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CAMEROUN : ÎLOT DE POUVOIR par Edouard Kingue

Il y a belle lurette que j’ai envie de vous entretenir au sujet de la nouvelle ville de Bonamoussadi, à défaut de vous  parler de Douala Beach, ce projet mort né inscrit dans le programme des  grandes ambitions vite transformées en grandes réalisations, sans ce projet de ville ouverte sur l’Océan atlantique qui pourtant côtoie Douala.
Il est donc clair que la capitale économique a besoin d’un souffle nouveau. Le réservoir est plein et peut exploser un jour. Les émeutes de la faim de février 2008 sont une illustration du ras-le-bol d’une jeunesse qui se marche sur les pieds, sans espaces, sans job, sans perspectives d’avenir.

Douala peut pourtant repartir. Il suffit d’une volonté politique claire adossée sur des projets ambitieux. Pour cela, des pôles de développement existent : Bonabéri a tout pour devenir une nouvelle ville sur le site de l’ancienne que les Allemands appelaient ‘Hickory Town’, avec son port, ses îles et rivages. Faute de mieux,  des bidonvilles ont poussé à la diable : ‘Mambanda’, ‘Carrière’, ‘Sable’, ‘Grand hangar’ ‘Quatre étages’, 'petit Toho’, etc.

Jusqu’où s’arrêtera ce développement anarchique? Bassa est un autre pôle de développement plein d’espaces et de marécages si prisés ? Ici aussi, on a laissé pousser des quartiers qui traduisent bien une situation chaotique: ‘non-glacé’ ; ‘J’ai-raté-ma-vie’ ; ‘trois morts’ ; ‘Village’ ; ‘Petit Wouri’, ‘Barcelone’, ‘Madagascar’, ‘Brazzaville’ etc., reflet des Communautés urbaines camerounaises qui gèrent les cités à la petite semaine, en lieux et places des communes urbaines d’arrondissement. La Sic et la Maetur se sont bien essayées du côté de Douala 5è, qui abrite plus de la moitié des logements sociaux conventionnés de la ville et des belles routes intérieures qui disent mal la difficulté de sortir ou d’entrer dans cette agglomération.

L’arrondissement de Douala 5è a aussi hérité de Bepanda, un quartier populeux. Il est particulièrement caractérisé par l'existence de plusieurs rues à l’adressage assez insidieux: ‘carrefour Tendon’ ; ‘Tonnerre’ ; ‘Double-balle’ ; ‘Carrefour pasteur’ ; ‘Sans caleçon’ ; ‘Fin goudron’ ‘Défosso’ ; ‘Ambiance’ ; ‘Katmando’ ‘Deux tuyaux’, ‘trois Baham’ etc. Dans ce bidonville ‘importé’ de Mbouda, Bafoussam, Dschang ou ailleurs, l’environnement est pollué et le désordre urbain récurrent : garages aux trottoirs, porcheries jouxtant les WC, laveries sur-rue, etc.

Mais l’essentiel de Douala 5è est concentré à Bonamoussadi où de plus en plus, les maisons commerciales, les banques et les services s’installent. Tout autour, des quartiers dits chics se sont greffés. Le scandaleux ‘Denver’, connu pour être la cité des douaniers…véreux, ‘Santa Barbara’, ‘parcours Vita’ et bien d’autres. Des chaines de restauration venues de Yaoundé s’installent progressivement, comme le fameux ‘JC’ bien connu au quartier Bastos à Yaoundé, mais aussi récemment ‘Tchop et Yamo’, un espace de rencontres spécialisé dans le fast-food qui de Tsinga à Yaoundé s’est déployé à Bonamoussadi, Douala.

