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LE « GOMBO » DU CHEF DE TERRE par Doo Bell

Dans sa première livraison de la semaine, lundi 03 mars, notre confrère Mutations, sous la plume de Jacques Kaldaoussa nous apprend que « les chefs traditionnels de l’arrondissement de Soulédé-Roua, département du Mayo-Tsanaga, région de l’Extrême-Nord, dénoncent les quêtes du sous-préfet ». A en croire ces auxiliaires de l’administration, le moindre événement à Soulédé-Roua, est une occasion pour le chef de terre de les traire comme on le fait aux vaches.
N’en pouvant plus, surtout dans des villages classés parmi les plus pauvres du pays, les chefs traditionnels ont du crier leur ras-le-bol. Dans la perspective de l’arrivée imminente dans la région du ministre de l’Economie, de la Planification et de l’aménagement du territoire, Emmanuel Nganou Djoumessi, chaque chef de village est « sommé » de donner 10 000 au sous-préfet Fcfa pour « accueillir le ministre ».  

Pour cet arrondissement qui compte 34 villages, le chef de terre attend de ses auxiliaires la rondelette somme de 340 000 Fcfa. Ironie du sort, le Minpat se rend à Soulédé-Roua en vue du lancement du projet baptisé « filets sociaux ».  Un projet dont l’objectif à   court terme est de fournir une aide financière mensuelle directe variant entre 15 000 et 70 000 francs à quelque 1500 ménages parmi les plus pauvres de la région.
Selon le correspondant de Mutations, il y a de cela quelques jours, le sous-préfet exigeait aux chefs traditionnels le même « impôt de capitation » pour recevoir le préfet du Mayo-Tsanaga en tournée d’animation économique comme on le dit dans le jargon de notre administration de commandement qui a conservé tous les réflexes d’une administration coloniale.
Il faut dire que le sous –préfet de Soulédé-Roua ne fait qu’appliquer une pratique plus que banale dans l’administration camerounaise pourtant censée lutter contre la corruption et toutes les formes de prévarication. Chaque fois qu’une autorité descend dans un patelin, ses habitants comme ceux de la diaspora doivent se cotiser pour agrémenter l’accueil de l’illustre hôte. Cela fait partie de traditionnelle hospitalité africaine. Or, dans ce cas précis, comme le souligne d’ailleurs si bien un des chefs traditionnels : « on a choisi l’arrondissement de Soulédé-Roua pour bénéficier du projet « filets sociaux » en raison de ce que ses populations sont extrêmement pauvres, y compris leurs chefs. Et comment peut-on cotiser pour accueillir un ministre qui est envoyé par la Banque mondiale et le gouvernement pour nous aider à sortir de cette pauvreté ? ».  
Et un autre arborant aussi une casquette de conseiller municipal de se demander : « que fait-on de la contribution de la commune et des élites qu’on ne nous dévoile jamais, si ce n’est pour que le sous-préfet s’en remplisse les poches ? Où peut-on aller trouver cette somme     par ces temps de saison sèche ?». Tout porte à croire que les chefs traditionnelles ici sont comme les rivières dont l’eau finit dans les fleuves et les mers. La nature l’a voulu et fixé ainsi.
La véritable question est de savoir si l’argent que le sous-préfet de Soulédé-Roua exige aux chefs traditionnels servira en réalité et en totalité pour la réception de Monsieur Nganou Djoumessi et sa suite. Si oui, pour faire bien on lui offrira une bouteille ou une caisse de champagne ou encore quelques objets de l’artisanat local. Au bas mot,   le chef de terre aura engrangé entre 500 000   et un million de nos francs. Ce qui est sûr, l’essentiel du fruit de cette quête est destiné à son bas de laine et à sa hiérarchie. Voilà comment nos fonctionnaires s’engraissent sur le dos de la bête. De la manière la plus belle et officielle. Tout le monde le sait mais ne le dénonce pas. Parce que à différents niveaux de la hiérarchie administrative, chacun y trouve son compte.
Je rappelle à toutes fins utiles que naguère, des chefs de services régionaux du Sud avaient haussé le ton parce que leur installation officielle par le gouverneur était conditionnée par le paiement d’une somme de 50 000 par chacun d’eux. Il me  souvient également qu’un sous-préfet dans le Littoral avait exigé du « carburant » de 50 000 Fcfa à une association des femmes d’une entreprise brassicole. 
Ces dernières allaient pourtant dans  son arrondissement rural remettre des dons qu’elles ont collectés pour leurs sœurs à l’occasion d’une de ces fêtes consacrées à la gent féminine. Je n’oublie pas ce conseiller municipal d’une commune de l’Adamaoua qui a mis les pieds dans les plats. Candidat à un poste de maire, il avait « motivé » son élection avec un bœuf  et des espèces sonnantes et trébuchantes auprès du préfet. Quand il a constaté qu’il allait être floué,  il n’a pas hésité à dénoncer publiquement ce marché de dupes en session de plein droit.
Il est de notoriété publique que les différends récurrents entre les maires et leur tutelle administrative que sont les préfets et sous-préfets tout comme ceux entre les délégués du gouvernement et les préfets ont l’argent comme principale pomme de discorde. Les préfets et sous préfets ont l’impression que ce sont eux qui doivent gérer le contenu des caisses des municipalités.
Ces transactions mafieuses sont multiples et courantes dans notre administration. Les chefs se sentent investis du pouvoir de tordre les doigts à leurs subalternes pour leur extorquer de l’argent. Même pour leurs problèmes personnels. Il semble que les notes qui conditionnent les avancements d’une catégorie à une autre et les promotions professionnelles sont fonction de la « générosité » et autres cadeaux en nature que l’on offre à sa hiérarchie. On va faire comment ? C’est le pays !
Voilà des situations de corruption tout indiquées qui intéressent les fins limiers de la Conac. Ne demandez surtout pas ce que font les cellules de lutte anti-corruption disséminées dans tous les départements ministériels, services régionaux et départementaux. Elles sont curieusement sourdes, muettes et aveugles sur des cas aussi patents de corruption et de détournement de fonds.
Quand bien même quelques courageux donnent de la voix comme les chefs traditionnels de Soulédé-Roua pour dénoncer ces méfaits, point de suivi, point d’enquête. Parce que c’est la loi du milieu.
Tout le monde y trouve son compte. Attention plutôt au retour du bâton. Car on ne touche pas impunément au « gombo » du chef. Lutte contre la corruption ! Lutte contre la corruption ! On mange ça ? Allez dire !
Par Doo Bell pour le Messager
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