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Charly Gabriel Mbock : LES MAUVAIS COMPTES FONT DE BONS COUPABLES


Au Cameroun, les listes de présomptions se suivent et ne se ressemblent pas. Toutes, cependant, concourent à l’insécurité collective, les unes plus gravement que les autres. Le Cameroun est donc désormais en mesure d’écrire son Manuel de l’Insécurité Citoyenne : l’on y apprendrait que ce ne sont ni les coupeurs de routes, ni les braquages, ni mêmes les assassinats commandités, encore moins les délestages qui créent le plus l’insécurité, mais ces listes de présomptions révélatrices d’une culture de malveillance par laquelle le Cameroun se distingue chaque jour davantage.
Des journalistes en ont été accablés il y a quelques années, lorsqu’ils ont orienté leurs projecteurs et caméras sur des vedettes présumées de cette « chose » que l’opinion nationale a, d’un nom codé, baptisée ’’bilinguisme’’. Certaines personnalités accusées de ce curieux style de ’’bilinguisme’’ ont vivement protesté de leur dignité ; d’autres encore plus outrées ont porté plainte devant les tribunaux et se sont vues réhabiliter par les voies de droit. Des hommes de médias ont été condamnés pour dénonciation calomnieuse et autres manquements à la déontologie de leur profession. Par la voix de son Président, le Conseil National de la Communication a pris position dans des émissions de grande écoute pour rejeter toute idée de dépénalisation des délits de presse et, surtout, pour annoncer des sanctions sévères à l’encontre d’éventuels récidivistes.
C’était donc important de savoir qu’au Cameroun il y a des lois, et qu’elles   punissent médisants, calomniateurs et dénonciateurs malveillants, parce qu’il y va de la dignité et de l’honneur des citoyens calomniés comme de leurs familles. Tout a été fait pour tout effacer ; et tout, ou presque, a été méticuleusement effacé. L’ennui c’est qu’en cette matière, le plus difficile n’est pas d’effacer la calomnie ; c’est d’effacer les traces de gomme…
Or à peine les Camerounais se croyaient-ils sortis de cette liste de délits de mœurs qu’a surgi une liste de comptes mirobolants sur fond de délits économiques. Le journal L’œil du Sahel s’en est profondément ému : « Les faiblesses découvertes dans cette liste sont apparues dans des procès engagés contre certaines personnalités(…) [Pourtant] tout se passe comme si cette liste fait tellement foi que lorsqu’elle a épinglé une personnalité, celle-ci est condamnée, le procès ne devant être que l’habillage judiciaire (…) Mais le Président ignore-t-il qu’il existe sur ce document de nombreuses contrevérités, des données complètement erronées voire inventées ? » (L’Œil du Sahel, N°518 du 12 février 2013, p.5).
Chacun sait que pour l’Opération Epervier, la presse a été au départ de certains procès orientés ; et pour certains autres procès sur présomption de mauvaises mœurs la presse a été blâmée et condamnée ; or c’est la même presse qui, aujourd’hui, interpelle des ‘’Responsables’’ qui n’ont libéré et publié des listes de comptes présumés que pour mieux embastiller ceux qui y figurent.
En contexte de justice on doit pouvoir, toutes proportions gardées, invoquer la symétrie sinon le parallélisme des formes, avec d’autant plus de conviction que  chacune des listes susmentionnées provoque une insécurité collective tributaire d’une atmosphère globale d’injustice généralisée. Or ceux qui se sont rendus coupables d’indiscrétion professionnelle et qui ont organisé des fuites à des fins de dénonciation calomnieuse ne sont nullement inquiétés. L’opinion attend qu’au même titre que certains professionnels de la presse, ceux-là soient dûment identifiés et invités à en répondre, eux aussi, devant nos tribunaux.
