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RÈGLEMENTS DE COMPTES AU SOMMET DE L'ETAT par Michel Michaut Moussala

AVEC CE QU’IL CONVIENT désormais de qualifier d’affaire Bapès Bapès, on découvre à nos dépens la déliquescence de nos dirigeants, enclins qu’ils sont à se glisser les peaux de banane sous les jambes pour préserver leurs strapontins. Des batailles de positionnement qu’on savait certes récurrentes, mais qu’on était loin d’imaginer aussi épiques au point de dicter à Paul Biya un prompt arbitrage qu’on ne lui connaissait guère, quitte à saborder au passage la crédibilité de l’Opération Epervier et, partant, de mettre à mal l’indépendance clamée du corps judiciaire. 
Et entre révélations et supputations qui suivirent l’arrestation et la libération inédites du ministre des enseignements secondaires, on comprend qu’en fait, le sommet de l’état s’est depuis longtemps mué en haut lieu de règlements de comptes où tous les coups semblent désormais permis. Sinon, à quel titre deux ministres de la république se seraient-ils mêlés de la diligence de l’Opération Epervier, alors leurs prérogatives ne les y autorisent guère ? Essayaient-ils ainsi de supplanter le ministre d’Etat, ministre de la justice, garde des sceaux ? 

Des questions qui resteront longtemps sans réponse, eu égard à la promptitude dont aura fait montre Paul Biya pour remettre chacun de ses collaborateurs à sa place, mais aussi pour leur rappeler qu’il reste encore le commandant du navire Cameroun, en dépit des délégations de pouvoir qu’il peut concéder de temps à autre à certains de ses collaborateurs. Une mise au point poignante qui atteste de la rigidité du régime présidentiel qui est le nôtre et qui, malheureusement, charrie les prétentions indues des collaborateurs du Prince qui n’entendent pas se contenter des parcelles de pouvoir, car aspirant chacun en ce qui le concerne au pouvoir suprême. 
Du coup, la symbiose gouvernementale devant être de mise se transforme plutôt en une cacophonie qui rend difficile toute hiérarchisation. Ce d’autant plus que, l’on aura laissé prospérer des préséances indues à la faveur de l’existence de dispositions tacites. A preuve, le chevauchement décrié des responsabilités entretenu à dessein pour créer des dysfonctionnements opérationnels qui alimentent eux-mêmes les batailles de préséance mises en exergue dans le cas d’espèce est révélateur de la propension aux règlements de comptes entre collaborateurs du chef de l’Etat qui ne sort que difficilement de ses gongs pour réguler enfin la question de préséance au sein du sérail. 
Et quand par extraordinaire le chef de l’Etat s’y fait, il étale aux yeux de tous l’inféodation de tous les autres pouvoirs à l’exécutif, non sans que cela engendre un véritable tollé dans les vielles démocraties qui comprennent mal les interférences indues qui s’en suivent généralement. Comme quoi, notre pays a encore à apprendre en matière de démocratie, bien qu’il clame avoir atteint un temps une démocratie avancée, puis un autre temps, une démocratie apaisée quand bien même il subsiste des passe-droits dans le genre de ce que nous avons récemment observé avec Louis Bapès Bapès. Prenant du recul toutefois, on ne vient à penser qu’il aurait bien fallu la survenance de ce vice de forme, pour comprendre effectivement l’exacerbation des batailles de positionnement au sommet de l’Etat. Et même si elles sont assorties de règlements de comptes sibyllins, les dysfonctionnements qu’elles permettent de mettre en exergue, constituent des sujets de cogitation pour améliorer notre système de gouvernance et, partant, notre système démocratique. 
Mais plutôt figé qu’il est, il sera difficile d’implémenter des amendements conséquents sans lesquels nous ne saurions espérer les avancées véritables auxquelles nous aspirons légitimement. Toutes choses qui font par ailleurs la spécificité de notre pays dans lequel, on s’accommode volontiers de tels dysfonctionnements aussi longtemps qu’ils n’altèrent pas la toute puissance de l’exécutif. Du coup, les collaborateurs du Prince deviennent des sortes de pantins n’ayant voix au chapitre quand ils sont mus pour ce faire par le même Prince. Dès lors, il n’est donc pas étrange qu’on se retrouve à esquisser littéralement la danse Bafia en faisant un pas en avant et ensuite, deux en arrière. Et comme ledit rythme fait partie de notre identité culturelle, pour peu que la cadence se veuille plus ou moins endiablée, l’applaudimètre coince ou alors s’envole au point de s’éclater. Une allégorie fort à propos, à en juger par l’appréciation qui aura été celle des partisans ou non de Louis Bapès Bapès. 
Ces derniers et lui-même Louis Bapès Bapès ne devraient pourtant pas jubiler aussitôt, car aucun d’eux ne saurait dire avec exactitude s’il s’agit d’un sursis exceptionnel ou la clôture ou mieux, l’extinction définitive d’un dossier plutôt brûlant, ne serait-ce qu’à en juger par la célérité qui aura été celle du traitement de celui-ci. Suffisant par ailleurs pour comprendre que les règlements de comptes continueront de couver, aussi longtemps que Paul Biya n’aura pas cessé d’entretenir des règles de préséance tacites qui, exacerbant les égos de quelques uns, entretiendront encore pendant longtemps des velléités de règlements de comptes et pire, d’assassinats sociopolitiques de certains de ses collaborateurs, même si le Prince devra après les remettre en selle même pour une durée éphémère. 
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