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LA BOKO HARAM CONNECTION par Jean‐René Meva’a Amougou

Un document légué par un pion de Boko Haram en terre camerounaise vient lever un pan de voile sur les hommes, les méthodes et l’origine des fonds de la sulfureuse secte extrémiste.Décryptage d’une déposition posthume.Il aurait été difficile de trouver une meilleure occasion pour assassiner un dissident de Boko Haram basé au Cameroun. Le vendredi 16 mai 2014, Maroua, la capitale régionale de l’Extrême‐Nord, accueillait des centaines d’invités à la cérémonie d’ordination du nouvel évêque du diocèse de Maroua‐Mokolo.
Un anonymat parfait pour le(s) tueur (s), noyé (s) au milieu du flot de personnes arrivées de partout, en groupe ou seules. Sur le site du sacre de Mgr Bruno Ateba, tout s’était bien terminé. En revanche, ailleurs dans la ville, quelqu’un avait été frappé avec une précision mortelle. Ce soir‐là à Barmari (quartier qui talonne le centre‐ville de Maroua), Aladji Garé tombait sous trois balles dans la tête… à l’entrée de son domicile. Devant sa copine… tétanisée. Des témoignages concordants des voisins, on obtiendra que: «trois hommes sveltes, cagoulés, sont venus à bord d’une moto vers 19 heures et l’ont abattu.L’un d’eux a ensuite dit en Haussa: va dire tout à Allah, traitre… Et la moto a démarré».

Selon la copine du défunt, Aladji Garé avait répondu nerveusement à un appel téléphonique en Haussa dans un premier temps, puis en arabe, quelques minutes seulement avant d’être froidement abattu.Cet assassinat,que l’on peut qualifier d’extrêmement habile et impitoyable, a aussitôt déclenché une vaste enquête policière. Lors des perquisitions dans la modeste demeure du défunt,la police a découvert des composants nécessaires à la fabrication d’un explosif liquide extrêmement volatile, «le HMTD».
Dans une pièce se trouvaient aussi des documents relatifs au djihad, des reçus de transferts d’argent en provenance du Nigéria et du Qatar. Les enquêteurs ont également mis la main sur une clé Usb. Y était consigné un texte écrit en arabe regorgeant des révélations sur la secte Boko Haram.
On a pu y retrouver aussi des renseignements sur les horaires de vols au départ de Doha, la capitale qatarie, à destination du Nigéria via la Libye et des hôtels disponibles.
On fait également mention de tracts annonçant une attaque à la prison centrale de Maroua. Selon la police camerounaise, Garé était originaire de Banki, dans le canton Momoro, arrondissement de Bogo, à la frontière du Nigéria.
A Maroua, on l’appelait Shahid (martyr). A Kousséri, il se cachait derrière le pseudonyme de Bilal (appel à la prière). Accointances De Aladji Garé, on dit dans son quartier qu’il ne décolérait pas souvent, et jamais bien longtemps. Sauf quand il parlait de ses parents qu’il a perperdus à l’âge de 10 ans. Pourtant, quelques jours avant son assassinat, la colère est revenue.
Une belle colère de fond
Pas aveugle, mais au contraire bien lucide, solidement documentée et parfaitement maîtrisée, braquée de bout en bout contre ses patrons de Boko Haram. Aladji Garé n’avait pas digéré le gel de ses «honoraires» par Aladji Abdallah au lendemain de l’attaque de la brigade de gendarmerie de Kousséri dans la nuit du 04 au 05mai 2014. Et il menaçait de vendre la mèche d’abord à la presse (notamment au journal nigérian «The Punch’s» avec lequel il avait amorcé des contacts eu égard au listing de ses appels téléphoniques) et ensuite aux services de renseignements camerounais. Selon les déclarations de sa copine aux arrêts à Maroua, il était reproché au défunt d’avoir éconduit un homme de main du réseau Boko Haram, l’adjudant‐chef Dapsia Denis. Lequel a trouvé la mort au cours de l’attaque sus‐ évoquée. Aladji Abdallah, un Camerounais, est présenté comme importateur de véhicules d’occasion du Qatar. 
Au delà, c’est l’homme orchestre entre les membres de la secte Boko Haram disséminés au Cameroun et la base nigériane. Il est aussi celui‐là même qui était aux avantpostes (avec le lamido d’Achigachia, extrême nord du Cameroun) lors des négociations entre les ravisseurs de la famille Moulin Fournier et ceux du père Vandenbeusch et les autorités camerounaises.
