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Patrice Nganang : L’AUTORITE MORALE


Notre génération verra encore plus d’Etats effondrés. Le Mali ne sera pas le dernier, cela est une évidence que la structure même de nos Etats dicte. Construits autour de tyrans, qui ont désarmé les Armées et polices nationales pour surarmer les milices tribales – et je parle ici du BIR et de la Garde présidentielle qui pour ce qui est de notre pays sont purement et simplement des milices Beti, sinon Bulu -, nos Etats sont des châteaux de carte.
La fuite de Bozizé fait sans doute rire quelques Camerounais du RDPC, et sans doute de la bande rapprochée de Paul Biya lui-même, qui ne s’imaginent pas que ce dernier puisse prendre la fuite. L’histoire a toujours lieu ailleurs, tandis que notre pays sombre dans le ronron de la tyrannie qui encore plus profondément fragilise l’Etat. Cercle vicieux, s’il en est, car plus le tyran dure au pouvoir, plus l’Etat est fragilisé.
Ce fragile est lié simplement au fait que personne ne s’identifie à lui sur une base autre que de rendement. L’idée de l’identification au collectif, cette idée à laquelle la France jadis avait donné le nom de ‘patriotisme’, aura été sapée par la corruption, ce seul héritage du renouveau. Que celle de nationalisme ait été foutue à la poubelle de ces héritiers des assassins de Um Nyobé et de ses amis, est une évidence. Et nous voilà avec un Etat auquel les Camerounais ne s’identifient d’aucune autre manière que financière : le salaire, l’argent, est ce qui structure la relation politique, ce qui fabrique des allégeances, et le tyran sait que dans un pays où il ne peut qu’acheter des gens, ceux-ci ne lui doivent rien parce que comme lui ils sont tous corrompus. Et comment ! Or, l’appartenance à un pays ne s’achète pas.
L’absence d’autorité morale est criarde dans notre pays qui a vidé de toute sa substance le diplôme, cette seule valeur non monétaire qui fabriquait encore quelconque autorité, et donné le piédestal de respectabilité au tonneau vide. Dans notre pays où les ministres ont tous un pied en prison, quand ils n’y sont pas, qui se souvient encore qu’il fut une époque où les enfants apprenaient le nom des ministres de la république par cœur pour les examens publics, parce que ceux-ci étaient le panthéon civique ?
Dans notre pays qui a clochardisé l’opposition en confisquant dans l’ENAM, la fabrique de la classe politique, qui peut s’imaginer que le bien-être d’une nation s’apprend en fait ailleurs que sur les bancs d’une école d’administration entièrement tribalisée, sinon mise au pas du RDPC, que le futur de la république se trouve en réalité dans la compétition ouverte des intelligences citoyennes ? Dans un pays où le prêtre de la capitale, Tonye Bakot, fait la compétition avec les groupes d’auto-défense nativistes, feuillète sur son presbitère les pages de livres malodorants et ne prend la parole dans la cité que pour inonder la république de son fiel, qui peut s’imaginer qu’une nation comme le Cameroun est bâtie sur le vivre ensemble de gens différents ? Des polygames et des athées, des animistes et des musulmans ?
Au bout de trente ans de tyrannie, la république du Cameroun est devenue une véritable termitière. Enlevez donc monseigneur Christian Tumi, et que reste-il chez nous comme force morale structurant la scène publique, sinon le feyman ? L’absence de squelette du Camerounais apparaît de façon criarde quand celui-ci est comparé aux autres nationalités – les Tchadiens, les Sénégalais, les Ghanéens. C’est extraordinaire, tout de même, ce que le renouveau a vidé nos concitoyens de consistance : tel invente un fils mort au milieu des massacres de février 2008 pour se faire voir, juste pour se faire voir. Tel autre soutire de l’argent à des gens qui se sont battus pour le faire sortir de prison. Et je ne parle même pas de ceux-là qui se pavanent devant le regard du tyran comme le paon devant le soleil. Quel peuple vidé ! Et pourtant il faut bien se le dire : le changement n’est possible que lorsqu’il est inscrit dans un socle éthique ferme, et donc, dans une moralité inébranlable.
L’effondrement de notre pays n’est pas lié à cette histoire-là qui a vidé le projet d’alternative mondiale de substance, en détruisant les pays d’Europe de l’Est qui en avaient saisi le monopole, non. L’effondrement de notre pays est inscrit plutôt dans ce vide qui s’est creusé dans l’âme du Camerounais par trente ans d’un pouvoir qui a à sa tête un feyman. La feymania est bien le caractère de Paul Biya, et chacun le sait, et chacun le voit, toutes les fois où il traverse la capitale pour aller dormir dans son hôtel genevois, dans ce pays qui dans la conscience camerounaise est synonyme de temple de la prostitution – la Suisse. Quand à ses côtés il a comme femme une qui en est le symptôme vivant – Chantal Biya. Quelle nation peut être bâtie sur telle décomposition ?

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