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Chantal Kambiwa : BRISER LE SILENCE !!


Au moment où la communauté internationale s’apprête à célébrer la Journée Internationale de la Femme (JIF) le 8 mars prochain sous le thème " L’élimination et la prévention de toutes les formes de violences à l'égard de la femme et de la fille", différentes campagnes et actions sont menées à travers le monde pour arrêter ces violences. En tant que défenseure des droits de la femme, et subissant moi-même des violences, la violence de trop que j’ai vécue le samedi 16 février 2013 m’amène à aborder cette autre campagne pour contribuer à arrêter les violences faites aux femmes autrement.
Au lieu de parler des autres et leur donner des conseils comme d’habitude, je saisis cette opportunité pour personnellement mettre en œuvre ce que je prône à travers divers foras aussi bien au niveau national, régional qu’international: briser le silence.
Mon histoire de violences subies et répétées remonte à 2002.
Au cours des élections législatives  de 2002,  je me présente comme candidate de mon parti, le Social Democratic Front (SDF) dans ma circonscription électorale et dois passer par des élections primaires face à 03 autres camarades de sexe masculin avant les investitures de mon parti pour la confection de la liste des candidats. A la fin des primaires, je suis première parmi les 4 candidats, avec un écart d’une centaine de voix entre le deuxième et moi.
Les résultats des élections primaires me plaçaient, selon le but de cet exercice démocratique, en tête de la liste des candidats de mon parti dans ma circonscription. Mais à la surprise générale, la Commission d’Investitures de mon parti n’a pas confirmé ce classement. Elle ne m’a pas portée tête de liste.
Les explications données pendant la réunion du Comité Exécutif National (CEN, plus connu sous son acronyme anglais NEC) par le président national, M. John Fru Ndi, ne justifiaient pas ce classement. Et, face à la résistance de ce dernier à respecter le choix démocratique de la base, j ai dû recourir aux médias et aux  différents partenaires qui avaient appuyé la formation des femmes de différents partis politiques dans notre pays pour une meilleure représentativité des femmes à l’Assemblée Nationale et dans les exécutifs communaux.
A la fin de cette bataille, le NEC m’investit alors finalement tête de liste comme l’avait voulu la base lors de la primaire. Contre l’avis de mon président national, je conduisis alors, avec beaucoup de difficultés, la liste de mon parti, le SDF, à ces élections dans ma circonscription. Il ne me l’a jamais pardonnée. Comme en témoigneront ses reproches répétés à ce sujet au cours des différentes réunions  du NEC.
Etant membre de l’Internationale Socialiste (IS) qui a tenu son dernier congrès, du 30 août au 1er septembre 2012,  au Cap en Afrique du Sud, mon parti devait donc se préparer au renouvellement des instances dirigeantes de cette organisation. Organisation dans laquelle j’ai accompli un parcours exaltant: dès 1999, alors que cela ne semble intéresser personne au sommet du parti, je suis déléguée du SDF au XXIème congrès de l’IS et du Congrès l’Internationale Socialiste des Femmes (ISF) à Paris ; en 2001 : déléguée de l’ISF au Comité Afrique de l’IS ; en 2003 : élue Vice-présidente de l’ISF pour l’Afrique Occidentale et Centrale au Congrès de Sao Paulo (Brésil) ; 2008 : réélue au même poste lors du congrès  d’Athènes en Grèce  doublée de l’élection comme  Membre du Présidium en tant que vice-présidente de l’IS.
Au vu de ce qui précède, je pouvais me prévaloir d’une riche expérience et d’une parfaite connaissance des rouages de l’Internationale Socialiste (l’IS), la principale organisation mondiale regroupant des partis politiques, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition.
J’ai naturellement pensé que c’est pour cette raison que ma candidature a été retenue en 2012 parmi la trentaine présentée, au congrès du Cap en Afrique du Sud,  mais aux côtés de celle de mon camarade alors 2ème vice-président national Joshua Osih. Dès lors, mon parti avait la particularité unique au sein du groupe africain de l’IS de présenter… 2 candidats au poste de vice-président de l’Internationale Socialiste. La liste de tous les candidats, sans exception, a circulé selon les règles et usages de l’Internationale Socialiste.
