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"POURQUOI LES SOLDATS CAMEROUNAIS DORMENT-ILS AU FRONT?" par Patrice NGANANG

J’écris ces lignes-ci alors que le nouveau président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, a appelé au ‘cessez-le-feu immédiat’ au Nord de son pays où, selon Jeune Afrique, les rebelles Touaregs du MNLA n’ont pas seulement pris Kidal, et mis en déroute l’Armée nationale malienne, ils ont également annoncé avoir conquis d'autres localités "d'où l'armée a fui, sans combats".’ Débâcle qui devrait faire tout Camerounais réfléchir devant les phrases du président camerounais à Paris à propos des combattants de Boko Haram: "ce sont des gens qui attaquent à partir de minuit et pas le jour, or la nuit nos éléments de défense se reposent. Ils profitent de la porosité de nos frontières et de la fluidité des mouvements dans notre pays pour aller et venir et nous épier. Ils viennent en nombre et attaquent les postes où il y a moins des éléments de défense et évitent les postes où nous avons plusieurs hommes armées. Par exemple ils viennent à 100 et attaquent un poste où il y a 15 militaires." L’aveu public d’une faiblesse structurelle de l’Armée camerounaise en plein Paris, est d’autant plus surprenant que le Septentrion a depuis bien longtemps toujours été le terrain de coupeurs de routes, et qui plus est, le théâtre d’une guerre sanglante suivie de manière attentive par la presse régionale. 


La question qui se pose ici est donc toute légitime : pourquoi des soldats d’Armées africaines quand envoyées sur des fronts d’opération dans leur propre pays, prennent la fuite sans combat, ou alors 'se reposent' alors qu’ils sont dans un champ volcanique ? Pour ce qui est du Cameroun, cette question est d’autant plus lancinante que les soldats sont les seuls qui durant toute la longueur du renouveau, n’ont jamais manqué leur solde, ont des augmentations salariales quotidienne, tandis que le BIR, la milice présidentielle, émarge d’ailleurs directement aux sources pétrolières de la SNH. Qu’est-ce qui arrive aux armées africaines – et à l’Armée nationale camerounaise – pour qu’elles soient si nulles ? Nous avons devant nous les Armées nationales de Côte d’ivoire, de la RCA, transformées en milices, et bien avant, celle du Congo-Brazzaville, et surtout du Zaïre. Que se passe-t-il donc en Francophonie pour que nos pays soient si peu défendus, que les populations, abandonnées par des armées sommeilleuses au front, sont soulagées quand les soldats français viennent à la rescousse ? Les Camerounais devraient regarder avec beaucoup d’attention la situation malienne, tout comme celle en RCA, mais comme nous savons, cloitrés dans l’immanence qui est la philosophie dominante chez nous, très peu se donneront la peine. Et pourtant, voilà : des questions aussi simples que, quelle est la composition tribale des milices présidentielles qui sont les plus payées, expliqueraient pourquoi l’Armée, sous payée et sous équipée, ne pourrait que dormir au front, car pourquoi risquer sa vie quand l’on n’a pas les armes nécessaires ? Quant au BIR, même si souhaité, ne s’écrasera-t-il pas devant la barrière tribale qui le sépare de la population, dans laquelle, en contre partie les terroristes se meuvent sans effort ? 

Partir au Nord est, et cela n’a sans doute pas changé, toujours considéré pour les travailleurs sudistes, comme une forme de sanction disciplinaire. Une Armée nationale qui, héritière des purges d’après le 6 avril 1984, des chasses aux Nordistes, et des exécutions de masse du 1 mai 1984, montre une image hégémonique sudiste, peut-elle retourner en sa faveur une situation de conflit localisée au Nord ? Des témoignages parviennent de voyageurs qui traversent le Septentrion sur des kilomètres sans rencontrer de soldats, et ce, dans des régions qui avant 1984, portaient en elles la structure fondamentale de l’Armée nationale camerounaise. Le transvalsement des forces nationales de notre pays selon le principe de l’axe Nord/Sud après 1984 n’a-t-il pas programmé notre Armée nationale pour la défaite ? S’il est un moment où le tribalisme d’Etat ne devient plus seulement criminel, mais une haute trahison, c’est bien celui-ci. 

Mais encore plus, mener la guerre dans le dos du peuple ne peut qu’être catastrophique : le président de la république du Cameroun, avant de déclarer la ‘guerre totale’ à Paris, a-t-il songé un seul instant que le peuple camerounais qui est inclus dans sa ‘totalité’-là, est représenté par l’Assemblée nationale ? A-t-il pensé que le Sénat avait – même si pour acclamation – son mot à dire ? A-t-il cru un seul moment qu’il était nécessaire pour lui, pour la première fois d’entrer dans une Mosquée à Yaoundé par exemple – comme le faisait son prédécesseur –, afin de montrer la distinction entre le terrorisme de la foi, et la foi islamique dans sa pratique quotidienne qui est celle de millions de nos compatriotes? La guerre totale dans laquelle le Cameroun s’est jeté au final concerne trop peu de Camerounais, et encore moins des soldats qui ainsi naturellement au front dorment. La situation malienne se rapproche de nous.
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