L’ex-talentueux footballeur du «Tonnerre Kalara club de Yaoundé», ancien directeur général de la Magzi pendant plus de deux décennies et ministre en fonction depuis 2002, entre dans l’histoire du régime du Renouveau, comme le premier membre du gouvernement interpellé puis écroué alors même qu’il est encore en fonction.
Inédit. Grande première. Il est bien difficile de trouver dans les annales de l’histoire, une pareille humiliation. Hier matin, répondant en toute tranquillité à la convocation du parquet général près le tribunal criminel spécial (Tcs), Louis Bapès Bapès, ministre des Enseignements secondaires encore en fonction, flanqué de son chauffeur et son garde du corps, était loin de s’imaginer, qu’il entamait un départ pour la maison d’arrêt de Kondengui. Bien avant lui, le chef d’Etat Paul Biya, avait déjà humilié, certains autres de ses collaborateurs. Le ministre Mounchipou Seidou, relevé de ses fonctions de ministre des Postes et télécommunications, le 1er septembre 1999, puis mis aux arrêts cinq jours plus tard. Le ministre Siyam Siwe, relevé de ses fonctions de ministre au mois de février et mis aux arrêts quelques dizaines de minutes après. De tous, celui qui est en passe de connaître la plus grande humiliation, est le ministre Louis Bapès Bapès.
A la différence des autres membres du gouvernement, le ministre des Enseignements secondaires, n’a pas connu même la petite et courte joie de passation de service. Son interpellation, suivie de son transfèrement direct à la prison de Kondengui, brisent les tabous et retentit tel un message, un avertissement à l’adresse de tous ceux qui se laissent endormir à l’idée que l’on ne peut pas appréhender un ministre encore en fonction et le jeter directement en prison. « Aucun texte, ni une disposition de loi, n’interdit l’interpellation et la mise aux arrêts d’un ministre encore en fonction. N’étant pas des élus du peuple, les membres du gouvernement, parce qu’ils ne sont pas couverts par une certaine immunité, sont des justiciables, comme le citoyen ordinaire. Ce n’est pas parce que cela ne s’est pas passé jusqu’ici, qu’on peut croire que c’est impossible» souligne un magistrat. Tout en invoquant le principe de séparation des pouvoirs (exécutif et judicaire), il reconnaît le caractère inélégant que suscite un tel acte.
Psychose au sein du gouvernement
La mise aux arrêts du ministre Louis Bapès Bapès, créé depuis hier, un sentiment de frayeur et de panique généralisées. Les membres du gouvernement, se sentent désormais très vulnérables. L’on peut admettre que le chef de l’Etat Paul Biya, comme il le martèle lui-même, est sans pitié dans la lutte contre la corruption et les détournements. Mais l’on peut interroger la dose de mépris de Paul Biya ; à l’encontre de ceux qui sont présentés à ses yeux comme des prédateurs, des imposteurs et profiteurs de la fortune publique. « Nous sommes les créatures de Paul Biya», avait un jour proclamé le ministre Jacques Fame Ndongo, de l’Enseignement supérieur. A regarder comment le chef de l’Etat Paul Biya, traite ses « créatures », l’histoire ne lui donne-t-elle pas raison ?
Aux yeux de l’opinion populaire, seul Paul Biya, le « totem », est à l’abri. Mais quel plaisir prend le président de la République, à rendre fragiles, à traumatiser, à supplicier ses collaborateurs, au point de les jeter en pâture à la Justice qui peut décider à sa guise, d’en envoyer à l’échafaud? Le ministre Louis Bapès Bapès, revendique, un parcours atypique.