Seulement, le jour du scrutin au congrès,  et à quelques minutes seulement de l’ouverture du vote, alors que le bulletin unique comportant les noms de tous les candidats est distribué aux partis en règle, donc ayant le droit de vote, mon président national, M. John Fru Ndi, demanda la parole pour déclarer devant une assemblée des congressistes médusée, qu’il a envoyé, la veille, à son arrivée au Cap, une lettre au secrétariat de l’IS demandant le retrait d’un des 02 noms envoyés par son parti, mais qu’il est surpris de constater que ce nom figure toujours sur la liste (bulletin de vote unique) .
L’explication qu’il donne à cette assemblée, de plus en plus troublée, est la suivante : « Au départ, mon parti a effectivement envoyé une liste avec 02 noms comme candidats au poste de vice-président, mais à présent, mon parti a décidé de retirer un de ces 02 noms, malheureusement, le nom à retirer est celui d’une femme, mais on ne peut pas faire autrement puisque c’est la décision de mon parti et j’exige qu’elle soit appliquée »
Emoi à peine contenu dans la salle du Congrès. En effet, l’Internationale Socialiste s’est toujours battue pour la promotion de la femme. Pour mémoire, c’est au congrès des femmes socialistes en 1910 à Copenhague qu’il a été décidé du choix du 08 mars pour célébrer la Journée Internationale de la Femme (JIF). D’où la stupéfaction et l’indignation des congressistes après les propos de mon président national. Laquelle indignation s’est traduite dans le score sans appel obtenu par les deux militants du SDF, mon camarade et moi, à l’issue du scrutin: Chantal Kambiwa : 3ème sur 33 et Joshua Osih : 33ème sur 33.
Ma victoire, éclatante et sans bavures, provoquera une terrible colère de mon président national qui me le manifestera dès l’annonce des résultats. Il va donc s’imaginer que des représailles foudroyantes vont me contraindre à démissionner de mon poste de vice-président de l’IS conquis pourtant de manière démocratique  pour l attribuer « automatiquement » à mon camarade malheureux Joshua Osih, qui avait sa préférence personnelle. Que non ! J’ai décidé de tenir bon, d’autant que je ne crois avoir ni volé, ni usurpé d’aucune responsabilité, fut-elle interne au parti, ou internationale !
Dès cet instant, mon président va multiplier manœuvres et manipulations pour mettre à exécution ses menaces : "Puisque tu as refusé de retirer ta candidature au profit de mon préféré, malgré mon insistance, tu n’occuperas plus jamais un poste de direction dans le parti et tu ne seras plus investie à aucune des élections aussi bien interne au sein du parti qu’au niveau national".
Ce sont ces menaces de liquidation politique qui sont exécutées jusqu’à ce jour.
De retour du congrès de l’IS au Cap, pendant les investitures de mon parti en octobre dernier en vue du renouvellement du Comité exécutif national (NEC) lors de la convention nationale élective attendue, ma région du Littoral m’avait investie comme candidate à la 2ème vice présidence nationale. Mais le président national qui était lui-même candidat à un poste du NEC (la présidence nationale),  ainsi que mon concurrent d’une autre région au même poste de 2ème vice-président national, siégeait également à la commission nationale d’investitures. Juges et parties quoi ! Au cours de la réunion du NEC précédant l’ouverture de la Convention nationale élective,  le  président national lira des noms des candidats provisoirement investis par la Commission qu’il avait personnellement présidée !

Naturellement, comme il l’avait juré, mon n’y figurait plus! Malgré mes explications ainsi que les interventions des membres du NEC pendant et après cette réunion, mon nom n’a plus jamais figuré comme candidate sur la liste officielle affichée au congrès ; au grand étonnement et à la grande déception des militantes et militants venus des 10 régions du pays pour élire la direction de notre parti.
