Le changement qui vient de s’opérer à la Direction générale s’effectue dans un contexte favorable où les travaux actuellement en cours pour augmenter la capacité de production vont se poursuivre. Il s’agit d’un acquis à l’actif du Directeur général sortant qui a forgé le capital de confiance dont jouit la Sonara auprès des milieux financiers.On a jusqu’ici peu entendu sur la situation réelle de la raffinerie nationale.Surtout des efforts de ses dirigeants grâce auxquels l’entreprise qui jusqu’en 2002 perdait de l’argent peut aujourd’hui se prévaloir de réaliser les bénéfices.Depuis plus de deux ans sous les tirs groupés d’une certaine presse nationale qui a fait de son ex Directeur général, sa cible, la Sonara y apparaît comme une entreprise en lambeaux et dont les fonds importants, estimés à des dizaine de milliards de Fcfa ont été vampirisés par Charles Metouck. Comment donc une telle entreprise a pu maintenir son activité, et surtout réaliser l’ambitieux programme d’investissement en cours, en bénéficiant des concours importants des institutions financières ?
Etat des lieux
Malgré ce matraquage médiatique et les rumeurs incessantes d’arrestation, rien n’avait entamé la détermination de Charles Metouck. Imperturbable et entêté par cette volonté que son entreprise doit maintenir la couverture du marché local estimé à 1 million de tonnes par an. Son autre souci constant était d’améliorer le positionnement sous régional en livrant au Nigeria et à la R.C.A.C’est à cette tâche que s’attèle Charles Métouck jusqu’au 15 Février dernier, quand il quitte les commandes de la Sonara où il a lancé, non sans une certaine adversité, les travaux en cours. Cet ambitieux programme de modernisation et d’extension de son outil de production pour sa réalisation a nécessite des concours du secteur financier. L’importance des financements dont a bénéficié la Sonara témoigne à lui seul, de la qualité du risque bien apprécié par les banques prêteuses.
De l’état des lieux de la Sonara, il ressort d’abord un outil de production en inadéquation avec la nature du brut camerounais. Pour produire, la Sonara s’approvisionne essentiellement au Nigeria et en Guinée Equatoriale et aux conditions du marché international. Aussi, les prix des produits pétroliers camerounais sont régulièrement exposés aux chocs de ce marché exogène. Au rang des défis à relever par la Sonara, il y a l’augmentation de la capacité de production, car même si cette raffinerie permet de satisfaire la demande nationale et d’exporter les excédents, il y a une sous utilisation de ses capacités. Pour atteindre sa taille critique, la Sonara doit produire environ 3,5millions de tonnes par an, donc un peu plus que les 2,1 millions de tonnes actuels.
En réponse à ces préoccupations réelles, Charles Metouck qui a engagé un plan de modernisation avec l’accord du gouvernement a sollicité l’appui du secteur bancaire local et sous régional. La situation financière de l’entreprise au cours des trois derniers exercices présente les indicateurs favorables : notamment, le chiffre d’affaires en progression, des fonds propres en hausse, et des marges brutes importantes. Au rang des acquis, il y a également la performance commerciale et la rentabilité dont l’impact est légèrement altéré par l’évolution défavorable des coûts d’achat du brut.
Le poids de la dette de l’Etat
A la Sonara, l’on ne se contente pas seulement de ces quelques bons points. Le management de cette entreprise d’économie mixte a souvent fait part de ses inquiétudes relatives à l’endettement élevé qui rend le fonctionnement de la raffinerie très dépendante vis-à-vis des banques et dont la conséquence à court terme est la baisse de la rentabilité. A l’origine de cette situation, il y a l’augmentation sans cesse continue de la dette du gouvernement vis-à-vis de cette entreprise.Pour faire face aux retards et arriérés dans le paiement de la compensation sur le prix de vente aux marketers et garantie son maintien à flots, la Sonara est obligée de faire recours aux financements bancaires. Il ne fait l’ombre d’aucun doute qu’en raison de son importance, cette dette handicape considérablement la Sonara. Au 31 Décembre 2012, elle était estimée à 347 milliards de Fcfa. En vue de son règlement,une partie de la dette (165 milliards Fcfa),a fait l’objet de titrisation en trois phases payables de l’année 2013 à 2015. Quant à la partie restante, son apurement progressif se fera à travers plusieurs mécanismes, telles que la compensation de la dette du gouvernement et des taxes dues au trésor par la Sonara.
Deux grands chantiers
Les perspectives sont meilleures au moment du changement de Directeur général à la Sonara, et c’est dans la sérénité que va se poursuivre le fonctionnement de cette entreprise. Deux grands axes se dégagent du tableau de bord de Ibrahim Talba Malla qui du fait de ses fonctions passées est au fait de la situation. Outre le rappel par le nouveau Directeur général de l’engagement des pouvoirs publics à poursuivre la modernisation de la raffinerie à travers le projet d’extension en cours, il y a aussi à engager le chantier non moins important des modifications éventuelles de la structure des prix du carburant sur le plan national.
Engager le projet de modernisation et d’extension de la raffinerie de Limbe n’a pas été une sinécure pour le Directeur général sortant qui a souvent rencontré de nombreux écueils. C’est en 2004 que ce projet reçoit l’aval du gouvernement. Puis va suivre la recherche des financements matérialisée par la signature en Décembre 2009 de la première convention de financement. Cet ambitieux projet qui va augmenter la capacité de production actuelle de 2,1 millions de tonnes pour la porter à 3,5 millions de tonnes à l’horizon 2015, poursuit un triple objectif stratégique, économique et commercial. La première phase du projet dont le coût global est estimé à 130 milliards de Fcfa est complètement achevée et la mise en activité des nouvelles unités devrait se faire au début de l’année 2014. Estimés à 220 milliards de francs Cfa, les travaux de la deuxième phase n’ont toujours pas débuté. Si l’on a désormais l’idée de la structuration de son financement, il est à craindre que, sous l’effet des pressions diverses des pontes du pouvoir qui ne font pas mystère de leur convoitise à l’égard de ces fonds, la suite des travaux ne soit perturbée. A titre de rappel, l’une des accusations portée contre le Directeur général sortant, c’était de ‘’gérer un important pactole, sans distribuer les enveloppes dans certains cercles du pouvoir’’.
S’il est difficile pour l’heure de savoir si Ibrahim Talba Malla va se montrer plus ‘’coopératif’’, ce dont on est du moins sûr, c’est qu’en droite file de ce qu’il fait à la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures (Csph), il va militer pour la modification de la structure des prix du carburant. L’on se rappelle à ce propos que la position de la Csph, que dirige encore et toujours le nouveau Directeur général de la Sonara, épouse celle des bailleurs de fonds internationaux. Au cours de la dernière revue conjointe Fmi-Banque Mondiale effectuée au second semestre de l’année 2013, ces institutions ont de nouveau recommandé la levée de la subvention à la Sonara, qui permet de maintenir le prix du carburant à la pompe inchangé. Pour eux, les prix du marché international doivent être répercutés aux consommateurs finaux. Si les conséquences sociales de cette mesure rendent son application difficile pour les autorités camerounaises, il n’en demeure pas moins vrai que pour la Sonara, la libéralisation du prix constituerait une évolution positive, en raison de la difficulté à obtenir les paiements de l’Etat. Dans le cas contraire, Ibrahim Talba Malla devra affronter les tensions de trésorerie dont fait souvent face cette entreprise au point de fragiliser ses importations de matières premières.
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