’expérience, n’ébranle plus outre mesure le système qui sait très bien l’état de décomposition avancé des « adversaires essentiellement ventriloques », qu’on peut taire à défaut de Doungourous, par des simples promesses. Il faudrait bien qu’un jour, on sorte de ces logiques simplistes de lecture des actes posés par Paul Biya qui n’a pas tenu compte de l’avis du principal leader de l’opposition avec qui il aurait discuté de la question pendant les traditionnels de vœux de nouvel an, à la présidence de la république.
« Peut-on exclure une partie du corps électoral et considérer qu’une telle élection est légale? », s’interroge Charles Tchoungang. « C’est une question de cohérence juridico-institutionnelle. Le bon sens eut voulu que l’on organisât d’abord les élections municipale et législative avant », tranche t-il. Une situation comme celle-ci aurait, dans un pays normal, fédéré les énergies du coté des pires perdants que sont les opposants. Se rendent-ils compte qu’ils sont en train de mourir politiquement, savent-ils que Paul Biya, même sans entrer en compétition, à déjà 30 % des voies en plus du ras de marée électoral qu’il s’apprête à avoir si les élections sont organisées le 14 avril prochain? L’opposition a-t-elle encore le cran nécessaire pour se mobiliser et mobiliser les énergies afin de dire non à ce nouveau hold-up électoral qui n’honore personne, même pas les apparatchiks du régime ?
Ces élections sénatoriales, aux allures de positionnement et de préparation d’un successeur constitutionnel à Paul Biya, détermineront tant à l’international qu’à l’intérieur du Cameroun la crédibilité de l’ensemble du processus électoral au Cameroun. La règle de droit qui milite pour le caractère impersonnel des lois est loin de nous inspirer car nous n’avons pas d’homme d’Etat au Cameroun, c’est-à-dire ceux-là qui s’interrogent davantage sur l’avenir des enfants de la République d’aujourd’hui et de demain, plutôt qu’à leur maintien au pouvoir contre vents et marées.
Que les opposants institutionnels au régime s’organisent pour mieux porter l’estocade, eux qui ont déjà au moins 30 buts à remonter sans jamais participer au match. Quand on est convaincu d’avoir perdu une rencontre sportive qui n’a pas encore eu lieu, on y participe généralement pour satisfaire à la formule de Pierre de Coubertin, pour ne pas payer les pénalités liées au forfait et donc adhérer aux exigences des annonceurs sans qui, désormais, l’enjeu se détache du jeu et démobilise ces millions de fans qui ont sacrifié bien de choses pour y assister. Dans ces conditions, on est au moins sûr d’une chose, c’est qu’on a pas l’assurance d’avoir contre soi l’arbitre de la partie, ce qui permet toujours d’entretenir le rêve et donc l’espoir.
En se taisant, en s’abstenant ou en refusant d’agir de façon ferme, ils permettent au régime de justifier dans l’esprit ses errements et donnent au peuple l’opportunité de conclure qu’ils sont des militants du dimanche qui agitent le chiffon rouge juste pour tirer les marrons du feu et se casser, à la grande désolation du peuple désabusé, meurtri et surtout dépolitisé au fil de déceptions.
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