Sauf à considérer que dans la même république, certains peuvent faire condamner des journalistes pour dénonciation calomnieuse sans que ce délit ne provoque les mêmes sanctions à l’encontre d’une catégorie spécifique de citoyens qui le commettent. Mais le silence d’Etat se prolonge. Il se fait tellement entendre qu’il équivaut à une violence d’injustice et d’inéquité judiciaire, confirmant en cela qu’au Cameroun, l’Etat n’a pas hésité à s’arroger le monopole de la violence, comme le disait Max Weber…
La plupart de ceux qui sont ’’listés’’ protestent de leur innocence et s’indignent de la légèreté qui a conduit à leur mise en pâture. Ceux qui dressent ces listes aux chiffres de catalogue le savent ; ils comptent sur le sens commun et fort simple du commun des mortels qui prétend qu’il n’y a ’’pas de fumée sans feu’’. Alors sur 100 dossiers servis au public, les 5% qui sont corrects ou qui approchent la vérité des enquêtes donnent lieu à une généralisation abusive : l’opinion se surprend à affirmer que les 95 autres sont tout aussi corrects et irréfutables. Le sens commun a donc beau jeu  d’affirmer que si c’est vrai pour 5, ce doit être vrai pour le reste. L’examen révèle cependant qu’en réalité, l’opinion a été, une fois de plus, instrumentalisée : elle a été si savamment conditionnée que ce n’est plus la vérité qu’on lui fait chercher, mais des têtes à couper.
Hier, nous avions des détourneurs présumés dont la présomption d’innocence a été subrepticement évincée au profit de la présomption de culpabilité. Voici que s’y ajoute la présomption de compte pour des détourneurs présumés, tout aussi présumés coupables les uns que les autres. La seule constante de toutes ces présomptions cumulatives est la volonté populiste de condamnation ostentatoire dont le seul argument est le bon sens populaire évoqué plus haut : ’’Mentez, mentez ! Il en restera toujours quelque chose !’’’
Pour que les Camerounais s’en fassent une opinion argumentée, il a semblé de bonne méthode de se rapprocher de certaines personnalités mises en cause, notamment de celui dont le statut atypique a largement inspiré un ouvrage collectif remarqué sur l’Opération Epervier. 
ETONDE EKOTO : questions d’une vie 
En attendant que des biographes l’explorent de manière exhaustive, la vie d’Edouard Etonde Ekoto est jalonnée de faits propres à expliquer, sinon à justifier la révolte indignée qu’il exprime devant la brutalité judiciaire dont il s’estime victime. « Croyez-vous que ce soit la vérité qu’on recherche ?»  S’interroge-t-il. Par cette question, il ne se contente pas de douter des motivations réelles de l’appareil mobilisé sous le nom de l’Opération Epervier. Car s’il y a effectivement recherche, l’obscurité réside dans l’objet de ladite recherche. Sous prétexte d’assainissement tardif des mœurs managériales, le projet serait-il de fanatiser l’opinion, d’accabler les compétences nationales au point de dégoûter les meilleures de tout engagement ?  Et que dire de ceux qui, sans plus être ni fonctionnaire, ni Employé de quiconque, ont bâti leur confort matériel de leurs mains, et dont le savoir-faire  a motivé leur sollicitation par cet Etat qui, par amalgame et amnésie, veut les présenter comme autant de « créatures » ?
Etonde Ekoto se trouve être de ces derniers : « Tout ce qui m’appartient est à mon nom propre. Je n’ai pas eu besoin de pseudonymes ni d’écrans ». Ses fonctions au sein du COLE –ACP lui permettaient de voyager six (6) fois l’an dans plusieurs pays ACP (Ethiopie, Kenya, Zanzibar, Tanzanie,  Trinidad et Tobago, St-Martin, Martinique, Guadeloupe, etc…) dont certains sont des paradis fiscaux. « Vu les limites de mes ressources, je n’ai pas pu y ouvrir des comptes. J’aurais cependant pu le faire sans que cela ne nuise à personne, puisque j’étais un particulier travaillant à son propre compte ».
