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Lettre ouverte de BERTRAND TEYOU : il se plaint d'être pris en otage en France !

Le 13 avril dernier, j'adressais une demande aux autorités françaises pour un urgent retour au Cameroun, suite aux graves violations par ces dernières de la Convention de Genève de 1951 à l'endroit du réfugié politique que je suis en France. Après plusieurs relances, je reste toujours sans suite. Monsieur Raphaël Demarquet, le chargé de mission à qui le Ministère de l'intérieur a confié mon dossier, se limite à gagner du temps en me baladant d'administration en administration, une méthode qui marche incroyablement bien en France au point où, le temps d'ouvrir les yeux, vous avez passé 40 années sur place, à biduler, entre les guichets de la CAF(Caisse d'Allocations Familiales), associations caritatives et assistantes sociales... sans comprendre comment cela a pu arriver. Mais, ayant compris la manœuvre d'usure,  j'ai dû précipiter mon interlocuteur à la conclusion, et il m'a avoué que c'est ainsi en France. Le même aveu que me lancent les policiers de la BAPSA ( Brigade d'assistance aux personnes sans abri) qui est l'un des organismes parisiens d'accueil des réfugiés, ces policiers qui, tous les jours, piétinent scandaleusement la Convention de Genève tout en réduisant le sort des victimes à leurs humeurs.

Ainsi, la toute puissante France peut bafouer impunément les lois et, à l'opposé, quand nous osons remettre en question les accords néo-coloniaux qui déciment chez nous des populations entières, elle nous répond froidement que les lois sont sacrées! Et malheur à celui qui rechigne, on le bombarde aussitôt, pour ensuite ouvrir le chemin de l'exil aux survivants les plus chanceux, ceci pour un refuge dit "humanitaire", un exutoire qui en réalité est la pire des prises d'otage, je vous décrie la mienne pour vous donner une idée du merveilleux laboratoire du crime qu'est la France.
Quand j'arrive en exil en France à l'initiative de cette dernière le 5 février 2013, je découvre que les journaux locaux ayant relayé mes déboires en Suisse, ont suscité auprès des lecteurs français de l'intérêt pour mes livres. A la faveur de cet engouement, j'opère une étude de marché profonde, je me mets ensuite en conformité avec les lois régissant le métier d'édition pour lancer la publication de mes livres, ayant sur la main des commandes fermes d'environ une trentaine de librairies parmi lesquelles les plus prestigieuses de la place parisienne. Toujours dans la même lancée, bien au-delà des commandes mettant en évidence des demandes s’élevant à des milliers d'exemplaires d'ouvrages, je m'assure aussi, compte tenu du fait qu'en France le démarrage d'une entreprise entraîne des charges impitoyables et inexorables, de l'accès automatique à au moins 50% de l'espace constituant le marché ciblé, c'est le minimum avant tout investissement, car le livre n'étant forcément pas un produit de première nécessité, la mise en étagère est fondamentale dans le déclenchement de sa commercialisation. A cette occasion, j'aurai à m'opposer à des méthodes sélectives de diffusion qui en France tuent la compétitivité, en expliquant qu'aujourd'hui, le flux tendu permet même au plus petit des kiosques de commercialiser sans aucun problème toutes les publications du monde, car le flux tendu est en réalité comme Facebook, tout le monde peut publier puis, c'est ce que le public sélectionne qui reste sur la toile, transposé à l'industrie du livre, cela signifie que c'est le lecteur qui décide de ce qui reste en étagère.
Alors avec mes commandes des libraires, les liens avec des journaux tels que le Parisien, L'Express, le Figaro, Mediapart et beaucoup d'autres, j'ai, de façon indiscutable, accès au réseau formel de diffusion conformément aux pratiques en vigueur en France. Mais, sauf que, coup de tonnerre!!! Presstalis et Hachette, puissants patrons du marché francophone du livre, décrètent que mes livres sont interdits, alors tout s'effondre! Par peur de représailles, certains acteurs qui m'avaient donné leur accord se rétractent, d'autres résistent et maintiennent leurs commandes, mais, avec une commande à 200 exemplaires comme seul élément, il n'est pas possible de lancer une production dont le coût de départ est de 30 fois plus, un tableau dans lequel ne vous suivra aucun banquier.
C'est alors que je serai empêtré dans une terrible impasse sans fin, une situation qui poussera certains à me demander: "mais les autres écrivains africains qu'on voit en France, comment font-ils?". Alors, voilà comment fait la plupart de mes confrères. Premièrement, les écrivains africains en France n'ont qu'un accès très résiduel au marché, non pas parce qu'ils ne peuvent pas vendre mais simplement parce que le marché global en France est réparti en quotas communautaires. Si en Afrique francophone les Français sont les maîtres du marché, chez eux, ils réservent aux originaires d'Afrique des comptoirs indigènes et aux Français dit "de souche" les prestigieux fauteuils du CAC 40. Comptoir indigène signifie impossibilité à créer de la richesse, et quand on est à ce point inexistant dans un système économique, cela veut dire qu'on est mort, tel est le sort qui frappe plus du quart de la population française qui est d'origine africaine, personne n'y échappe, même pas les écrivains. Pour masquer l'horrible réalité, on sort de temps en temps du lot un indigène, un des écrivains indigènes, pour lui donner un prix, ou lui offrir une interview sur RFI ou quelque bricole sur le net qui engrange actuellement à peine 2 % des ventes de livre (Amazone y compris). Ensuite, à eux de se débrouiller avec l'étiquette professionnelle dopée pour arrondir les fins de mois.
En France, l'Africain a encore moins de chance que dans le chaos vécu en Afrique, il ne compte pas, et ne me demandez surtout pas de perdre mon temps à prouver une évidence qui se vit à tous les coins de rue. Je veux juste retourner chez moi en Afrique et consacrer mon énergie à la production de mes ouvrages. Je reste toujours bloqué en territoire français, parce que la procédure de retour est faite de façon que même en renonçant à votre statut de réfugié, vous n'obtenez pas automatiquement votre droit de retour. Je demande solennellement à la France de me permettre de rentrer chez moi car il s'agit là d'un droit fondamental garanti indépendamment des opinions politiques. Retenir un être humain dans un lieu contre son gré et contre le droit s'appelle prise d'otage.
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