Embastillée depuis janvier 2010 au motif de détournement présumé de deniers
publics, l'ex-ministre de l'Education de base a été libérée hier, après avoir
remboursé le corps du délit à lui reproché. Seulement, des interrogations fusent
tous azimuts pour essayer de comprendre les enjeux d'une libération qui aurait
du être faite avant la période électorale.
C'en est fait. Après trois années d'incarcération, Haman Adama
est aujourd'hui libre. L'ex-ministre en charge de l'Education de base (Minedub)
et onze de ses coaccusés ont été relaxés hier par le Tribunal criminel spécial,
l'une des juridictions chargées de lutter contre les atteintes à la fortune
publique. En effet, Haman Adama et ses coaccusés, en détention depuis janvier
2010, ont reversé plus de 369 millions francs Cfa au Trésor public pour
recouvrer leur liberté, après l'accord de Laurent Esso, ministre de la justice
garde des sceaux.
Aussi, les désormais anciens prisonniers de "l'opération
épervier", sont-ils frappés de déchéance pour cinq ans, avec inscription dans le
casier judiciaire. Haman Adama et ses co-accusés ne peuvent pas exercer pendent
cinq ans, une fonction administrative au Cameroun. Par ailleurs, faut-il le
souligner, la libération de l'ex-Minedub et sa bande obéit à l'application de
l'article 18 de la loi N°2012/011 du 16 juillet 2012 modifiant et complétant la
loi N° 2011/028 du 14 décembre 2011 portant création d'un Tribunal criminel
spécial. L'article sus relevé, stipule qu'en cas de remboursement du corps du
délit, le ministre de la justice "peut" ordonner au parquet d'arrêter les
poursuites contre les accusés.
Pour le cas d'espèce, celui de l'ancienne Minedub, l'on se
serait attendu que la disposition de l'article 18 lui soit appliquée un peu plus
tôt. Pour la simple raison qu'après sa toute première comparution, le 11 juin
dernier au Tribunal criminel spécial, Haman Adama avait accepté de rembourser le
corps du délit à lui reproché. Mais malheureusement, le sort de l'ancienne
Minedub restait encore suspendu à la faculté, voire la volonté et la discrétion
du ministre en charge de la Justice. Pourtant, une requête pour la libération
d'Haman Adama avait bien longtemps été formulée. Laquelle requête, reposait sur
le paiement par l'ancienne Minedub, au titre du remboursement des fonds dont
elle était accusée de détournement. Un présumé détournement à hauteur de 212 579
348 francs Cfa. Finalement, la justice été rendue, conformément à la loi.
Toute chose qui traduit manifestement la fin d'un long
feuilleton que d'aucuns n'ont pas hésité à qualifier de politicojudiciaire, eu
égard au retard inexpliqué ayant précédée l'application de l'article 18. En
effet, le caractère facultatif du ministre de la justice à libérer quand il le
veut, a davantage jeté le discrédit sur ce que la presse a baptisé "l'opération
épervier". Pourtant, il s'agit officiellement d'une opération de lutte contre
les détournements des deniers publics.
Simple décision de justice ou réconfort politique
?
Au vu de ce qui précède, l'on se rend compte que le
gouvernement a entretenu la controverse, tant sur "l'opération épervier" que sur
l'application de l'article 18 devant libérer les présumés détourneurs de fonds
publics. D'un côté, l'on retrouve ceux qui croient dur comme fer, qu'il s'agit
d'une opération d'épuration politique et de règlement de compte, envers les
personnes qui de près ou de loin, ont affiché une ambition politique
personnelle. De l'autre côté, l'on retrouve celles des personnes qui estiment
que le caractère "discrétionnaire" du ministre de la justice pour l'application
de l'article 18 est une manière pour le gouvernement de manipuler les procès à
des fins politiques. Et dans cette lancée, le cas Haman Adama, libérée hier, n'y
a pas échappé.
Ceci, au travers de multiples interrogations. En effet, plus
d'un voudrait bien savoir ce qui pourrait à juste titre expliquer le fait que la
justice qui de toute évidence travaille sous "les hautes instructions" du
président de la République, ait choisi de libérer l'ancienne trésorière du RDPC,
en pleine campagne électorale ? Une interrogation qui parait banale mais qui
tire tout son sens du "mauvais" état de santé du parti au pouvoir dans la région
du Grand-Nord, région d'origine d'Haman Adama. Une région qui, manifestement,
nourrit des relents de mécontentements profonds à l'égard du gouvernement et du
Rdpc, du fait de l'emprisonnement de quelques anciens hauts dignitaires déchus
du régime Biya. Est ce aujourd'hui un regain de véritable justice pour le
pouvoir d'autoriser la libération de l'ancienne Minedub ou alors il s'agit
plutôt d'une stratégie politique pour calmer les esprits des militants Rdpc dans
le Grand-Nord ?
En tout cas, selon le Dr. Guy Parfait Songuè, "C'est déjà
une avancée" que l'article 18 soit appliqué. Mais, poursuit le politologue, "a
priori, ça devrait se faire désormais avec les détenus qui sont dans les
situations judiciaires comparables à celles d'Haman Adama. Al'origine,
l'ancienne ministre et dix sept de ses ex-collaborateurs étaient accusés de
détournements de deniers publics avoisinant un montant estimé à deux milliards
francs Cfa. Le dossier, en lui-même, était articulé autour de trois volets.
Le premier concerne le paiement jugé problématique des
instituteurs vacataires, et avait finalement abouti à un non lieu. Le second,
avait quant à lui trait au paiement de certaines indemnités au ministère de
l'éducation de base, et, avait également abouti à un non lieu. Le troisième et
dernier volet, était constitué d'accusations multiformes, dont celles formulées
sur des détournements de fonds publics estimés entre 300 et 350 millions francs
Cfa. Et, apprend-on, c'est précisément dans le cadre de la dernière affaire que
l'ex-Minedub a été acquitté hier et libéré après avoir remboursé le corps du
délit.
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