Le rubicond a été franchi samedi 16 février 2013 à Bamenda. Alors que je m’y étais rendue  pour participer à la réunion du Comité exécutif national (NEC) de mon parti, en ma qualité de membre du Shadow cabinet en charge des questions de genre, dès mon arrivée et avant le début de la dite réunion, j ai  déposé mes affaires dans la salle de réunion et suis allée au domicile du président national pour un bref entretien sur le parti dans ma circonscription ainsi que sur les réunions des conseils de l'ISF et de l’IS tenues récemment au Portugal. À peine avais-je dit bonjour qu’il m’a dit que cela ne valait pas la peine que je reste pour la réunion puisqu’ il ne supportera pas de s’asseoir dans la même salle de réunion que moi. Pis, que d ailleurs il ne me reconduisait pas dans son Shadow cabinet parce que je lui ai fait honte à une réunion internationale (congrès de l’IS au Cap) en refusant de retirer ma candidature au profit de celle de mon camarade Joshua Osih qu’il avait choisi.
Voyant que j’essayais de lui donner des explications que j’avais déjà faites auparavant au cours de la réunion du NEC ayant suivi ma réélection au Présidium de l’IS, il a rajouté qu’il sortirait de la réunion du NEC si j’y entre. Sur ce, il a fait venir la Secrétaire Générale du parti pour lui dire que je ne devais pas avoir accès à la salle de réunion parce que j ai refusé de lui obéir. Comme la Secrétaire générale essayait de lui faire comprendre que dans les communiqués  qu’elle a fait passer dans les médias pour la convocation de cette réunion, les membres du Shadow cabinet étaient conviés comme d habitude, le président national l'a instruite de ne pas lire mon nom puisqu’il a constitué un nouveau Shadow cabinet sans mon nom. Mais la Secrétaire nationale de lui rappeler que je suis membre du Shadow cabinet jusqu’ à la publication de la nouvelle liste de membres. Evidemment, il n’a voulu rien entendre ni rien comprendre. Il a redit devant des camarades abasourdis que si j'entre en salle de réunion, il n’y entrera pas. Je lui ai demandé s’il voulait que je retourne chez moi sans assister à la réunion après cette longue distance soit 06 heures de route. Il m a dit oui, en me rappelant les menaces que lui et mon camarade candidat malheureux au Cap avaient proféré à mon endroit après mon élection au Présidium, menaces que j’avais du reste dénoncée au NEC.
Sur ce, je suis retournée dans la salle de réunion située dans sa concession pour récupérer mes affaires  et rapporter ce que je venais de vivre à quelques camarades stupéfaits. Puis j ai quitté les lieux.
Je reste fermement convaincue que le SDF, mon parti est la seule formation politique capable d’apporter le changement tant attendu de notre pays et de notre peuple.
En tant que femme politique et social-démocrate, je me dois de dénoncer et de combattre toute attitude qui vise à humilier et à rabaisser l’être humain en général,  la femme en particulier. C’est la raison pour laquelle j’ai tenu à briser le silence et la douleur que je couve depuis bientôt plus de 10 ans en révélant au grand jour, le harcèlement moral, les tortures psychologiques et les violences politiques que me fait subir  mon président national.
En tant que dirigeante, il m’incombe le devoir de dénoncer les mauvais traitements et les pratiques d’un autre âge pour éviter à d’autres femmes de vivre une aussi triste situation. Le SDF, parti du changement, parti de l’avenir, membre de l’IS doit rester à l’avant-garde des combats des femmes.
En en rompant aujourd’hui avec cette attitude de réserve  dans l’espoir de voir celle du président national changer à mon égard,  je veux, à travers mon cas espérer que plus jamais une femme engagée dans la vie sociale, civile ou politique de ce pays, ne soit l’objet d’un tel traitement à visées dégradantes.C'EST ENSEMBLE QUE NOUS DEVONS ARRÊTER LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES !
Douala le 18 février 2013,
Chantal Kambiwa
Membre du Front Social Démocrate (SDF), Cameroun
Vice- présidente de l’Internationale Socialiste
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