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LE DÉBARQUEMENT DE NORMANDIE EST L’EXPRESSION INTERNE DE LA LIBERTÉ NOIRE par Dr Vincent-Sosthène FOUDA

Le 6 juin 2014, le monde libre fêtera le 70ème anniversaire du débarquement des forces alliées sur les plages de Normandie. Cette commémoration me donne à la première personne du singulier de me bomber le torse et surtout de refuser de m’installer confortablement dans le postracial, sans « me prendre la tête » comme le constate mon aîné Souleymane Bachir Diagne de l’Université Columbia. Non, le débarquement en Normandie est une part de moi, que je revendique, mais que je souhaite aussi enseigner à mes enfants. Je m’unis aux drapeaux de liberté qui flottent non pas en usurpateur, mais en homme libre qui revendique sa part dans cette longue lutte contre les ténèbres qui envahirent un jour le 20ème siècle. L’esclavage, son abolition, la Conférence de Berlin, tout cela nous a préparés à nous battre pour la liberté. En 1900 à Londres, Sylvester Williams et W.E.B. du Bois avaient préparé la conscience nègre à chanter l’hymne de la liberté. C’est ensemble main dans la main, Noirs d’Afrique et Noirs des Etats-Unis que nous entrâmes dans la Première Guerre Mondiale et notre contribution est significative! Nous comprîmes les principes wilsonniens dans le sens que voulait leur en donner l’auteur même si au final, nous en fûmes exclus.

La Négritude était née et eut son équivalent en politique : C.L.R de James et Paul Robeson, George Padmore et Jomo Kenyatta, Léopold Sedar Senghor, Aimé Césaire. L’Afrique s’est donc mise en marche, avec ses intellectuels, ses artistes, pour fissurer, pour ébranler et finalement, pour détruire en leur propre sein, en leur terre nourricière ce contre quoi ils sont allés combattre et mourir au loin.
Oui, nous l’affirmons, le débarquement de Normandie est une part de nous, avec ses parts d’ombre et de lumière, ses parts d’ombre et ses parts de lumière parce que nous avons été sur tous les fronts, mieux que sur tous les fronts; et, c’est justement parce que nous étions à l’avant, à l’arrière comme au milieu que nous pouvons chanter aujourd’hui un chant de liberté et refuser que la postérité accorde une larme à nos malheurs.
Le 70ème anniversaire du débarquement de Normandie pour nous va au-delà des leaders mondiaux réunis autour du Président Français François Hollande, il est pour nous plus que toutes les festivités qui entourent cette célébration. C’est le chant de notre propre liberté et un appel à bâtir l’Afrique selon les intérêts de ses enfants. Avec Patrick Chamoiseau, le débarquement est pour nous un appel à « retrouver la mémoire du corps », pour proclamer à tout jamais la renaissance de l’Afrique du troisième millénaire comme le fit Langston Hughes avec la Renaissance de Harlem « sans honte et sans peur ». Les mots ne sont plus des maux, ils sont un contenant constructif du contenu de ce que nous sommes à tout jamais : des peuples libres dans un continent libre. Les grandes sculptures de l’Afrique mère à l’instar d’Ousmane Sow sont là pour matérialiser notre imaginaire. La « raison étreinte » pour épouser la terminologie senghorienne n’est pas née dans les tranchées de Normandie et de ces lieux innommables dans lesquels nous avons versé notre sang, la « raison étreinte » affirme à tout jamais que nous sommes tous des hommes de raison; des Homines sapientes.
Le 70ème anniversaire du débarquement de Normandie vient nous rappeler qu’aucune race ne possède le monopole de la beauté ni de la cruauté. Il nous rappelle que nous pouvons
prophétiser parce que nous avons rencontré le malheur chez l’autre, dans les tranchées. Voilà pourquoi, avec Aimé Césaire, nous ne voulons pas être « cet homme de haine pour qui je n’ai que haine », mais nous exiger « bêcheur de cette unique race » de cet unique continent pour lequel nous avons tout à donner aujourd’hui afin de ne pas inverser le cycle de souffrance de la race humaine.
Le 70ème anniversaire du débarquement de Normandie est une grande fête de l’humanisme qui nous fait dire, prenant le contre-pied de Richard Wright, que tous nos rêves sont possibles.
Le 70ème anniversaire du débarquement de Normandie est une exigence, celle de la réconciliation de l’Homme avec l’Homme car en fin de compte, au-delà des cris de vengeance qui animent souvent la race humaine dans ses pires moments de folie, l’unique question qui demeure est : qu’est-ce qui advient de toute la beauté en nous après la vengeance?
Le 70ème anniversaire du débarquement de Normandie s’ouvre devant moi haut comme Cheikh Anta Diop parce qu’il « ne suffit plus d’être noir de la tête aux pieds pour être un Nègre ». Si c’est vraiment par la puissance du verbe que tout fut créé, alors n’est-il pas temps de nous secouer corps et âme, de ne pas, pour des raisons qui sont parfois hors de ce que nous sommes, nous « croiser les bras en l’attitude stérile du spectateur, car la vie n’est pas un spectacle, car une mer de douleurs n’est pas un proscenium, car un homme qui crie n’est pas un ours qui danse ».Oui, le 70ème anniversaire du débarquement sur les plages de Normandie est une mise en mouvement, il est « truelle à la main (…) lance au poing » comme nous le recommande Senghor parce qu’il n’est plus question de manger et de boire, comme le dit le cinéaste Jean-Pierre Bekolo. La tâche est lourde et pressante, celle d’éveiller et de construire un futur flamboyant.
L’Afrique mère se doit donc de prendre, d’assumer son héritage du débarquement de Normandie parce que cet héritage est son plus beau chant de liberté!
Chaque peuple a, dans son parcours, dans son histoire un « grand moment »; le nôtre s’est exprimé là, loin de nos terres, de nos danses, mais justement parce que ce fut aussi loin, notre agir devrait refléter l’entêtement de notre rancœur aiguisée par l’hiver.
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