Edouard Etonde Ekoto se scandalise donc que son nom figure sur les listes des comptes à milliards. Bien plus, il ne comprend pas qu’après un travail de recherche qui se veut méticuleux et dont les résultats se prétendent incontestables, les listes présumées ne fassent pas état de ses comptes au Crédit Lyonnais de Paris, notamment à l’Agence de l’Ecole Militaire. Ces comptes existent depuis… 1966 ! Mais ils ont été fermés à la suite d’une plainte déposée contre l’Agence par la mission Dooh Collins commanditée par M. Amadou Ali - alors Vice-Premier Ministre en charge de la Justice. Suite à ces fermetures injustifiées, Etonde Ekoto a vivement protesté  auprès de la hiérarchie de la Banque. Le Chef d’Agence - qui avait pris une initiative individuelle et personnelle sous la pression des « enquêteurs » du gouvernement camerounais - a été limogé par ladite hiérarchie alors soucieuse de faire droit aux légitimes protestations  d’un client d’aussi longue date.
Par ailleurs, la liste n’aura pas non plus mentionné le compte d’Etonde Ekoto à Monaco,  encore moins celui de Montréal par lequel il assurait la subsistance de ses enfants alors étudiants. Lui qui ne s’est jamais caché d’un certain avoir et d’un confort certain, tous fruits de ses efforts personnels, estime insultant qu’on l’affuble de noms d’emprunt ou des prête-noms pour des comptes dont il ignore tout et qui, pour comble d’affabulation, seraient ouverts dans des banques installées dans des régions du monde que ni ses activités, ni ses relations ne lui ont jamais permis de visiter. 
Tout laisse  craindre, en ce qui le concerne tout au moins, que la fabrication de preuves est la principale motivation de son apparition sur les listes de comptes présumés.
Les sirènes du Port autonome de Douala
Il n’y aurait pas eu besoin d’insister si Edouard Etonde Ekoto n’avait pas eu l’opportunité de faire fortune sur le dos de l’Etat en répondant aux appels pressants de certaines sirènes. Cette opportunité il l’a eue, encore que tardivement et bien après fortune personnelle faite, comme Délégué du gouvernement à la Communauté urbaine de Douala : pour diligenter les grands travaux de voirie en 2004, le Délégué du gouvernement qu’il était a contribué à titre privé pour 25.000.000 (Vingt cinq millions) F cfa, équivalant à un quart du capital requis. Cette somme lui a été remboursée en avril 2005, sans intérêt ! Cela n’a pas empêché que les 5.000.000 (Cinq millions) cfa qu’il a alors légalement perçus comme actions en portage aient été, par malveillance et acharnement, dénaturés en « détournement ».
La Banque mondiale avait consenti un important prêt de 33 milliards pour deux lots de voirie. Des soumissionnaires informés de la disponibilité de ce montant ont fait leurs offres en conséquence, au plus près des chiffres susmentionnés. Edouard Etonde Ekoto a opté pour des offres de loin moins coûteuses de deux entreprises chinoise et tunisienne, pour un montant global de…20 milliards, pour les mêmes ouvrages. Malgré les pressions de personnalités désireuses de voir attribuer le marché aux sociétés occidentales informées du volume des crédits, Etonde Ekoto a fait front, permettant ainsi à la Communauté urbaine de Douala d’économiser une coquette somme de 13 (treize) milliards CFA ! Ce sont les crédits ainsi épargnés et sécurisés qui ont permis de réaliser un troisième lot, non prévu au départ, de 8km à quatre voies dans la zone Nyalla – Yassa.
Des institutions aussi prestigieuses et aussi regardantes que la Banque mondiale et l’Agence française pour le développement n’ont rien trouvé à redire ni sur cette gestion, ni sur les trois prestations, dont la troisième relevait de l’initiative personnelle du Délégué du gouvernement. Quand on sait le nombre d’avenants que certains projets routiers ont suscités au Cameroun, on peut s’interroger sur la motivation des poursuites et de la condamnation dont Edouard Etonde Ekoto a été l’objet au Port autonome de Douala, s’agissant notamment d’un détournement allégué de 3.800.000 F CFA. Cet officier supérieur de l’armée camerounaise, Opérateur économique à succès et Délégué du gouvernement, n’aurait été capable de résister à la tentation de détourner 13 milliards FCFA que pour succomber aux sirènes de 3.800.000 FCFA (Trois millions huit cents mille) fca ! Il aurait ainsi lâché une proie pour son ombre !...
