En parcourant les principaux quotidiens camerounais de ces derniers jours j’ai
découvert des comptes rendus d’une conférence de presse du PDG de la Sosucam,
Louis Yinda donnée à Yaoundé, notamment au quartier Mvog Ada où se trouve ce qui
lui sert de siège. La plus grosse annonce du patron de la Sosucam est qu’il
envisagerait d’augmenter les salaires du personnel dès le 1er novembre prochain.
Ainsi donc, plus de 7500 personnes devraient avoir un peu plus d’argent dans
leurs comptes bancaires. Le Dg affirmait au cours de sa rencontre avec la presse
que l’entreprise a eu des bénéfices de 9 milliards de francs Cfa. La répartition
de cette manne financière a d’ailleurs été dévoilée : 4% pour les cadres de
l’entreprise, 7% pour le personnel de maitrise et 10% pour le personnel
d’exécution. Quoi de plus normal et d’appréciable que les dirigeants d’une
entreprise veuillent redistribuer aux travailleurs les fruits de leur labeur.
Cependant, et c’est ce qui n’a pas été mis en avant par les
journalistes ayant pris part à la conférence de presse, la situation de la
Sosucam est très loin d’être reluisante, malgré le bénéfice de 9 milliards que
son directeur général affiche comme un trophée de guerre.
Dans les prochains mois, le Cameroun pourrait connaître une
pénurie de sucre. La société sucrière du Cameroun tablait sur une production de
120 000 tonnes pour cette année, mais n’en a finalement produit que 110 000. Ce
qui est très loin de la demande locale en sucre qui est de 300 000 tonnes par
an.
C’est pour faire face à ces pénuries récurrentes en une
denrée hautement importante comme le sucre, que le gouvernement camerounais, à
travers le ministère du Commerce, a récemment autorisé des opérateurs
économiques à importer du sucre pour suppléer l’incapacité de la Sosucam à
pouvoir satisfaire une demande nationale et sous-régionale toujours croissante.
Une mesure gouvernementale, qui – on l’imagine – n’a pas été appréciée par
Sosucam, confortablement installée dans le monopole de la production du sucre au
Cameroun.
Mais, le paradoxe est saisissant ; la Sosucam semble
attribuer aux importateurs de sucre la responsabilité de ses mauvaises
performances. En même temps, elle-même est identifiée à la douane camerounaise
comme étant la plus grosse importatrice de sucre. Bien plus, beaucoup
d’opérateurs économiques sont convaincus que les pénuries régulièrement agitées
par cette société sont créées à dessein ; puisqu’elle privilégierait, à la place
du Cameroun, des marchés comme le Gabon ou la Guinée équatoriales où la vente du
sucre serait plus alléchante. Pourquoi ne donc pas produire plus de sucre au
Cameroun pour, non seulement satisfaire la demande locale, mais également
inonder le marché sous-régional ? Ce qui, au demeurant pourrait être une
importante source de revenues pour la croissance du Cameroun.
Le rôle de l’Etat
Il est évident que pour des besoins de compétitivité, une
entreprise comme la Sosucam a besoin d’être subventionnée par l’Etat. La
subvention de l’Etat ne suppose pas forcément un apport en argent, mais elle
peut prendre plusieurs formes. C’est ce qui se fait déjà, puisque les 23 000 ha
de terre que la Sosucam exploite à Mbadjock et Nkoteng ont été acquis
pratiquement au franc symbolique. L’Etat ferme les yeux sur le traitement
salarial de certains employés, sur les taxes que devraient réellement payer
l’entreprise et sur l’importation massive de sucre du Brésil que fait la
Sosucam. Les revenus de cette importation de sucre devraient donc pouvoir
permettre à l’entreprise d’investir. Il s’agit d’une forme de subvention de
l’Etat.
Autant de sollicitudes des pouvoirs publics, sous
l’impulsion du président Paul Biya, devraient pouvoir amener la société sucrière
du Cameroun à alimenter le marché local pour éviter les affres d’une pénurie
régulièrement agitée et qui menace la paix sociale si chère à notre pays. Le
chantage régulier de Sosucam ressemble à s’y méprendre à celui du groupe Lafarge
en ce qui concerne le ciment. Ce qui a obligé le gouvernement à libéraliser le
secteur de la production du ciment au Cameroun. Les consommateurs peuvent
désormais souffler.
Il y a manifestement de la mauvaise foi de la part de la
Sosucam lorsqu’elle attribue aux seuls importateurs ses propres lacunes. Les
problèmes sont ailleurs.
Créée en 1965, la Sosucam, filiale du groupe français
Vilgrain a très peu évolué, du moins pas dans les proportions qui auraient
permis d’en faire une vitrine de l’industrie agroalimentaire au Cameroun et dans
la sous-région Afrique central. Dans les plantations de Mbandjock et Nkoteng, on
a très peu modernisé l’outil de production. Il y a un besoin réel de
mécanisation de la culture de la canne à sucre et de la coupe de celle-ci. Une
telle mécanisation est un impératif catégorique. Car, de la production de la
canne à sucre dépend la quantité de sucre qui sortira des usines.
Le service de logistique de la Sosucam doit donc être plus
opérationnel. Il s’agit de la membrane, de la racine principale d’une
entreprise, sans laquelle on navigue à vue. A titre d’exemple, lorsqu’un
importateur camerounais de sucre passe une commande au Brésil, tout est planifié
en fonction de la date d’arrivée au port de Douala. C’est donc en fonction des
commandes enregistrées que la production s’organise, puisqu’il ne faut pas
produire pour produire. On produit pour satisfaire une demande précise.
Il faut le reconnaître, les structures opérationnelles de la
Sosucam ne sont plus adaptées pour faire face à une concurrence de plus en plus
incisive. Cette société doit se moderniser, en commençant par se doter d’un
siège digne d’une entreprise vielle de 48 ans.
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