Mais la plus grande attraction de la nouvelle ville demeure ‘Bonafoning’, cet espace virtuel qui va de la mairie de Douala 5è  à ‘Anflo’ au rond point Deido en passant par Bepanda. A Bonafoning, c’est la fête tous les jours avec des cérémonies à ciel ouvert sur l’artère principale : remise de médailles ; présentation de vœux ; inauguration d’un partenariat sans lendemain ; visite d’un consul en goguette ; célébration des meilleures vendeuses de tomates ; réception de mystérieux hommes d’affaires étrangers en ‘prospection’ ; anniversaire de la mairesse ; mariage du petit-fils ; soirée culturelle Bafou ; pose de la première pierre d’un débit de boisson ; tontine des 'yellow-girls' ; congrès de ‘marabouts chrétiens’ etc. Chacun y trouve son compte avec des plats de riz-maquereaux, du ‘kontcha’, du ‘njap’, du ‘pilé-haricot’ arrosé à la ‘king’ ou au ‘Tio de la bota’. Les ben-skineurs font nombre et assurent le bruitage.

Bonafoning est la part de gâteau que Yaoundé a découpé ‘ad vitam aeternam’ pour l’inclassable et redoutée maire à vie, qui trône en maitre depuis environ deux décennies sur cette commune urbaine d’arrondissement. Comme le Renouveau sans Etoudi, on imagine mal Foning sans Bonamoussadi. Ici, FF défait ses collaborateurs comme ses adversaires à un rythme défiant toute loi de l’équilibre sociopolitique.

Venue de son lointain Bafou par Dschang, la fille de Johnny Baleng s’est imposée à Bonamoussadi par une présence débordante, qui va de l’activisme ethnique avec la marche triomphale des bamiléké à Douala pour dit-on, soutenir le Renouveau en passant par l’introuvable groupement des femmes d’affaires du Cameroun qui compte plus de ‘bayam-sellam’ que de chefs d’entreprises. On a aussi pu noter à Bonafoning, l’arbitrage des conflits entre élites de l’Ouest ; le lobbying ; le parrainage des moto-taximen pour le soutien au Renouveau, etc.

Que d’eau a coulé, depuis qu’elle donnait de la voix sous le pseudonyme de ‘Dalida’, chanteuse de cabaret qui s’y entendait pour caser sa corpulence dans le  jerk et le soukouss. En prestidigitateur politique, elle a bâti patiemment son label, faisant route à ses  débuts avec Massoua II Bernard, bien plus tard avec Pierre Tchanque et Tchouta Moussa, dans le cadre du mystérieux ‘Cercle de réflexion et d’action pour le triomphe du renouveau’ (Cratre) aujourd’hui disparu, un gadget dont les activités folkloriques étaient essentiellement basées à l’ouest. Pour les besoins de la cause, elle a fait un temps copain-coquin avec le milliardaire Kadji Défosso qui, fort de cette expérience, a bâti son empire électoral à Bana, autre excroissance de Bonafoning, qui n’est pas un lieu géographique donné, mais toute une philosophie de l’esbroufe tous azimuts.

L’ancienne danseuse a connu aussi  l’adversité. Ecartée de sa mairie un temps par le Sdf, elle a essuyé un incendie dans son fief de Bepanda, où paradoxalement ses résultats électoraux ont toujours été catastrophiques ; elle s’est ‘expatriée' quelques temps, squattant les hôtels de Yaoundé durant les années de braise ; elle a été délogée en catastrophe de sa mairie incendiée lors des émeutes de février 2008…Elle a connu une farouche opposition au sein de son parti ; mais la dame de fer a toujours tenu bon, accrochée au Renouveau comme à une bouée de sauvetage.
Aujourd’hui, elle a renforcé son emprise à Bonafoning grâce à son dernier tube : « mama Chan oho, tu nous manqueront… ». Les deux maitres à penser de Bonafoning et d’Etoudi  se soutiennent du reste comme la corde soutient le pendu…Mais ailleurs, il y a d’autres ilots de pouvoir éphémère : Elig Belinga à la présidence,  Mvog Tsimi à la capitale, Tchiroma-ré à la communication,  Tamezou m’Eboutou au village,  Ntarikon square à Bamenda, etc.

Quant à FF qui vient une fois de plus de rebondir pour un nouveau bail à la commune de Douala 5è, la rampe de lancement de Bonafoning, son mandat prendra provisoirement fin en…2018. Coïncidence de calendrier ? Comme chacun le sait, Les municipales au même titre que la présidentielle n’ont pas de limitation de mandat...
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