Cet ancien footballeur du « Tonnerre Kalara club de Yaoundé », coéquipier de l’ex-ministre Charles Etoundi, sort nanti d’un Bac C, obtenu au collège évangélique de Libamba. Après de solides et brillantes études à l’étranger, il est couronné d’un diplôme d’ingénieur des ponts et chaussées. De retour au Cameroun, il occupe quelques strapontins dans l’administration centrale, avant de se voir confier la direction de la Mission d’aménagement et de gestion des zones industrielles (Magzi), encore simple direction alors par le président Ahidjo. « Oublié », il passe plus de 27 années à la direction générale. A la suite du remaniement gouvernemental de 2002, il cumule avec le poste de ministre de l’Enseignement technique et de la formation professionnelle. En 2004, Louis Bapès Bapès, est porté, à la fonction de ministre des Enseignements secondaires. Après douze années de magistère ministériel, il « quitte » son fauteuil, pour la prison de Kondengui. Et ce, sans avoir l’occasion de passer le service. L’incarcération de Louis Bapes Bapes rend nécessaire un remaniement ministériel, même partiel. Suspens dans le sérail.
Souley ONOHIOLO
Focal: Paul Biya et les fantômes de Catherine Abena et d’Ateba Eyene
Le chef de l’Etat, Paul Biya, serait-il hanté par le fantôme de deux morts que le régime du Renouveau a laissés périr dans la frustration, le dénuement, l’écœurement ? Les deux illustres disparus qui parlent à Paul Biya, l’affligent et provoquent sa colère, ont connu un triste destin commun. Ils ont été tous sacrifiés par un système qui les a plutôt broyés. Pour mémoire, l’ex-secrétaire d’Etat aux Enseignements secondaires, est arrêtée un matin du 08 janvier 2010, puis conduite à la prison de Kondengui. Pour n’avoir jamais compris les raisons de son incarcération, le 15 janvier, soit une semaine après son arrestation, Catherine Abena avait entamé une grève de la faim, au point d’être amenée à passer l’essentiel de son séjour carcéral, sur le lit de malade à l’hôpital central de Yaoundé. Un matin du 4 février 2011, Catherine Abena est relaxée, « libérée d’office » pour reprendre l’expression, après une année de détention arbitraire, abusive. Happée officiellement par la spirale de l’opération Epervier, puis relâchée alors qu’elle est très affaiblie, l’on aurait caché à Paul Biya, la version exacte des faits. Pouvait-on détenir l’ex-secrétaire d’Etat en laissant libre de tous ses mouvements, le ministre Louis Bapes Bapes des Enseignements secondaires qui à la lettre de l’organigramme gouvernemental, est le véritable ordonnateur ?
Selon certaines sources, apprenant la mort de l’ex-secrétaire d’Etat, le président de la République, aurait été pris en grippe par le remord et les problèmes de conscience. Une tristesse présidentielle tintée d’un parfum de courroux qui s’est accéléré avec toute la liesse populaires et les hommages nationaux du peuple à Charles Ateba Eyene. C’est en voyant la mobilisation de la foule qui a érigé le défunt en héros national, que le président national du Rdpc, chef de l’Etat, a pu se rendre à l’évidence, sur le tard, que ses proches lui ont toujours présenté les informations maquillées et erronées du poids et de la grandeur de Charles-Sylvestre Ateba Eyene. Consacré désormais un personnage de l’histoire du Cameroun, pour reprendre l’hommage de Mathias-Eric Owona Nguini « La nation camerounaise dans sa franchise et dans sa vérité réelle, a fait d’Ateba Eyene un héros national. La nation camerounaise je vous le dis, reconnaît Charles Ateba Eyene comme héros national. Charles Ateba Eyene était un homme de vérité. Et le Cameroun a besoin de vérité » Et si c’est ce besoin de vérité, ajouté aux mille et un clichés sur le décès des illustres disparus qui aurait décidé le chef d’Etat de manquer d’élégance, au point « d’oublier » de décharger un ministre de ses fonctions avant de le jeter en prison ? Et si l’opinion qui pense dans sa majorité que c’est pour distraire le peuple et détourner son attention des obsèques grandioses rendues à un héros national, mort de « harcèlement moral et de frustration » pour reprendre Pascal Charlemagne Messanga Nyamding. Il y a des morts qui brisent le cœur à tout le monde. Même les plus durs épurent.
Souley ONOHIOLO
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