Monseigneur Albert Ndogmo, ancien évêque de Nkongsamba, de passage à Paris, est invité par M. Tekam Jean-Michel à son domicile, 18, avenue Charles-de-Gaulle, 92 Neuillysur-Seine pour y baptiser l’un de ses enfants. M. Tekam Jean-Michel est Docteur en pharmacie, ingénieur chimiste. Il a enseigné longtemps à la Faculté des Sciences de l’Université de Yaoundé. A propos d’une nomination à un poste où il n’est pas agréé, il se brouille avec l’Administration et entre alors en dissidence.
Mécontent, il s’expatrie en Algérie où il est recruté comme enseignant à l’Université d’Alger. Plus tard, lorsque le gouvernement algérien décide l’arabisation de cette institution, les professeurs étrangers sont à la porte, et c’est ainsi que M. Tekam se retrouve à Paris avec son collègue M. Abel Eyenga qui enseignait, lui aussi, à la Faculté de Droit de la même Université. Le samedi 28 mars 1987, à 8 heures du matin, a lieu le baptême de l’un des enfants de M. Tekam Jean-Michel.
La cérémonie, présidée par Monseigneur Ndogmo en personne, a lieu dans une petite église située à côté du domicile de M. Tekam. Elle est ensuite suivie d’une grande réception qui dure toute la journée et se poursuit tard dans la nuit, jusqu’à 24 heures. N’y sont invités que les Bamilékés. Aucun Camerounais d’une autre tribu. Aucun étranger. Assistent notamment à la cérémonie :
- Le Professeur Kapet de Bana;
- Le Dr Kuissu (Docteur en médecine), ami et proche collaborateur de Woungly-Massaga;
- M. Ngayap Pierre Flambeau, Premier Vice président de la Section R.D.P.C. de Paris;
- M. Nguekam Abraham;
- Tous les Bamilékés du Manidem
- Bref, toute la colonie Bamiléké de Paris.
Prenant la parole, Monseigneur Ndogmo dit en substance ceci : Les Bamilékés sont la race la plus nombreuse au Cameroun. Ils sont aussi économiquement les plus forts. Par conséquent, il leur faut le pouvoir politique. Pour avoir ce pouvoir politique, que faut-il faire ? Il faut :
- Conquérir le monopole dans l’Église Catholique du Cameroun;
- Encourager les naissances parmi les populations bamiléké;
- Encourager les Bamilékés à être présents dans tous les milieux.
1)L’Église Catholique, affirme Monseigneur Ndogmo, est actuellement encadrée au Cameroun par 18 archevêques et évêques dont 8 Bamilékés, c’est-à-dire à peu près la moitié de l’épiscopat camerounais. Lui même, Monseigneur Ndogmo, est actuellement le Consulteur du Pape. Rien ne peut se faire au Cameroun sans lui.
Comme preuve, la nomination des évêques camerounais de ces dernières années. Bientôt va s’ouvrir à Yaoundé un Institut Catholique dont il est le fondateur pour avoir conçu l’idée et cherché le financement. Il en sera nommé recteur par le Saint-Siège. En cette qualité, il aura le pouvoir de privilégier la formation d’un très grand nombre de prêtres bamilékés; et si le Vatican veut nommer un évêque, il pèsera de tout son poids pour que celui-ci soit bamiléké en priorité.2) En deuxième lieu, il faut encourager les naissances de sorte que entre l’an 2000 et 2020, la moitié de la population camerounaise soit bamiléké. Chaque jeune femme bamiléké doit avoir 4 enfants au minimum si elle ne peut en donner jusqu’à 12. Il est fort probable qu’après l’an 2000 la démocratie sera bien assise au Cameroun. Et comme il faudra voter démocratiquement partout, les Bamilékés, avec leur argent, auront la majorité. A partir de ce moment-là, le pouvoir politique sera dans leurs mains.
3) En troisième lieu, les Bamilékés doivent être présents dans tous les milieux pour voir et entendre tout ce qui s’y passe. Citant un proverbe, Monseigneur Ndogmo dit qu’il ne faut jamais mettre tous les oeufs dans un même panier. Quand on met les oeufs dans un seul et même panier, et qu’il arrive que celui-ci se renverse, tous les oeufs se cassent inéluctablement. Par contre, si les oeufs se trouvent répartis dans plusieurs emballages, on a la chance d’en récupérer quelques-uns. Par conséquent, les Bamilékés doivent être présents dans tous les milieux. C’est pourquoi il faut encourager l’implantation des colonies bamilékés dans toutes les régions du pays.
La voie poursuivie depuis quelques années pour la nomination des évêques bamilékés dans différents diocèses du Cameroun correspond bien à cette politique. En conclusion, il demande à toute l’élite bamiléké de lui apporter son soutien total dans la réalisation de ce projet.
Commentaires et réflexions de l’Upc
- L’Union des Populations du Cameroun (Upc) telle qu’elle a été conçue, organisée et mise en pratique par Ruben Um Nyobe, son fondateur, condamne la violence sous toutes ses formes.
- Elle encourage l’Unité nationale et condamne, par conséquent, le tribalisme, surtout lorsque celui-ci prend une forme hégémonique et dominatrice.
- Des héritiers spirituels de Um Nyobe restent fidèles à ses idéaux. Ils ne cautionnent pas les rencontres tendant à déstabiliser le pays par la domination d’une tribu sur les autres.
- L’Église Catholique est universelle et l’Upc ne pense pas qu’un prélat ambitieux – fut-il consulteur de sa Sainteté ou recteur d’une université catholique puisse s’en emparer pour imposer sa volonté diabolique à l’ensemble de l’épiscopat camerounais.
- Après avoir tenté de mouiller l’Upc en passant par Ernest Ouandié, Monseigneur Ndogmo cherche maintenant à compromettre l’Église Catholique. Cet éminent prélat a-t-il seulement tiré les enseignements de son procès de 1971 ou des événements du 6 avril 1984 ?
- Une tribu qui se disperse à travers les quatre coins du territoire national non pour y apporter son dynamisme, mais au contraire pour s’emparer des terrains et s’accaparer des moyens économiques, souvent par des procédés frauduleux, sème les germes de la guerre civile.
- Les Bamilékés doivent savoir que s’ils veulent créer au Cameroun une situation semblable à celle du Liban, l’Upc ne l’admettra jamais, par respect et fidélité pour ses principes.
Yaoundé, le 7 mai 1987.
Additif à la note du 7 mai 1987
Au mois de janvier de cette année (1987), M. Tekam Jean-Michel, s’était rendu au Canada pour rencontrer Monseigneur Ndogmo. Ensemble, ils ont fait le point de la situation et chargé Tekam Jean-Michel de convoquer la réunion de Paris sous le couvert du baptême de son enfant (28 mars 1987). Une délégation de personnalités bamilékés conduite par le Dr Tagny Mathieu, ancien maire de Bafoussam et membre influent de la Section Rdpc de la Mifi, avait fait le voyage de Paris pour prendre part à ces assises.
Yaoundé, le 11 mai 1987.
Aurore Plus
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