Le Cameroun n'existait plus. Les otages français sont venus ressusciter ce pays fantôme. Un pays d'insolite et d'anecdotes, comme cette prise d’otages. Un pays où l’armée est omniprésente. Les otages français sont révélateurs de ces incuries et ces contradictions d’un système, qui tient lieu de gouvernement, censé veiller sur la sécurité des biens et des personnes. Avec des relents électoralistes, au lendemain des sénatoriales truquées du 14 avril, 2013 ; Paul Biya, s’est trouvé un détergent, avec cette libération d’otages, pour se nettoyer de ses manquements : l’anarchie.
La paix est fragile : les institutions sont soumises à rude épreuve. Le Cameroun ne parvient pas à enrayer la rébellion qui progresse à petits pas, d’abord dans le Nord, ensuite, endiguer l’insécurité et l’indiscipline qui gangrènent les forces de l’ordre. Le calendrier électoral et la libération de ces otages, laissent plus d'un observateur songeur. Comment Paul Biya a-t-il pu, au lendemain d'une élection cruciale libérer les otages? Pourquoi deux jours après la prise en otage de ces Français, un général de l'armée confirmait la libération de ces otages? Pourquoi ce n'est qu'au lendemain d'une visite foireuse de Paul Biya en France, que ces Français sont pris en otage? Toutes ces interrogations ne sont pas de nature à militer en faveur de ce régime "voyou".
L'image du régime
La communication et l'image ont conquis le monde ; sans image un État n'existe pas. Sans communication, il s'asphyxie. Conscient des lacunes de communication sur son image dans l'opinion internationale, par rapport, à sa longévité au pouvoir (31ans), Paul Biya, a conscience qu'il ne fait plus l'affaire des chancelleries étrangères. Sa gouvernance, a une réputation sulfureuse, comme étant un des pays les plus corrompus au monde, selon Transparency International ; un pays où les droits de l'homme sont bafoués; un pays où la course aux biens mal acquis est un sport national; en somme, un pays en déliquescence. Face à cette donne, qui lui semblait insurmontable, Paul Biya n'avait que le sport pour redorer son image ternie dans le monde. Le football aussi a déçu, ni Eto'o, ni Milla, n'ont pu rapporter à ce pays, le crédit et le capital qu'ils ont drainé par le passé, avec les prouesses de Milla au mondial 90 ; et les exploits d’Eto’o au Barça.
Aujourd'hui que retient-on du Cameroun du 21ème siècle? Évasions de capitaux et petites misères ; jeunesse à l'assaut des ambassades pour émigrer; taux de prévalence du VIH avoisinant 70% de la population active; illettrisme et déscolarisation grandissants. L’arbitraire a été érigé en système politique; la famille Fournier n’a pas échappé à l’oeil de ce cyclone omniprésent. En tout cas, tout laisse à le croire. Avec l'image de la libération des otages, l'image de Paul Biya et sont système, seront à la une de notre « société de communication ». Avec l'image et la communication, il va sans dire que, devant l’impact, la force de ce que l’on voit sur l’écran, on oublie parfois de se demander comment cela est filmé, comment ces images ont été élaborées, cadrées, bref, mises en scène. On en arrive à se persuader - tellement le débit des images coule naturellement - que filmer va de soi, qu’il suffit de laisser une caméra tourner, enregistrer l’événement pour faire acte de crédibilité politique.
Une armée omniprésente
Hegel, il y a deux siècles, déplorait l’incapacité chronique des États à tirer les leçons des expériences de l’histoire. Les gouvernements ne sont pas les seules puissances incapables d’apprentissage. Le gouvernement de Paul Biya a échoué, même s'il ne veut pas l'accepter. La communauté internationale en cautionnant cette libération d'otage suspicieuse, semble elle aussi condamnée à la persévérance dans l’erreur, à l’aberration récurrente et à l’éternel retour de la crise des institutions internationales - Onu, Union Africaine. Quoique portant sur du « terrorisme » nouveau, la crise actuelle politico-religieuse, donne à voir une fois de plus les ingrédients chimiquement purs du désastre des institutions régaliennes: armée, police, gouvernement. Mais , à regarder de près le système de gouvernance au Cameroun, et par rapport à son armée, donne une occasion de plus, de méditer sur les « bienfaits » de la libération de ces "otages" électoralistes.
Un des signes annonciateurs de la crise qui secoue le Cameroun, a pris un autre tournant, en décembre 2012, quand un sous-officier de la garde présidentielle, a tiré sur le cortège présidentiel. Il n'a échappé à personne que de nombreuses fractures ont été observées au sein de l'armée. Des jeunes officiers voulaient en découdre avec leur hiérarchie, selon eux, corrompue. Et pourtant, en mai 2000 lorsque le président Paul Biya, lors d’une conférence de presse, indiqua qu’il ne pas pouvait être question de punir les militaires pourtant mis en cause dans le rapport d’une commission d’enquête, pour les détournements. Ce rapport stigmatisait le vieillissement des chefs d’État-major (70 ans est la moyenne d’âge des 25 généraux que comptent l’armée camerounaise). Ne voyant pas cette intrusion d’un bon œil, les pressions des forces armées se sont accélérées pour avoir une mainmise sur ce qu’ils appellent leur chasse gardée.
Le chef suprême des Forces armées nationales du Cameroun, a promu en 2011, une dizaine d’officiers supérieurs au rang d’officiers généraux, c’était faire une armée de métiers taillée sur mesure. Paul Biya décida de ne donc pas mettre ses officiers généraux à la retraite. Pendant que le peuple boude en privé et des officiers subalternes sont prêts à en découdre, il paraphrase, lors d’un de ses multiples voyages à l’étranger le feu président Houphouët Boigny ;vous m’exigerez pas de "mettre mon armée contre moi-même. . . Je ne prendrai aucune sanction" avait-il conclu, pendant que le népotisme est érigé en valeur au sein de l’armée. Fort irrité des tensions qui prévalent sur le plan intérieur, un Paul Biya vieillissant, malade et dépassé, ne peut qu’avoir pour pilier son armée.
Comment donc comprendre que, dans un pays hautement militarisé comme le Cameroun, avec toutes ses forces d'élites, que celles-ci , n'aient pas pu contrecarrer les preneurs d'otage, si ce n'est avec la complicité passive de certains gradés, si ce n'est avec celle de leur chef? A quoi servirait donc le BIR (Bataillon d'intervention rapide), supposé lutter contre les terroristes et protéger les frontières camerounaises?
Paul Biya n’ayant pas de dauphins supposés, laisse courir tous genres de guéguerres au sein des institutions. Car, déclarait-il, qu’il ne pouvait laisser le Cameroun dans le chaos et entre les mains d’apprentis sorciers (opposition). L’armée étant son excroissance politique, elle ne pouvait pas ignorer où se trouvaient les otages. Encore qu’au sein des forces de l’ordre cupides, sont tapis bon nombre d’indicateurs de Boko Haram…
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