Opinions Nouvelles

Opinions Nouvelles
Opinions pour mieux comprendre où va le monde

JE SUIS CAMEROUNAIS, JE SUIS FOU par Florian Ngimbis

Vous connaissez ce prétendu dingue qui écume les rues de Yaoundé? Profitant des bouchons aux heures de pointe, ce type raquette les automobilistes en les menaçant. Il s’agit d’une espèce de mastodonte déguenillé qui arrête surtout les grosses cylindrées pour leur imposer une aumône. C’est un type énorme, poilu, bleu à force de noirceur qui parfois n’hésite pas à lancer des projectiles infects sur vous ou votre véhicule si vous ne lui donnez rien, et ce avec les encouragements des badauds pour qui votre seul crime est de posséder une «grosse voiture» – donc, fruit du vol.
J’ai été sa victime hier. Ce n’était pas mon véhicule (avis aux autres bandits). J’étais de passage au lieu-dit Boulangerie Sélecte+ dans le gros SUV – un véhicule de sport – d’une liane blanche qui fait mon bonheur ces temps- ci. Bah ! Je prône la diversité. Et comme dit si bien mon ami Reezbo, les lianes noires dérangent. Depuis que l’une d’elle m’a appelé un matin pour me demander de l’aider vu que l’orage de la veille avait emporté la toiture de la maison de sa tante, j’ai compris qu’il fallait que je change de couloir. Du moins, je vais attendre la fin de la saison des pluies.

Le gros nous a abordés alors que nous étions englués en plein onze heures dans un bouchon interminable. Une blanche au volant d’un gros véhicule, il ne pouvait pas laisser passer l’aubaine. « Donne ma part ! ». Le type bloque la remontée des vitres avec ses énormes avant-bras. La liane se tourne vers moi, quêtant mon aide. Je considère les quintaux de graisse du type et je me demande si elle est sérieuse.
Moi : Bah ! Donne-lui quelque chose. (sous-entendu au péage c’est le proprio du véhicule qui paie) Elle : J’ai rien. J’ai rigolé silencieusement. Apparemment tout le monde n’est pas la vieille Bettencourt hein ? Et moi j’ai la taille de Sarkozy, mais pas son pouvoir de persuasion. Je décide de la jouer macho : « Ho ! Mon ami, dégage ! Il n’y a rien pour toi. » Le type devient menaçant et en un clignement d’yeux, fait le tour du véhicule pour se retrouver face à moi. J’ai réfléchi hein ? Evalué le poids de sa main, qui couplé à la force de son bras aurait pu m’arracher la tête s’il lui était venu à l’idée de me gifler, car fait étrange, autant il était harceleur avec la blanche, avec moi, le type est énervé et postillonne comme une lama enragé.
Là j’ai pensé à tous les courageux ancêtres morts lors de la guerre d’indépendance. Prudent, j’ai compensé en me disant que nous avions déjà versé notre tribut de sang au pays. Les larmes aux yeux, j’ai mis la main dans une de mes poches retiré un billet de 500 F, rapidement happé par la monstrueuse patte du type qui est allé remercier… la liane !!! Nous sommes repartis sous les quolibets des badauds que ce genre de scène divertit à longueur de journée.
Je crois qu’une partie de moi est restée devant Selecte+. Je vous le dis, un de ces quatre je vais abattre un de ces «fous» qui hantent nos rues. Ce qui m’énerve, c’est la complaisance des services sociaux que cette situation ne semble pas gêner. Quand une famille en a marre de «jeter» les sous dans les hôpitaux pour guérir un malade mental, bah, on l’abandonne tout simplement à lui-même. Et le quidam se bat tout seul dans la rue pour survivre. En fonction de leur degré de maladie, les plus malins se transforment en braqueurs providentiels comme «le gros», d’autres errent à longueur de journée, exposant leurs attribut à qui veut les voir, et se livrant même parfois à  des actes de violence sur la population.
Mais le plus énervant, c’est que les Camerounais ne considèrent pas la folie comme une maladie. C’est toujours le résultat d’une action occulte qui n’a pas marché, d’une tentative malheureuse d’enrichissement rapide, ou d’une élévation sociale via des voies mystiques. Donc, le fou n’a que ce qu’il mérite. Aussi, tous les malades mentaux dans les quartiers ont toujours une histoire, sorte de légende tissée pour justifier leur état. On vous dira toujours que c’étaient des gens intelligents, beaux blablabla, mais qui en voulaient plus. Donc, ils ne sont pas vraiment fous, ils expient.Je suis tombé des nues dernièrement en découvrant un malade mental dirigeant la circulation à un carrefour au quartier Nkondengui selon un timing tout personnel. Devant mon indignation, le taximan très sérieux de me dire: le gars-ci est un ancien policier hein ? Ne le voyez pas comme il est comme ça aujourd’hui… Je me souviens aussi de cet autre malade qui dans mon quartier bloquait la circulation pendant de longues minutes pour dérouler en plein carrefour des enchaînements de katas d’un art martial né de sa folie. Personne n’a jamais osé le faire dégager car quelqu’un qui prétendait bien le connaître avait déclaré que c’était un ancien maître de karaté qui avait «trempé les mains» pour monter en grade.
Depuis on le nommait Maître Chen Chen. J’ai découvert quelques accidents plus tard que sa folie était due à une overdose de chanvre indien et que son passetemps favori c’étaient les films chinois d’un bar voisin de son fumoir. Et notre génial gouvernement ne fait rien. Ah ! Si. Je me souviens que lors d’un inutile sommet France-Afrique, les décideurs ont décidé de nettoyer les rues de tous les malades pour épargner la vue de tonton Chirac. Sauf qu’au lieu de les envoyer en asile (ce qui aurait posé le problème du financement de leur séjour), ces génies ont organisé des charters nocturnes qui avaient pour mission de dispatcher les pauvres hères dans les villes périphériques de Yaoundé, lieu du sommet.
On s’endormait  avec un dingue dans le village et le matin, paf ! On en avait dix de plus, sortis de nulle part : la sorcellerie ! Je n’ai pas peur. Un Ngimbis ne connaît pas la peur. Mes ancêtres affrontaient les troupes coloniales surarmées avec des machettes rudimentaires et leur courage. Le jour où je recroise le « gros fou », il va me rendre mes 500 F, liane blanche ou pas. On est où là ? Peace ! 
Partagez sur Google Plus

About BIGDeals

This is a short description in the author block about the author. You edit it by entering text in the "Biographical Info" field in the user admin panel.
    Blogger Comment
    Facebook Comment

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

Laissez nous un commentaire sur cet opinion.