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Maurice NGuepe : Naufrage de Lampedusa : les vraies raisons de l'immigration africaine (et les solutions)

211 morts, c'est le dernier bilan du récent naufrage d'un navire qui transportait près de 500 migrants de l'Afrique vers l'Europe, sur les côtes de Lampedusa, au sud de la Sicile. Pour Maurice N'Guepe, de l'organisation Jeunesse Africaine, il est urgent de revenir aux sources de cette émigration pour expliquer ce que l'Europe peut encore faire pour éviter ces drames humains.À la suite du naufrage sur les côtes italiennes de Lampedusa, le 3 octobre 2013, d’une embarcation transportant près de 500 migrants africains, naufrage qui a fait plus de 200 morts, nous, jeunes Africains, saluons les vives réactions de détresse en Europe face à ce drame, et la volonté affichée de mener une réflexion sur la question.

Mobilisation internationale

Le 4 octobre 2013, le président allemand, Joachim Gauck, a proposé la mise sur pied d’une politique d’immigration plus humaine, pendant que le ministre italien de l’intérieur, Angelino Alfano, exigeait de la part des pays de l’Union européenne plus de soutien pour répondre aux exigences liées au flux de migrants, et ce, après que l’Italie eut décrété un jour de deuil national.

De son côté, le Pape François en appelait à une mondialisation de la solidarité tandis que le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault estimait, le 5 octobre, qu'il était urgent que l'Union européenne prenne des mesures afin que ce genre de tragédie ne se reproduise plus.

À la suite de ces appels des hauts dirigeants européens, nous avons le devoir de présenter, et ce, dans l’espoir qu’elles seront prises en compte dans les discussions envisagées, les véritables préoccupations et attentes de tous ceux des nôtres qui risquent leur vie dans la traversée de la Méditerranée.

Les Africains émigrent pour fuir

En effet, c’est au début des années 1992-1993 que l’on note une augmentation de vagues successives de migrations de jeunes Africains vers l’Europe. Au tournant de ces années, l’Afrique s’ouvre au pluralisme politique.

Mais à l’espoir de justice, de liberté et de démocratie suscité par cette ouverture se substituent, dès 1993, deux décennies de gouvernance autocratique et totalitaire avec son lot de violence, de persécutions et de guerres. Du Cameroun au Burkina Faso, du Zimbabwe en Ouganda, du Congo-Brazzaville au Togo, de la Centrafrique au Tchad, de la Gambie au Soudan, de la Somalie en Tunisie (pour ne citer que ceux-ci), la violence policière et militaire a fini par avoir raison de nos espoirs.

Ce n’est donc pas pour chercher de meilleures conditions économiques en Europe que les jeunes Africains traversent la Méditerranée à la nage et à bord d’embarcations de fortune, mais, essentiellement, pour survivre à l’injustice, à l’enfer des persécutions et aux exclusions dont ils sont victimes de la part des régimes dictatoriaux.

L'explication historique

Dans cette perspective, si l’Union européenne s’occupe à trouver les mécanismes de protection des migrants en mer, le cycle de la mort en Méditerranée ne s'arrêtera pas. Si elle s’engage à créer des structures d’accueil des migrants venant de la mer, la question de l’échéance de cet accueil se posera et l’on reviendra à la case de départ.

La question n’est donc pas de savoir si l’Europe est capable d’accepter les migrants sur son sol et de répondre aux défis que leur arrivée implique. Car, les réponses à de telles questions, aussi évidentes soient-elles, seront d’autant plus temporaires que le standard de vie en Europe est contre toute présence clandestine. Et, dans l’éventualité que ces réponses fussent définitives, l’Europe serait accusée d’encourager la fuite des cerveaux et des bras d’Afrique.

Pour trouver la bonne question dont la réponse permettra de résoudre définitivement le problème de fond, il est important de revenir en arrière de plus d’un siècle, en 1884, pour comprendre comment l’Europe avait, à l’occasion de la conférence internationale sur l’Afrique à Berlin, déterminé le destin de ce continent.

En effet, pendant la conférence de Berlin (15 novembre 1884 - 26 février 1885), les puissances européennes et mondiales (Portugal, Allemagne, France, Danemark, Grande-Bretagne, Espagne, Belgique, Italie, Pays-Bas, Autriche-Hongrie, Suède-Norvège, États-Unis et Russie) entreprirent de tracer les frontières actuelles des pays africains et d’édicter les règles de la colonisation.

Aucun roi africain n’ayant été invité à la conférence, la carte des royaumes disparut au profit de celle des États d’aujourd’hui. Le traçage de ces frontières marqua le début de la colonisation, un régime d’oppression copié sous le modèle des monarchies qui gouvernaient l’Europe alors.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe, encouragée par les États-Unis, fit de la liberté, de la démocratie et de la justice sociale le fondement de la paix et de son développement. Mais en Afrique, le système colonial n’accoucha de rien de moins que des régimes autocratiques et totalitaires qui excellent aujourd’hui dans les persécutions, l’arbitraire, l’injustice et les exclusions de toutes sortes, forçant les populations à fuir quand elles ne prennent pas les armes pour mourir sur place.

L'Europe doit prendre ses responsabilités

Au regard de ces faits historiques, la question de fond qui doit être posée aujourd’hui est de savoir si l’Europe est prête, comme jadis lors de la conférence de Berlin sur le partage de l’Afrique, à œuvrer à la convocation d’une conférence internationale pour mettre fin aux dictatures en Afrique et instaurer des États de droit dans chacun de ces pays.

Une réponse affirmative à cette question de fond permettra à l’Europe d’assumer sa part de responsabilité (morale) liée à son passé colonial, dans la mesure où les drames de la Méditerranée, comme bien d’autres en Afrique, en sont des avatars.

Dans cette question centrale se trouvent les véritables attentes, légitimes, des jeunes Africains. Nous lançons dès lors un vibrant appel à l’Union Européenne et à la communauté internationale afin qu’elles oeuvrent à la convocation de cette nouvelle conférence internationale sur l’Afrique avec pour objectif la mise à mort des dictatures et l’instauration des États véritablement démocratiques. Nous sommes convaincus que l’Europe est capable d’inspirer une telle conférence comme jadis les États-Unis lui inspirèrent la démocratie et le Plan Marshall.

Seulement alors, les jeunes Africains resteront chez eux ou ne viendront en Europe qu’à condition de répondre aux critères de l’immigration choisie. Ce sera la meilleure façon d’honorer la mémoire des 25.000 Africains déjà morts lors de la traversée de la Méditerranée depuis 1990.
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