Message musclé
Selon une source proche de l’enquête, le texte écrit par A. Garé est un message d’assaut. «Si vous ne donnez pas l’argent là, je dis tout…». L’homme avait déjà entamé son «grand déballage» et consigné tout dans une clé Usb. A. Garé connaissait personnellement, une grande partie du monde de la secte nigériane. Il comprenait parfaitement les moteurs des attaques (espions, experts en tout genre ainsi que les amis, épouses et maîtresses de chefs de guerre). 
De sources policières, on apprend que Aladji Garé a tiré habilement parti d’un procédé consistant à centrer son texte autour de la vie et des caractères de trois individus très différents. Il a commencé par Abubakar Shekau, le gourou de Boko Haram. «C’est quelqu’un qui ne sert pas Allah» avait‐il écrit. Ainsi, ce qui avait été simplement affirmé par certains est dit de manière convaincante: Abubakar Shekau est un génie solitaire qui perturbe l’Islam. Suffisant pour comprendre pourquoi il attire dans son organisation une génération de jeunes sous‐ scolarisés qui cherchent un sens à leur existence. Non seulement Abubakar Shekau a formulé une sombre théorie de guerre contre les chrétiens du sud Nigéria, il est aussi le chef d’un mouvement qui en veut au pouvoir actuel d’Abuja. 
Dans le texte de A. Garé aussi, figurent deux personnages: Mohamed Ijokepewu et Hoda Waobi. Le premier, relève‐t‐on, est un médecin issu d’une famille de notables nigérians ayant «une vision particulière» de l’alternance au sommet de l’Etat nigérian.
Le second quant à lui, est un jeune malien qui collecte les fonds auprès de quelques dignitaires répertoriés dans la sphère militaropolitique du Nigéria. C’est également lui qui recrute les combattants. Ce sont ces individus qui forment le noyau dur de Boko Haram.
Le texte exploité par la police apporte également de nouvelles informations, notamment sur la taille et la santé d’Abubakar Shekau. Selon A.Garé, le chef de Boko Haram tient sur 1,70m environ et souffre d’une hypotension artérielle.De plus, un voile de secret recouvre le clan Shekau.
Toutefois, on apprend que plusieurs membres de sa famille sortent peu à peu de l’ombre dans ce qui paraît être une volonté de les préparer à un «rôle». L’un d’eux, Allouf Ben (surnom) est le patron d’un espace converti en centre opérationnel ouvert en 2010 pour former ou recycler les combattants (jeunes nigérians et ex‐rebelles maliens). Son boulot est d’élaborer les plans d’attaques et kidnappings en coordination avec les chefs.
Au Cameroun
Au regard des écrits de Aladji Garé, au Cameroun, «chacun a son rôle» pour égarer les services de renseignements.Pour éviter les fuites d’informations, Boko Haram insiste sur la non utilisation du téléphone.
Sont privilégiés, les têtes à têtes entre les membres basés au Cameroun. Les rencontres ont généralement lieu dans des zones où l’autorité matérielle et morale de l’Etat est au plus bas. Des indications glanées auprès de la copine de Aladji Garé font savoir que celui‐ci s’était rendu à Kousséri deux jours avant l’attaque du 16 mai 2014. «Je vais voir des amis mais je vais dormir à Oualiia» (l’un des premiers quartiers de Ndjaména au Tchad, à partir du Cameroun, Ndlr), avait‐il confié. Ainsi, aidés par le flou peu exigeant de l’identité camerounaise, le groupe circule librement et avec la complicité de certaines autorités. C’est, de manière flagrante, ce qu’a révélé l’attaque de la brigade de gendarmerie de Kousséri.
Dès lors, on se trompe en croyant que certains citoyens «au‐dessus de tout soupçon» ne peuvent pas prendre part ‐activement ou passivement‐ à une incursion de Boko Haram en terre camerounaise. Dans les quartiers populaires de Maroua et de Kousséri par exemple, le texte de A. Garé met à nu la présence incontestable de la secte nigériane. Làbas, le disparu avait révélé que «ces gens sont parmi nous, sillonnant les marchés et s’assurant le contrôle des coins louches».
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