Etonde Ekoto avait beau être dans un port, l’appel des sirènes pour le large ne semble pas avoir été assez séduisant pour faire plonger un caractère aussi trempé que le sien. Sans doute est-ce pour cette raison que loin de diminuer l’accusé, l’accusation de détournement a rejailli sur l’accusateur comme une certification de sa propre vulnérabilité éthique !  
La volonté manifeste de fanatiser l’opinion par des chiffres de catalogue se heurte donc quotidiennement au scepticisme grandissant des populations du Cameroun. Les diverses plaidoiries le confirment jour après jour. Qui, par exemple, comprendra que M. Njem, se soit vu attribuer un compte à l’extérieur, crédité de 360.000.000 (Trois cent soixante millions) fcfa, lui dont il est dit qu’en modeste fonctionnaire, il n’est pratiquement jamais sorti du Cameroun ?
Comment se convaincre en toute lucidité que Jean Baptiste Nguini Effa soit titulaire d’une trentaine de comptes fournis dans quatre continents, comptes dont la gestion nécessiterait à elle seule tout un Service financier intercontinental? Et comment ne pas prendre… en compte les vives protestations d’Yves Michel Fotso qui demande qu’on lui apporte les chéquiers des comptes fictifs à lui abusivement attribués pour qu’il les vide au profit de qui de droit ?
Au-delà des fautes de gestion et des faiblesses qu’on peut avoir constaté et qui méritent d’être frappées de sanctions aussi justes que proportionnées, l’opinion se demande si l’Opération Epervier vise aussi insidieusement à dégoûter les cadres camerounais compétents du Service public, pour trouver prétexte d’importer quelque moteur extérieur de développement national… 
La controverse provoquée par la liste des comptes présumés ne s’arrête pas aux  protestations documentées des mis en cause. Elle reflète un malaise né de l’institutionnalisation d’une terreur judiciaire - qui n’a plus rien à voir avec la peur civique du gendarme. La justice camerounaise n’a pourtant pas besoin d’être terrifiante, nul terrorisme judiciaire n’ayant de place dans une république : il  suffit à la Justice camerounaise d’être respectée. Et le respect qui lui est dû  doit pouvoir s’observer dans la liberté que la république reconnaît à ses magistrats ; il lui vient naturellement et devrait lui venir du rôle régulateur qui est le sien dans toute société policée. Il n’y a donc aucune réelle pertinence politique ni managériale à courir le monde pour courtiser outre – mer des compétences étrangères, pour se dédouaner à bon compte aux yeux de l’étranger quand, chez soi, l’on institutionnalise à mauvais…comptes le cannibalisme judiciaire.
Car c’est desservir la Justice camerounaise que de lui servir des compétences nationales à broyer au prétexte de donner des exemples d’assainissement. Dans le cas d’espèces, les mauvais comptes ne peuvent faire que de mauvais amis, ce qui revient à ‘’se faire’’ de bons coupables.  Mise en demeure de fonctionner et de statuer sur la base de mauvais comptes, la Justice au Cameroun ne risque cependant de se tromper ni d’amis, ni d’ennemis, elle qui a vocation à vivre de la justesse des comptes et des preuves, pour l’équité des procès et des verdicts.  Platon a beau être son ami, la vérité est encore plus l’ami de toute Justice conséquente.
C’est à ce titre que l’interrogation d’Edouard Etonde Ekoto interpelle le sens civique de tous, justiciables réels et potentiels, innocents d’un jour présumés coupables de toujours : « Croyez-vous que ce soit la vérité qu’on cherche ? »

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